État des lieux de la presse libanaise
Tour d’horizon des principaux quotidiens de la place libanaise qui ont bien voulu répondre à nos questions.
La loi de 1962 stipule que toute publication politique doit appartenir à des Libanais, que ce soit des personnes physiques ou morales. Le quotidien saoudien al-Sharq al-Awsat, a donc créé une société de droit libanais pour pouvoir diffuser au Liban ; et al-Balad (de son nom officiel Sada al-Balad) qui fait partie du groupe koweïtien al-Waseet International, est détenu au Liban par la société al-Balad SAL dont les actionnaires sont libanais. Le ministère libanais de l’Information reconnaît donc officiellement 20 quotidiens en activité au Liban, dont un en anglais, un en français et 18 en arabe : L’Orient-Le Jour ; The Daily Star ; An-Nahar ; Al-Liwa’ ; Al-Moustaqbal ; Al-Thabat ; Al-Jarida ; Al-Hayat ; Al-Akhbar ; Al-Anwar ; Al-Bariq ; Al-Diyar ; As-Safir ; Al-Sharq ; Al-Sharq al-Awsat ; Sada al-Balad ; Sada Loubnan ; Al-Nida’ ; Al-Balagh ; Al-Bina’.
L’Orient-Le Jour : un quotidien francophone rentable
Né en 1971 de la fusion entre L’Orient de Georges Naccache et Gabriel Khabbaz, et Le Jour de Michel Chiha, L’Orient-Le Jour a longtemps été le seul quotidien francophone du Liban, jusqu’à l’arrivée récente de la version française d’al-Balad. Les principaux actionnaires du quotidien sont Michel Eddé, le groupe Choueiri, le groupe Pharaon et Rizk Rizk. Il est l’un des seuls quotidiens de la place libanaise à être rentable. Son budget de fonctionnement annuel, qui tourne autour de cinq millions de dollars, est aujourd’hui entièrement financé par les revenus publicitaires et par les revenus de la vente, selon son administrateur délégué Nayla de Freige. 1
35 personnes travaillent à son élaboration. Et son site Internet, relancé avec une nouvelle maquette début 2010, est dans le top 100 des sites libanais selon le site de statistiques Internet Alexa. La vente de bannières permet de le financer et des formules payantes sont mises au point. « Nous avons commencé à mettre en ligne une édition le dimanche, explique de Freige. L’étape suivante est le développement d’une rédaction web semi-indépendante, d’ici à 2011. » Malgré la montée en puissance du lectorat sur Internet, le tirage de l’édition papier resterait stable, à 16 000 exemplaires.
The Daily Star : un quotidien anglophone en difficulté
Le Daily Star, seul quotidien en anglais de la scène libanaise, est dans la tourmente. Confronté depuis quelques années à une baisse de ses revenus publicitaires, il a même dû cesser de paraître pendant deux semaines en janvier 2009 à la suite d’un conflit qui l’opposait à la banque Standard Chartered. En décembre de l’année dernière, le propriétaire actuel Jamil Mroué a lancé des négociations pour augmenter le capital de 40 % et renflouer les caisses. Le groupe Hariri était sur les rangs, mais se serait finalement désisté. Ce seraient des groupes qataris qui resteraient en lice. À l’heure d’aller sous presse, les négociations étaient toujours en cours.
Selon le directeur général du quotidien Salem Dakkak, le Daily Star tourne en 2010 avec un budget annuel de près de 3 millions de dollars, assuré en partie seulement par la publicité et les ventes. 60 personnes environ y travaillent. Il annonce une circulation de 12 000 exemplaires. Son site Internet, longtemps leader au Moyen-Orient, revendique 300 à 400 mille pages vues par mois.
Créé en 1952 par Kamal Mroué, père de Jamil et fondateur du quotidien en arabe al-Hayat, le Daily Star avait pour objectif de répondre à la demande des nombreux expatriés attirés par l’industrie pétrolière. Initialement distribué au Liban, le quotidien a rapidement couvert tout le Moyen-Orient. Dans les années 60, le Daily Star était le quotidien leader en anglais de la région. La guerre interrompt sa publication et ce n’est qu’en 1996 qu’il est véritablement relancé par l’actuel propriétaire Jamil Mroué.
As-Safir : « Le quotidien du monde arabe »
As-Safir a été fondé en 1958 par Élias al-Hoayeck en tant qu’hebdomadaire. En 1974, Talal Selmane, le propriétaire actuel, en rachète la licence et le relance en tant que quotidien.
Selon le directeur général actuel Yasser Nehmé, as-Safir est distribué à 25 000 exemplaires en moyenne. « Mais nous augmentons le tirage de 15 % en cas d’événement majeur », précise-t-il. Lancé sous le slogan : “Le quotidien du monde arabe au Liban et le quotidien du Liban dans le monde arabe”, le Safir emploierait 170 personnes et aurait un budget de fonctionnement annuel de six millions de dollars, financé par les ventes et les rentrées publicitaires. En plus du quotidien, la société gère les imprimeries du Safir et le Centre arabe de l’information, qui héberge les archives du Safir. Sa régie publicitaire est Pressmedia.
