« Aujourd’hui, il y a trois cotes pour les artistes libanais : une cote libanaise, une cote régionale et une cote internationale », note Amale Traboulsi, fondatrice de la galerie Épreuve d’artiste. Car les enchères, qui sont là pour « exciter le marché », selon Léa Sednaoui, de la galerie Running Horse, sont un pur jeu de l’offre et de la demande, sans réglementation aucune, et parfois la demande n’est pas là. Saleh Barakat, de la galerie Agial, donne l’exemple d’une œuvre de Saliba Douaihy qu’il avait repérée dans une vente aux enchères au Canada et sur laquelle il a renchéri face à un autre collectionneur : la toile s’est vendue à 19 000 dollars. La veille, une toile similaire du même artiste avait été adjugée à 4 000 dollars. « Je ne l’avais pas vue », commente-t-il. Hala Khayat, de Christie’s, confirme : « Souvent lorsque nous vendons une toile d’un artiste par exemple à 200 000 dollars, nous avons des personnes qui nous contactent pour nous dire qu’ils souhaitent vendre une autre toile du même artiste au même prix ; mais nous leur répondons que ce n’est pas possible. Si cette œuvre s’est vendue ce jour-là à ce prix-là, c’est parce que nous l’avons faite circuler au préalable, montrée à nos collectionneurs internationaux, organisé des dîners, des cocktails, etc. Rien ne dit que la prochaine toile du même artiste suscitera le même intérêt. »
Certains parlent d’emballement du marché, voire de dysfonctionnement. Les niveaux de prix atteints par les jeunes artistes font souvent grincer des dents leurs aînés, qui n’ont pas bénéficié de la même reconnaissance, ou alors plus tardive. « Mais c’est positif pour les artistes qu’ils puissent vivre de leurs œuvres », s’exclame Amale Traboulsi. Pour Abraham Karabadjian, collectionneur, c’est de bonne guerre : « Nous avons des artistes locaux qui créent un travail de qualité internationale. » Pourtant les prix sont encore loin de ceux atteints par les artistes chinois, américains et européens.
« Le marché n’est pas encore stable, analyse Nadim Karam. Peut-être qu’il y a du vrai et du faux. Mais il est encore trop tôt pour juger : si certains artistes ne méritent réellement pas l’attention et les prix qu’ils reçoivent aujourd’hui, cela se traduira sur leur cote plus tard. »
Pour Randa Alwazani, en charge du Beirut Exhibition Center, la vraie cote d’un artiste et sa valeur se fixent lorsqu’un musée décide de les acheter, bien qu’on connaisse rarement le prix de ces acquisitions. Quelques artistes libanais ont l’honneur d’être accrochés sur les murs des musées internationaux : Nabil Nahas est au MOMA de New York, Ayman et Saïd Baalbaki ainsi que Salwa Raouda Choucair sont à la Tate Modern de Londres. « Ce sont des artistes qui ont contribué à l’Histoire internationale de l’Art, avec un grand H et un grand A », commente Serge Najjar, avocat et collectionneur.
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