Achrafié : recherche désespérément bureaux à louer
À Achrafié, des dizaines de projets résidentiels continuent de sortir de terre, mais l’immobilier de bureaux accuse un net retard, ne séduisant pas les promoteurs. Les disponibilités dans les immeubles récents sont rares, tandis que la majorité de l’offre est concentrée dans l’ancien, avec des prestations qui ne correspondent souvent pas aux aspirations de la demande. État des lieux.
Trouver aujourd’hui un bureau de bonne qualité à louer à Achrafié relève presque du casse-tête chinois. Alors que les promoteurs ne savent plus comment écouler tous leurs appartements résidentiels, l’offre dans le secteur des bureaux est inférieure à la demande et se révèle souvent inadaptée aux besoins. « Il y a environ 75 immeubles de bureaux dans le Grand Achrafié, avec des taux d’occupation d’environ 90 %, explique Guillaume Boudisseau, consultant immobilier chez Ramco Real Estate Advisors. Il reste bien des bureaux disponibles, mais ce sont souvent les moins intéressants. Ils présentent en général plusieurs inconvénients : une entrée négligée, peu de places de parking et des espaces compartimentés, alors que la demande porte sur des espaces ouverts. » Le taux de rotation est en outre assez faible, ce qui ne laisse pas beaucoup de marge aux nouveaux arrivants. « Les baux sont de trois ans renouvelables, mais la plupart de nos locataires sont les mêmes depuis plus de 10 ans », témoigne ainsi Georges Haddad, copropriétaire d’Echmoun, un immeuble de bureaux rénové rue de Damas. Sans compter que de nombreuses sociétés profitent de tarifs avantageux en raison d’anciens loyers et ne veulent surtout pas déménager.
La grande majorité du parc immobilier de bureaux a été construite il y a 20, 30, voire 40 ans, et s’est souvent développée de manière anarchique. « Les locaux de bureaux ont commencé à se développer à Achrafié pendant la guerre, lorsque les quartiers de bureaux au centre-ville, sur l’avenue Béchara el-Khoury ou à Hamra ont été désertés. Les sociétés se sont installées dans des appartements privés, ce qui est normalement interdit par la municipalité, mais a été toléré à l’époque étant donné la situation », explique Joe Kanaan, PDG de l’agence Sodeco Gestion. Depuis la fin de la guerre, certains immeubles de bureaux ont été rénovés, comme l’immeuble Echmoun ou l’immeuble Olivetti, à proximité de Adlié, mais seule une poignée de constructions ont été lancées au cours des dix dernières années, avec très peu de disponibilités. À la fin des années 90, les promoteurs ont en effet suivi la demande, orientée en priorité vers le résidentiel, et privilégié la rentabilité. « Très peu de promoteurs veulent immobiliser 10 millions de dollars pendant des années et se contenter de revenus locatifs », commente Joe Kanaan. S’il est en effet possible de réaliser du profit en trois ans sur un projet résidentiel, il faut parfois attendre dix à quinze ans pour rentabiliser un immeuble de location de bureaux. « Le taux de rendement locatif pour les bureaux est en moyenne de 5 à 6 % par an. Un taux nettement inférieur à d’autres pays de la région, comme par exemple Dubaï avant la crise, où le rendement pouvait atteindre 10 à 12 % par an », explique Abdel Karim Saadé, directeur général de Bricks Real Estate Solutions. « Les promoteurs construisent peu d’immeubles de bureaux, car les banques ne prêtent pas sur de longues durées. En Europe, ce sont les fonds d’investissement qui investissent dans ce secteur, mais ils sont inexistants au Liban », ajoute Joe Kanaan.
Une demande “frustrée”
La demande pour les bureaux à Achrafié existe pourtant bel et bien. Elle provient majoritairement de petites et moyennes entreprises locales, parfois des joint-ventures, et dans des cas plus rares des sociétés étrangères. Elles cherchent souvent à s’installer à proximité du centre-ville, en bénéficiant de loyers plus abordables, de facilités plus grandes, en particulier les places de parking, qui manquent cruellement au centre-ville. Les charges annuelles sont aussi moins élevées. « Les sociétés libanaises s’installent à Achrafié pour des questions de commodité : elles se situent près des domiciles des employeurs et de leurs employés », explique Guillaume Boudisseau. « Depuis l’assassinat de Rafic Hariri et toutes les manifestations qui ont eu lieu au centre-ville, certaines sociétés sont venues s’installer à Achrafié. Le boom résidentiel et commercial a aussi rendu le secteur plus attractif », explique Walid Boustany, directeur financier de la société Sole SAL, qui exploite l’immeuble de bureaux éponyme à proximité de La Sagesse, avenue Charles Malek. « Les sociétés étrangères ont toujours confiance dans le pays. Nous avons loué en décembre 2010 quatre étages de bureaux à une société belge, une société américaine et une société du Golfe. Avec la dissolution du gouvernement, deux négociations de contrat ont été stoppées, notamment avec une ambassade, mais cela n’est pas nécessairement représentatif sur le long terme », explique Youssef Tahan, copropriétaire de l’immeuble Olivetti, avenue Pierre Gemayel.
