Article « cérébral » par excellence, Mohammad al-Rawas est connu pour ses œuvres très structurées, presque géométriques, au tracé précis et à l'émotion intense.
« L’art est un véhicule pour une déclaration aussi bien visuelle qu’intellectuelle », affirme Mohammad al-Rawas, peintre libanais qui se revendique volontiers d’un art “cérébral”.
Chacune de ses toiles (il alterne et mélange peintures, sérigraphies, lithographies, collages) est pensée autour d’un thème, souvent littéraire. « Mes toiles sont des commentaires sur la guerre, les humains, les sujets sociaux et sociopolitiques. »
Né le 26 mai 1951 à Beyrouth (à Tarik Jdidé), Rawas arpente les bancs de diverses écoles de la capitale libanaise. Vers 13-14 ans, il suit les cours de dessin de celui qu’il qualifie de gourou et mentor, « le seul de [s]a vie » : Mounir Eido, peintre libanais dont la vision puriste de l’art l’a amené à ne jamais être exposé. « Eido m’a repéré, poussé et encouragé à rechercher la création artistique pure, sans souci de ce qui se passe une fois que l’œuvre est achevée, qu’elle soit exposée ou vendue ou pas », se souvient Mohammad al-Rawas.
En 1970, il s’inscrit à l’Université libanaise, en littérature anglaise : « Je n’imaginais pas que le dessin puisse être autre chose qu’un hobby », avoue-t-il. Il se rend vite compte qu’il n’y est pas à sa place et change de cursus avec raison : en 1975, il sort major de promotion de l’Académie des Beaux-Arts de l’Université libanaise. La guerre le stoppe complètement dans son élan, il en est traumatisé : « J’étais peut-être naïf, je n’imaginais pas qu’on puisse tuer quelqu’un à cause de sa religion ou de ses croyances. » Incapable de dessiner pendant deux ans, il émigre en 1977 au Maroc, à Rabat, où il enseigne à l’École normale des institutrices. Si son style au départ est très inspiré par l’art abstrait et expressionniste des États-Unis, au Maroc il opère un revirement spectaculaire pour se diriger vers des compositions très structurées, qui font jusqu’à aujourd’hui son identité visuelle : « Mon art est devenu mécanique, logique, cérébral, rigide, plat, très inspiré de la photo, je voulais atteindre un détachement émotionnel, je ne voulais pas que les larges coups de mon pinceau trahissent les émotions. Je lisais beaucoup Albert Camus et les existentialistes à l’époque. »
Ses toiles sont exposées pour la première fois à son retour au Liban, en 1979, dans la galerie Rencontres, de Michel Fani.
En 1981, grâce à une bourse de mérite octroyée par l’Université libanaise, il poursuit un master en art des estampes (printmaking en anglais) à la Slade School of Fine Art de l’Université de Londres. « J’étais le seul élève à juxtaposer différentes techniques sur la même toile, je voulais faire ressortir la sensibilité de la matière et faire dialoguer entre elles les différentes textures. »
Mohammad al-Rawas est retourné au Liban en 1982, sa bourse étant conditionnée à sept années d’enseignement, et il n’en est plus jamais reparti. En 37 ans de carrière, il n’a exposé que 10 fois, la dernière exposition remontant à mai 2012, à la galerie Art Sawa de Dubaï, qui le représente encore aujourd’hui. « Chaque toile me prend entre deux et trois mois à créer », avoue celui qui a enseigné avec plaisir à l’Université libanaise et à l’AUB pendant respectivement 26 et 12 ans.
Fumeur compulsif, amoureux de bonsaï, passionné de technologie du son (il compose en écoutant de la musique), épris de liberté, Mohammad al-Rawas est incapable de signer un contrat avec une galerie : « Je l’ai fait une fois, pendant deux ans, j’en ai fait des cauchemars. » En 2009, il a pris sa retraite de l’enseignement et se consacre depuis uniquement à son art. Son prochain projet ? “L’arche de Noé, de la Bible” : tout un symbole.