Un article du Dossier
Gaz naturel : la ruée vers l'or bleu
L’âge d’or du gaz naturel annoncé par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) s’appuiera essentiellement sur l’exploitation à grande échelle des gaz non conventionnels et du gaz en eaux très profondes. Cette démultiplication des forages sur l’ensemble de la planète soulève des interrogations quant à son impact sur l’environnement et la santé humaine.
À l’ère du réchauffement climatique, la perspective d’une révolution gazière pourrait rassurer ceux qui s’inquiètent de la capacité des énergies renouvelables à prendre le relais des hydrocarbures (le renouvelable ne devrait pas assurer plus de 10 % de la production d’énergie mondiale dans les vingt prochaines années). Le gaz a à son actif un bilan globalement positif en termes d’empreinte carbone : à volume égal, il émet presque deux fois moins de dioxyde de carbone (CO2) que le charbon. Un avantage comparatif qui s’explique tant par sa relativement faible teneur en carbone que par le fait que les dispositifs de combustion du gaz naturel gaspillent moins d’énergie que ceux qui brûlent un autre type de combustible. Le gaz naturel est ainsi considéré par de nombreux experts comme une énergie de transition idéale en matière de développement durable.
Mais le diable se niche dans les détails : même si son impact sur le réchauffement climatique diminue plus vite, le méthane contenu dans le gaz naturel a un potentiel d’effet de serre au moins vingt-cinq fois plus puissant que le CO2 ! Un bémol renforcé par la problématique des émissions fugitives qui adviennent lors du processus d’extraction, d’autant qu’elles seraient, selon certains experts, encore plus importantes pour les forages non conventionnels. En février dernier, le Journal of Geophysical Research a publié une étude menée par des chercheurs de l’université de Boulder sur des sites d’exploitation dans le nord-est du Colorado selon laquelle les fuites survenant sur les sites d’exploitation dégagent dans l’atmosphère 2 à 8 % du gaz de schiste extrait.
Menaces sur les écosystèmes marins
Le développement des forages en eaux très profondes aux quatre coins de la planète inquiète également les défenseurs de la nature. D’autant que le risque semble devoir croître en proportion de la difficulté d’exploitation et que les accidents ne sont pas si rares. En mars dernier, une fuite de gaz – avec un débit initial d’environ 200 000 m3 par jour – s’est déclenchée sur la plate-forme Elgin, exploitée par Total au large de l’Écosse. L’incident a nécessité plus d’un mois d’intervention de la compagnie pour colmater la brèche et a provoqué l’ire d’organisations comme Greenpeace qui estimait à une centaine les fuites de gaz ayant eu lieu entre 2009 et 2010 dans une région encore hantée par la mémoire de la catastrophe de Piper Alfa. Contrairement à celle d’Elgin, la fuite de condensat qui s’était produite en 1988 dans cette plate-forme gazière gérée par Occidental Petroleum avait en effet déclenché une série d’explosions entraînant son naufrage et un bilan humain dramatique (167 morts).
Les inquiétudes autour des forages offshore portent également sur leurs effets sur les écosystèmes marins. En février 2011, le Fonds mondial pour la nature (WWF) publiait un communiqué appelant les pays de la rive Est de la Méditerranée à s’assurer du respect des normes environnementales pour les projets de forage en cours dans les bassins du Levant et du Nil. L’ONG faisait valoir que « ces deux sites recèlent un écosystème unique et délicat (pouvant) prendre un millénaire ou plus » pour être reconstitués après forage.
Schiste : Quelle f(r)acture environnementale ?
Enfin, le développement massif des gaz non conventionnels, et en particulier du gaz de schiste, est probablement l’aspect qui rencontre le plus d’opposition. Outre les fuites de méthane dans l’atmosphère, les anti-gaz de schiste dénoncent les effets particuliers de la fracturation hydraulique sur l’environnement. Ils avancent l’exemple des tremblements de terre qui se produisent lorsque les vibrations engendrées par le “fracking” rencontrent des failles naturelles. En Oklahoma, leur nombre aurait ainsi été multiplié par 20 en 2010 du fait de l’exploitation du gaz de schiste.
Surtout, la fracturation hydraulique présenterait de sérieux risques sur les ressources en eau. D’abord, parce que la technique nécessite des millions de mètres cubes, même si une partie de cette eau peut être récupérée et recyclée. Ensuite, les risques de pollution des nappes phréatiques situées à proximité des puits par les produits chimiques utilisés ne sont pas complètement écartés par les spécialistes. Si personne n’a établi à ce jour un lien sans équivoque entre ce type de contamination et la fracturation hydraulique, le New York Times a jeté un pavé dans la marre en publiant, en février 2011, des données issues de travaux encore confidentiels de l’agence de protection de l’environnement américaine (EPA). Ces documents indiquaient notamment que les eaux rejetées par les forages de gaz de schiste étudiés étaient radioactives à des taux qui peuvent atteindre mille fois les limites autorisées pour l’eau potable et que la moitié de ces eaux était envoyée dans des stations d’épuration traditionnelles n’ayant souvent pas la capacité de les dépolluer complètement…
Craignant qu’une exploitation massive d’un gaz naturel bon marché se fasse au détriment du développement des énergies renouvelables et des mesures d’économies d’énergie, Fatih Birol, économiste à l’AIE, concédait récemment que « l’âge d’or du gaz ne (serait) pas forcément l’âge d’or du climat », pas sûr qu’il sera non plus celui de l’environnement.