An-Nahar vise l’équilibre financier pour 2011
Le Nahar a défrayé la chronique à l’automne dernier, lorsqu’il a licencié 55 journalistes (20 % de ses effectifs) dans le cadre d’un plan social visant à réduire son déficit chronique de plus d’un million de dollars par an.
Tournant aujourd’hui avec une équipe de près de 250 personnes, le Nahar reste l’un des plus grands quotidiens de la place de Beyrouth. Son rédacteur en chef Ghassan Hajjar revendique une distribution de 30 000 exemplaires environ, vendus à un prix en kiosque de 2 000 livres libanaises. L’objectif du Nahar est d’arriver à l’équilibre des comptes d’ici à fin 2011 ; ses rentrées publicitaires et ses ventes lui permettraient alors d’assurer son budget de fonctionnement de 11,3 millions de dollars. Le site web du Nahar, annahar.com, revendique 60 000 pages vues par jour en moyenne. À noter que naharnet.com n’appartient pas au quotidien, mais à Bassam Tuéni, un cousin de la famille.
An-Nahar a été créé par Gebran Tuéni en 1933. Son fils Ghassan, puis son petit-fils Gebran ont pris la relève, jusqu’à l’assassinat de ce dernier en 2005 ; c’est son arrière-petite-fille Nayla Tuéni qui en tient les rênes aujourd’hui. Les principaux actionnaires du Nahar restent la famille Tuéni, selon les sources du quotidien ; le prince al-Walid ben Talal et le groupe Hariri y ont également des participations.
Al-Anwar : le quotidien de Dar el-Sayyad
Le premier numéro d’al-Anwar est paru le 25 août 1959. Ce quotidien a été fondé par Saïd Freiha et ses deux fils, Issam et Bassam, fondateurs et propriétaires de Dar al-Sayyad. Cette maison d’édition a été créée au moment de l’indépendance du Liban en 1943 ; elle publie divers quotidiens et mensuels, dont Fayrouz (mensuel féminin) et al-Difa’a al-Arabi (mensuel sur les armes).
Al-Anwar préfère rester discret sur sa distribution et sur son budget de fonctionnement. Il serait bien représenté dans la Békaa et dans le nord du Liban, où son prix modéré (1 000 livres) lui permettrait de toucher un large public. Près de 50 personnes travailleraient à l’élaboration du quotidien, qui affirme se financer via ses ventes et ses revenus publicitaires. Des experts du secteur estiment que les mensuels du groupe Dar al-Sayyad, et notamment le Difa’a al-Arabi, qui est vendu dans toute la région, financent les quotidiens, moins rentables.
Al-Akhbar : le dernier-né qui grimpe
Lancé en 2006 pendant la guerre de juillet avec Israël, al-Akhbar a depuis le début une position éditoriale très claire, plus proche du 8 Mars que du 14. Créé avec un capital de 30 millions de livres libanaises provenant de fonds libanais et arabes, al-Akhbar a lentement, mais sûrement gagné des parts de marché et revendique aujourd’hui une distribution de 16 500 exemplaires au Liban et 4 000 en Syrie.
Environ 150 personnes travailleraient à l’élaboration du quotidien, qui est vendu 1 000 livres libanaises en kiosque. Il tournerait avec un budget annuel de plusieurs millions de dollars, dont près de 20 000 dollars sont dédiés au paiement de la licence de presse louée sur 10 ans au Parti communiste libanais.
Al-Balad : un quotidien “de masse”
Lancé en 2003 avec la volonté d’être indépendant, c’est-à-dire sans financement politique, al-Balad serait aujourd’hui le magazine le plus distribué au Liban : il revendique 40 000 abonnés pour sa version arabe et 12 000 pour sa version française, selon Pierre al-Qadi, l’un de ses directeurs éditoriaux. Avec la distribution en kiosque et la distribution gratuite, le Balad tirerait à 60 000 exemplaires. Il est vendu à 1 000 livres libanaises en kiosque ; il emploierait près de 70 personnes pour ses deux versions.
Financé par la publicité et les ventes, il tente de se démarquer en encourageant les opinions de tous bords. Il a longtemps eu pour politique de ne pas avoir de rédacteur en chef ; aujourd’hui, il n’y a toujours pas de rédacteur unique, mais une direction éditoriale composée de trois personnes pour chaque langue. Il s’adresse à un lectorat de masse, avec un focus sur une audience jeune. Chaque année al-Balad organise des campagnes d’abonnements agressives pour étendre son lectorat. Le quotidien est détenu au Liban par la société al-Balad SAL, dont les actionnaires sont Ahmad Baadarani, Marwan Dimas et Riad Kiwan. Al-Balad fait partie du groupe AWI (Al Waseet International), détenu par les Syriens Bachar Kiwan et Majed Suleiman. AWI publie également al-Waseet, Marie-Claire, Layalina, Gala et Topgear.