Des automobilistes faisant la queue aux stations d’essence : la scène frise le ridicule quand l’on sait que le calme règne au Liban alors que le monde arabe, lui, est en ébullition révolutionnaire. Davantage que ridicule, le spectacle est affligeant. Par chance, la “pénurie d’essence” n’a pas duré plus de 48 heures. Mais le seul fait qu’elle survienne témoigne de l’ampleur des dysfonctionnements du système politique libanais.

Obligée de conduire à défaut de transport en commun, la population a été l’otage d’une crise dont l’enjeu était un “cadeau” lui étant destiné. Car la baisse des prix de l’essence dans un contexte de flambée des cours internationaux serait un “cadeau” plutôt qu’une décision politique prise par les représentants du peuple. On oublie au passage que ce sont les citoyens qui le financent en tout cas à travers l’impôt. Et que les droits d’accise sont l’une de ces taxes directes faciles à mettre en œuvre certes, mais inégalitaires par nature.

De communiqués en conférences de presse, la finalité de la dispute entre le ministre sortant de l’Énergie, d’un côté, et sa collègue des Finances, de l’autre, a paru très claire : qui pourra revendiquer la paternité de ce “cadeau”. On a même pensé attendre un moment la formation du gouvernement, afin que son premier acte soit ce fameux “cadeau”, mais la longueur du processus de composition du futur cabinet a eu raison d’un tel scénario.

Pourquoi en est-on arrivé là devrait être l’unique préoccupation des électeurs et de la classe politique. Car les dossiers en souffrance semblables à celui de l’essence sont légion. Et l’incapacité du système de gouvernement à la libanaise de régler des problèmes majeurs est un problème en soi.

À défaut de pouvoir faire tomber un “régime”, les Libanais se mobiliseront-ils malgré tout un jour pour que leurs aspirations et leurs besoins de première nécessité (eau, électricité, transport, logement, etc.) soient pris en compte ? Pour que ces questions ne soient pas considérées comme des “détails” dans un bras de fer aux enjeux supérieurs, mais bien le cœur de leurs préoccupations.