Mais le diable se niche dans les détails : même si son impact sur le réchauffement climatique diminue plus vite, le méthane contenu dans le gaz naturel a un potentiel d’effet de serre au moins vingt-cinq fois plus puissant que le CO2 ! Un bémol renforcé par la problématique des émissions fugitives qui adviennent lors du processus d’extraction, d’autant qu’elles seraient, selon certains experts, encore plus importantes pour les forages non conventionnels. En février dernier, le Journal of Geophysical Research a publié une étude menée par des chercheurs de l’université de Boulder sur des sites d’exploitation dans le nord-est du Colorado selon laquelle les fuites survenant sur les sites d’exploitation dégagent dans l’atmosphère 2 à 8 % du gaz de schiste extrait.
Menaces sur les écosystèmes marins
Le développement des forages en eaux très profondes aux quatre coins de la planète inquiète également les défenseurs de la nature. D’autant que le risque semble devoir croître en proportion de la difficulté d’exploitation et que les accidents ne sont pas si rares. En mars dernier, une fuite de gaz – avec un débit initial d’environ 200 000 m3 par jour – s’est déclenchée sur la plate-forme Elgin, exploitée par Total au large de l’Écosse. L’incident a nécessité plus d’un mois d’intervention de la compagnie pour colmater la brèche et a provoqué l’ire d’organisations comme Greenpeace qui estimait à une centaine les fuites de gaz ayant eu lieu entre 2009 et 2010 dans une région encore hantée par la mémoire de la catastrophe de Piper Alfa. Contrairement à celle d’Elgin, la fuite de condensat qui s’était produite en 1988 dans cette plate-forme gazière gérée par Occidental Petroleum avait en effet déclenché une série d’explosions entraînant son naufrage et un bilan humain dramatique (167 morts).
Les inquiétudes autour des forages offshore portent également sur leurs effets sur les écosystèmes marins. En février 2011, le Fonds mondial pour la nature (WWF) publiait un communiqué appelant les pays de la rive Est de la Méditerranée à s’assurer du respect des normes environnementales pour les projets de forage en cours dans les bassins du Levant et du Nil. L’ONG faisait valoir que « ces deux sites recèlent un écosystème unique et délicat (pouvant) prendre un millénaire ou plus » pour être reconstitués après forage.
Schiste : Quelle f(r)acture environnementale ?
Enfin, le développement massif des gaz non conventionnels, et en particulier du gaz de schiste, est probablement l’aspect qui rencontre le plus d’opposition. Outre les fuites de méthane dans l’atmosphère, les anti-gaz de schiste dénoncent les effets particuliers de la fracturation hydraulique sur l’environnement. Ils avancent l’exemple des tremblements de terre qui se produisent lorsque les vibrations engendrées par le “fracking” rencontrent des failles naturelles. En Oklahoma, leur nombre aurait ainsi été multiplié par 20 en 2010 du fait de l’exploitation du gaz de schiste.
Surtout, la fracturation hydraulique présenterait de sérieux risques sur les ressources en eau. D’abord, parce que la technique nécessite des millions de mètres cubes, même si une partie de cette eau peut être récupérée et recyclée. Ensuite, les risques de pollution des nappes phréatiques situées à proximité des puits par les produits chimiques utilisés ne sont pas complètement écartés par les spécialistes. Si personne n’a établi à ce jour un lien sans équivoque entre ce type de contamination et la fracturation hydraulique, le New York Times a jeté un pavé dans la marre en publiant, en février 2011, des données issues de travaux encore confidentiels de l’agence de protection de l’environnement américaine (EPA). Ces documents indiquaient notamment que les eaux rejetées par les forages de gaz de schiste étudiés étaient radioactives à des taux qui peuvent atteindre mille fois les limites autorisées pour l’eau potable et que la moitié de ces eaux était envoyée dans des stations d’épuration traditionnelles n’ayant souvent pas la capacité de les dépolluer complètement…
Craignant qu’une exploitation massive d’un gaz naturel bon marché se fasse au détriment du développement des énergies renouvelables et des mesures d’économies d’énergie, Fatih Birol, économiste à l’AIE, concédait récemment que « l’âge d’or du gaz ne (serait) pas forcément l’âge d’or du climat », pas sûr qu’il sera non plus celui de l’environnement.