L’économie syrienne est durement affectée
Les enjeux politiques sont tels que l’Irak et l’Iran ne permettront pas l’effondrement de l’économie syrienne, estime Nabil Sukkar, fondateur et PDG du Bureau de conseil syrien pour le développement et l’investissement, l’une des principales sociétés
de conseil économique à Damas.
Quelle est votre estimation de la croissance du PIB syrien pour cette année ?
Il est très difficile d’en faire une, car nous disposons de très peu de données. La récession est certaine, mais son ampleur difficile à évaluer. La majorité des secteurs sont touchés, tel le tourisme, même si celui-ci ne représente en fin de compte qu’une faible portion de la richesse nationale. L’agriculture qui contribue à hauteur de 20 % du PIB a profité de bonnes pluies et va donc croître et compenser en partie la baisse des autres secteurs. Un chiffre de croissance de -6 % me semble proche de la réalité.
Le gouvernement a augmenté les subventions et les salaires. Quel sera l’impact de ces mesures sur le déficit ?
Le déficit public va certainement augmenter de manière significative cette année et l’année prochaine. Les taxes et les impôts ne sont pas collectés, car l’activité est en baisse et les gens sont en grande difficulté économique. Les tarifs douaniers sur de nombreux produits de consommation ont également été réduits en début d’année, ce qui contribue aussi à la baisse des revenus en plus, évidemment, de la chute des recettes pétrolières due aux sanctions. Pour combler le déficit, le gouvernement n’aura probablement pas d’autre choix que de faire tourner la planche à billets, ce qui aura un impact inflationniste.
Quelles mesures le gouvernement pourrait-il prendre ?
Sur le court terme, il ne peut plus revenir sur les subventions et les salaires, car ce serait trop coûteux politiquement. En revanche, il pourrait décider d’une mesure générale de baisse des dépenses dans tous les ministères et les administrations publiques, par exemple de l’ordre de 20 %. Sur le long terme, les subventions doivent baisser et disparaître. Elles ne sont tout simplement pas tenables pour les finances publiques.
Le taux de change de la livre syrienne par rapport au dollar a atteint 60 livres début décembre, soit une dépréciation d’environ 25 % depuis le début de l’année. Comment voyez-vous son évolution ces prochains mois ?
Il est très compliqué de prévoir comment la livre va évoluer, mais je pense difficile qu’elle revienne à son niveau d’avant la crise. La Banque centrale a relativement bien géré la période en rapprochant le taux officiel du taux du marché noir et en intervenant de manière épisodique sur le marché. Par ailleurs, la faiblesse de la demande intérieure et de l’investissement a mené à une baisse des importations, ce qui permet de compenser partiellement les pressions qui s’exercent sur la livre.
Cependant, la priorité pour moi est de préserver nos réserves de change et non pas de défendre la livre. L’économie syrienne a deux grands atouts : des réserves de change importantes, environ 15 milliards de dollars, et une dette externe très faible. Nous ne devons pas les perdre, car la manne pétrolière qui a permis d’accumuler ces réserves va graduellement disparaître.
Le président syrien a mentionné il y a quelques mois les risques d’un effondrement de l’économie…
Je n’y crois pas beaucoup. De la même façon que durant les années 1980, l’URSS et l’Iran ont soutenu l’économie syrienne, je pense que l’Irak et l’Iran interviendront cette fois pour lui permettre de trouver de nouveaux débouchés. À l’époque, l’Iran fournissait à la Syrie de l’aide sous forme de pétrole brut alors que l’URSS achetait aux exportateurs syriens toute leur production invendue. Cette fois on vient d’assister à la signature par la Syrie et l’Iran de plusieurs accords économiques ainsi qu’à la ratification de leur accord de commerce préférentiel. Par ailleurs, les exportations vers l’Irak sont en croissance depuis le début de l’année. Je pense que les enjeux politiques sont tels que l’Irak et l’Iran feront tout pour soutenir l’économie syrienne.