Un article du Dossier
Gaz naturel : la ruée vers l'or bleu
Entre les différents riverains de la Méditerranée orientale, le torchon devrait désormais aussi brûler au gaz : les nouveaux gisements offshore découverts dans le bassin levantin pourraient catalyser l’évolution des tendances géopolitiques dans la région. Au cœur du nouvel imbroglio diplomatique, la délimitation des frontières maritimes, indispensable pour se répartir les revenus des gisements transfrontaliers et offrir une (toute relative) sécurité à des investisseurs potentiels.
La première pierre d’achoppement concerne Israël qui s’est lancé le premier dans l’exploitation des ressources offshore. N’ayant pas ratifié la Convention de 1994 sur le droit de la mer, l’État hébreu se laisse la possibilité de faire évoluer son espace maritime au gré des circonstances et des accords bilatéraux. Il s’est entendu en 2010 avec Chypre pour se partager les zones de prospection, mais a ouvert les hostilités avec le Liban, en juillet 2011, en établissant la frontière nord de sa zone économique exclusive de façon à empiéter de 873 km2 sur celle du Liban (voir Le Commerce du Levant n° 5619). La situation avec le Liban reste enlisée malgré les tentatives de Beyrouth pour faire respecter sa souveraineté maritime au niveau international. Pour l’instant, les opérateurs des champs israéliens continuent de s’abstenir de forer trop près des eaux libanaises, mais la menace potentielle d’un “siphonage horizontal” du gaz libanais demeure. En attendant, Israël profite de sa coopération gazière avec Chypre pour amorcer un rapprochement sur le plan stratégique : en février dernier, le journal chypriote Famagusta Gazette faisait état de discussions autour d’une présence militaire aérienne dans l’île. Une hypothèse qui impliquerait d’accepter de se heurter frontalement à la résistance d’Ankara qui a par ailleurs affirmé vouloir contrecarrer toute mainmise israélienne sur les gisements levantins.
La Turquie ne cesse de multiplier les déclarations destinées à la faire apparaître comme un arbitre incontournable sur la question de l’exploitation des gisements. Mais derrière, c’est surtout la décision prise unilatéralement par Nicosie d’exploiter les gisements au large de ses côtes qui pose problème. Pour répondre à ce qu’il considère comme une “provocation”, le gouvernement turc a dénoncé officiellement l’ensemble des accords conclus par la petite république avec ses voisins – le Liban, l’Égypte et Israël – et envoyé à plusieurs reprises des navires dans la zone de prospection chypriote afin de dissuader toute poursuite des recherches. Depuis, rien ne semble en mesure d’arrêter l’escalade : lorsqu’en septembre 2011, Noble Energy effectue les premiers forages sur le gisement Aphrodite, Ankara réplique en concluant un accord avec la partie turque de l’île qui délimite leur frontière maritime commune et l’autorise à conduire des explorations dans l’ensemble des eaux dont elle dispute la souveraineté à Chypre. Plus récemment, le gouvernement turc a averti que les compagnies collaborant avec la partie grecque de Chypre ne pourraient rejoindre aucun projet énergétique en Turquie et menacé directement l’ENI, qui a obtenu l’une des licences chypriotes, de reconsidérer des investissements déjà réalisés.
Les grandes puissances observent de près la situation. L’Union européenne, directement impliquée dans le dossier à travers l’un de ses membres, lorgne sur des exportations potentielles qui pourraient en partie résoudre ses problèmes de dépendance vis-à-vis de la Russie. Cette dernière n’entend pas se laisser concurrencer sur le marché gazier mondial sans prendre part au partage du magot et a resserré ses liens avec Israël et Chypre. Quant aux États-Unis, pourtant moins enclins à s’exposer depuis que leur gaz de schiste promet d’offrir une alternative aux hydrocarbures du Moyen-Orient, ils tentent de prendre la mesure de ce changement de donne et ont par exemple modéré leur traditionnel tropisme israélien en soutenant les efforts libanais pour obtenir une délimitation claire des frontières maritimes.
La première pierre d’achoppement concerne Israël qui s’est lancé le premier dans l’exploitation des ressources offshore. N’ayant pas ratifié la Convention de 1994 sur le droit de la mer, l’État hébreu se laisse la possibilité de faire évoluer son espace maritime au gré des circonstances et des accords bilatéraux. Il s’est entendu en 2010 avec Chypre pour se partager les zones de prospection, mais a ouvert les hostilités avec le Liban, en juillet 2011, en établissant la frontière nord de sa zone économique exclusive de façon à empiéter de 873 km2 sur celle du Liban (voir Le Commerce du Levant n° 5619). La situation avec le Liban reste enlisée malgré les tentatives de Beyrouth pour faire respecter sa souveraineté maritime au niveau international. Pour l’instant, les opérateurs des champs israéliens continuent de s’abstenir de forer trop près des eaux libanaises, mais la menace potentielle d’un “siphonage horizontal” du gaz libanais demeure. En attendant, Israël profite de sa coopération gazière avec Chypre pour amorcer un rapprochement sur le plan stratégique : en février dernier, le journal chypriote Famagusta Gazette faisait état de discussions autour d’une présence militaire aérienne dans l’île. Une hypothèse qui impliquerait d’accepter de se heurter frontalement à la résistance d’Ankara qui a par ailleurs affirmé vouloir contrecarrer toute mainmise israélienne sur les gisements levantins.
La Turquie ne cesse de multiplier les déclarations destinées à la faire apparaître comme un arbitre incontournable sur la question de l’exploitation des gisements. Mais derrière, c’est surtout la décision prise unilatéralement par Nicosie d’exploiter les gisements au large de ses côtes qui pose problème. Pour répondre à ce qu’il considère comme une “provocation”, le gouvernement turc a dénoncé officiellement l’ensemble des accords conclus par la petite république avec ses voisins – le Liban, l’Égypte et Israël – et envoyé à plusieurs reprises des navires dans la zone de prospection chypriote afin de dissuader toute poursuite des recherches. Depuis, rien ne semble en mesure d’arrêter l’escalade : lorsqu’en septembre 2011, Noble Energy effectue les premiers forages sur le gisement Aphrodite, Ankara réplique en concluant un accord avec la partie turque de l’île qui délimite leur frontière maritime commune et l’autorise à conduire des explorations dans l’ensemble des eaux dont elle dispute la souveraineté à Chypre. Plus récemment, le gouvernement turc a averti que les compagnies collaborant avec la partie grecque de Chypre ne pourraient rejoindre aucun projet énergétique en Turquie et menacé directement l’ENI, qui a obtenu l’une des licences chypriotes, de reconsidérer des investissements déjà réalisés.
Les grandes puissances observent de près la situation. L’Union européenne, directement impliquée dans le dossier à travers l’un de ses membres, lorgne sur des exportations potentielles qui pourraient en partie résoudre ses problèmes de dépendance vis-à-vis de la Russie. Cette dernière n’entend pas se laisser concurrencer sur le marché gazier mondial sans prendre part au partage du magot et a resserré ses liens avec Israël et Chypre. Quant aux États-Unis, pourtant moins enclins à s’exposer depuis que leur gaz de schiste promet d’offrir une alternative aux hydrocarbures du Moyen-Orient, ils tentent de prendre la mesure de ce changement de donne et ont par exemple modéré leur traditionnel tropisme israélien en soutenant les efforts libanais pour obtenir une délimitation claire des frontières maritimes.