Le Liban n’en est plus à une exception près en ce qui concerne son modèle économique. Des spécialistes devraient un jour se pencher sur son fonctionnement atypique à tous les niveaux. Ils identifieront peut-être une variable particulière, celle de la guerre, qui, nulle part comme au Liban, ne joue un rôle aussi majeur dans le comportement des agents économiques. Le Liban n’est certes pas le seul pays au monde à avoir connu la guerre. Mais il est peut-être le seul à vivre sous la menace permanente d’un nouvel embrasement. Les anticipations de tous les acteurs de l’offre et de la demande sont affinées par l’expérience, la mémoire. L’effet de surprise que produit en général un conflit est donc atténué, même si la rupture ne manque pas de se produire lorsque les armes parlent véritablement, comme cela a été le cas à l’été 2006. En temps de paix relative, ce qu’on pourrait appeler la variable guerre agit surtout sur les investissements, moteur de l’économie. Des études sur la Corse ou le Pays basque, des zones où l’incertitude politique et l’insécurité sont chroniques le montrent : les investissements se détournent du capital productif pour se concentrer sur le capital mobile, en premier lieu les ressources humaines. Au Liban, le phénomène est flagrant : l’investissement y est très faible, car, contrairement à ce qu’on pense, l’immobilier s’apparente à un placement financier plutôt qu’un investissement productif ; quant aux classes moyennes, elles investissent dans les études pour faciliter leur expatriation.