Globalement, la demande est stable, voire en augmentation. « On constate depuis presque deux ans un regain de la demande sur les bureaux à Achrafié, ce qui a augmenté les loyers d’environ 30 % », assure Joe Kanaan. Les loyers à Achrafié varient en moyenne de 150 dollars le m² annuel dans l’ancien, jusqu’à 250, voire 300 dollars le m²/an dans les nouveaux immeubles haut de gamme. En comparaison, les loyers sont en moyenne de 300 à 350 dollars le m² annuel au centre-ville. « La demande s’oriente majoritairement vers les petites et moyennes superficies, de 50 à 200 m², mais ces surfaces sont souvent saturées à Achrafié », explique l’agent immobilier Christian Baz. Les superficies de 60 à 70 m² sont de plus en plus réclamées, notamment pour des bureaux de représentation ou des petits cabinets. « Comme la demande est frustrée à Achrafié, elle se dirige de plus en plus vers Sin el-Fil, Horch Tabet et Jisr el-Bacha. Ces banlieues deviennent des destinations concurrentes, avec des loyers de 100 à 200 dollars par m² annuels en fonction de la qualité des produits », estime Guillaume Boudisseau.
Les promoteurs commencent tout de même à s’intéresser timidement à la construction d’immeubles de bureaux à Achrafié, notamment le groupe koweïtien NHG, qui vient de lancer deux immeubles de bureaux, l’un rue Pasteur (West End Project), l’autre près du bâtiment de la TVA à Adlié (Pearl Building). Les bureaux seront proposés à la vente et s’ils ne trouvent pas d’acquéreurs, seront loués. « Construire un immeuble de bureaux est plus rentable pour les promoteurs, car ils vendent brut de béton, sans salle de bains, ni cuisine à équiper, pour un prix équivalent à celui des appartements », explique Philippe Tabet, directeur général de Har Properties, qui construit le projet Aya, à Mar Mikhaël. Le bâtiment de 20 étages comprendra deux étages de bureaux, confirmant une nouvelle tendance sur le marché : le mélange du résidentiel et des locaux de bureaux. D’autres projets suivent la même logique : la tour Sama Beirut, près de Sodeco, qui comprendra six étages de bureaux, l’immeuble Star Tower, qui comptera quatorze appartements et douze bureaux rue de Damas, etc. D’une manière générale, les immeubles résidentiels incluent de plus en plus un ou deux étages loués par des sociétés, notamment des banques. « Par contre, ce qui n’est pas encore fréquent comme à Hamra ou à Verdun, c’est le commercial couplé à des espaces de bureaux. À Achrafié, on construit des magasins, mais sans bureaux. Il y a là un vrai créneau à développer », estime Christian Baz.
Où trouver des bureaux à Achrafié ? Le centre-ville est le principal pôle d’attraction des bureaux, avec plus d’une centaine d’immeubles qui y sont consacrés. À Achrafié, les immeubles de bureaux sont éparpillés dans plusieurs secteurs, sur de grandes artères, en particulier le long des axes est-ouest. L’avenue Charles Malek est celle qui regroupe les immeubles d’affaires les plus modernes : Bourj el-Ghazal, Sofil, Tabaris 812, l’Ellipse, Quantum, etc. Les loyers de bureaux varient entre 250 et 300 dollars le m², selon les facilités offertes et la proximité du centre-ville. La rue de Damas comporte aussi plusieurs immeubles de bureaux, comme Star Tower, Saga, Echmoun, le centre Sayegh, dans une fourchette de 200 à 250 dollars le m² en moyenne. Centre névralgique d’Achrafié, la place Sassine et ses environs, l’avenue Élias Sarkis ou la rue Alfred Naccache, qui descend vers l’Hôtel-Dieu, proposent également des bureaux à vendre ou à louer. Idem pour le quartier de Saïfi. D’autres zones sont attractives pour ce segment du marché, parce que situées à des endroits stratégiques : la rue Pasteur, près du port, avec des tarifs entre 200 et 300 dollars le m² annuels, et l’avenue Pierre Gemayel, à proximité de sites industriels et facilement accessibles. « L’avenue reliant le Musée national et le secteur de la Fiat a un énorme potentiel, elle est encore peu développée et est trop bruyante pour accueillir des projets résidentiels », estime Guillaume Boudisseau. |