Un article du Dossier
Gaz naturel : la ruée vers l'or bleu

La Turquie ne cesse de multiplier les déclarations destinées à la faire apparaître comme un arbitre incontournable sur la question de l’exploitation des gisements. Mais derrière, c’est surtout la décision prise unilatéralement par Nicosie d’exploiter les gisements au large de ses côtes qui pose problème. Pour répondre à ce qu’il considère comme une “provocation”, le gouvernement turc a dénoncé officiellement l’ensemble des accords conclus par la petite république avec ses voisins – le Liban, l’Égypte et Israël – et envoyé à plusieurs reprises des navires dans la zone de prospection chypriote afin de dissuader toute poursuite des recherches. Depuis, rien ne semble en mesure d’arrêter l’escalade : lorsqu’en septembre 2011, Noble Energy effectue les premiers forages sur le gisement Aphrodite, Ankara réplique en concluant un accord avec la partie turque de l’île qui délimite leur frontière maritime commune et l’autorise à conduire des explorations dans l’ensemble des eaux dont elle dispute la souveraineté à Chypre. Plus récemment, le gouvernement turc a averti que les compagnies collaborant avec la partie grecque de Chypre ne pourraient rejoindre aucun projet énergétique en Turquie et menacé directement l’ENI, qui a obtenu l’une des licences chypriotes, de reconsidérer des investissements déjà réalisés.
Les grandes puissances observent de près la situation. L’Union européenne, directement impliquée dans le dossier à travers l’un de ses membres, lorgne sur des exportations potentielles qui pourraient en partie résoudre ses problèmes de dépendance vis-à-vis de la Russie. Cette dernière n’entend pas se laisser concurrencer sur le marché gazier mondial sans prendre part au partage du magot et a resserré ses liens avec Israël et Chypre. Quant aux États-Unis, pourtant moins enclins à s’exposer depuis que leur gaz de schiste promet d’offrir une alternative aux hydrocarbures du Moyen-Orient, ils tentent de prendre la mesure de ce changement de donne et ont par exemple modéré leur traditionnel tropisme israélien en soutenant les efforts libanais pour obtenir une délimitation claire des frontières maritimes.