Éternel rêveur, célèbre pour ses éléphants, Nadim Karam veut introduire des rêves et de l’optimisme dans le quotidien des gens.
« Faire rêver les villes », tel est le credo de Nadim Karam, dont les sculptures meublent la nouvelle corniche de Beyrouth derrière le BIEL. « Ma mission est de compenser les guerres avec les rêves, de confronter les terroristes (qui démolissent) et les créateurs (qui construisent), je veux contredire le fanatisme par la culture, explique l’artiste. En travaillant sur la limite entre guerres et rêves, je crée des ensembles absurdes, qui nous font nous interroger sur la vie, sans forcément trouver la solution. »
Nadim Karam n’était pas prédisposé à devenir artiste. Architecte de formation, il l’est devenu poussé par la frustration ressentie après avoir été kidnappé, pendant la guerre du Liban. Cette frustration se traduit en dessins, installations et peintures : « Je veux expliquer la guerre par des chemins parallèles qui parlent de rêves. » Il publie avec une maison d’édition italienne un livre intitulé “Clouds and Smoke”, les nuages pour les rêves et la fumée pour la guerre.
Né au Sénégal en 1957, Nadim Karam y passe les trois premières années de sa vie, avant de grandir à Beyrouth. Il obtient une licence en architecture de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), puis obtient une bourse pour le Japon, où il reste 10 ans et décroche une maîtrise et un doctorat en architecture de l’Université de Tokyo. « J’étais attiré par la pensée zen de l’espace japonais », explique-t-il.
Nadim Karam a une prédilection pour les éléphants : il les décline à l’envi dans ses installations, qu’elles soient en fer, cuivre, boutons de nacre ou autres. « L’éléphant, c’est la mémoire, le voyage ; il a une forme mignonne merveilleusement absurde, sur laquelle je peux m’amuser », sourit-il. Spécialiste des grandes pièces qui « créent un sentiment d’au-delà », il a fondé l’atelier Hapsitus (contraction de “Happenings et Situations”, soit des “événements et des situations”) où dix architectes et designers travaillent en permanence à des œuvres surfant sur les frontières de l’art, du design et de l’architecture.
Il fait partie du Feel Collective, une association d’artistes qui cherche à promouvoir la recherche sur la mémoire au Liban. « Je veux créer de l’énergie, je veux donner de l’espoir, car au final on se pose tous la question : est-ce qu’on reste au Liban ou est-ce qu’on s’en va ? »
Nadim Karam a beaucoup travaillé sur des projets urbains : en Autriche, au Japon, à Prague et au Liban (le musée Sursock, Solidere, le musée national), en parallèle de ses œuvres, qu’il expose et vendait de temps en temps. Il a également enseigné, pour financer son bureau et son atelier. En 2008, il est approché par Khaled Samawi, de la galerie Ayyam, qui le prend sous son aile. Depuis, Nadim Karam expose à l’étranger. Avec APEAL (l’Association pour la promotion et l’exposition de l’art libanais), il a exposé à Washington en 2009 et au Royal College de Londres en 2011. « Ma première exposition en solo avec Ayyam n’a eu lieu qu’en octobre 2011. »
Il participe en octobre à Paris à une exposition collective sur l’art contemporain arabe pour les 25 ans de l’Institut du monde arabe (IMA). « J’y présente trois armoires à rêves et trois armoires à guerre, de deux mètres par un mètre chacune. » Il sera également présent à Art Dubai en février-mars 2013.
Si en ventes aux enchères, les petites sculptures et les dessins de Nadim Karam atteignent les 40 000 dollars, il affirme vendre certaines de ses installations géantes à des collectionneurs privés à 200 000 dollars. « Mais elles coûtent 100 000 dollars à produire », précise-t-il.