Un article du Dossier
Corruption. Liban : les mauvais comptes font les bons amis
Lors des élections législatives de 2009, les partis politiques libanais et leurs parrains étrangers ont consacré des sommes financières considérables à l’achat de votes. La société civile tente d’imposer de nouvelles réformes pour davantage de transparence en 2013, mais rien ne semble annoncer d’améliorations majeures, à six mois des échéances électorales.
Lors des dernières élections législatives, 55 % des Libanais avaient accepté une rétribution – quelle qu’en soit la forme – en échange de leur vote, selon Dan Corstange, chercheur en sciences politiques à l’université de Columbia, auteur d’un article sur le sujet paru l’été dernier dans le International Journal of Middle East Studies. En 2009, le Liban avait dégringolé de 29 places dans l’indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International, en grande partie en raison de la corruption électorale. L’achat de votes a été, lors de ces élections, la forme la plus flagrante de corruption.
Selon la Lebanese Transparency Association (LTA), le montant versé aux électeurs a varié de 60 dollars dans la région de Saïda, jusqu’à 3 000 dollars à Zghorta. « En général, la contrepartie financière d’un vote est estimée entre 100 et 200 dollars », affirme Yara Nassar, directrice générale de l’Association libanaise pour des élections démocratiques (LADE). L’achat de votes s’opère souvent de manière indirecte, à travers des représentants des partis politiques qui fournissent un certain nombre de bulletins de vote “codés” à des clans ou des familles, qui promettent de voter pour ces mêmes partis politiques en échange de différents services : aide médicale, bourse scolaire, assistance alimentaire, donations pour des ONG et associations de charité, asphaltage des routes... Le versement du cash ou des services s’effectue dans la plupart du temps après le vote. Le scrutin de 2009 a été l’occasion pour les partis politiques de prendre en charge les frais de voyage des électeurs pour venir voter au Liban. Selon une enquête de l’organisme de sondages et d’études Information International, parue en juillet 2009, quelque 48 000 personnes auraient bénéficié de ces voyages.
Plus de transparence en 2013 ?
Pour contrer ces pratiques frauduleuses, la société civile concentre ses efforts sur la revendication de l’utilisation de bulletins de votes pré-imprimés lors du prochain scrutin prévu en 2013, une réforme a minima. Dans le système actuel, les bulletins sont très souvent distribués par les représentants de partis politiques, un procédé permettant ensuite d’identifier les votes lors du dépouillement. En 2008, plusieurs mois avant les élections, les députés avaient rejeté la réforme des bulletins pré-imprimés à une large majorité, et la procédure qui sera suivie en 2013 reste incertaine. « Les bulletins pré-imprimés font partie intégrante des différents projets de loi électorale étudiés par les députés, et lors d’une précédente réunion parlementaire, il semblait y avoir un consensus sur cette question. Mais rien n’est joué », affirme le député Ghassan Moukheiber. L’un des problèmes posés par les bulletins de vote pré-imprimés tient au fait qu’ils contreviennent à la possibilité de panachage.
Les élections de 2009, bien que non transparentes, avaient cependant connu une série d’améliorations procédurales permettant de lutter contre les fraudes : l’organisation du vote en un seul jour, l’utilisation de la carte d’identité comme carte électorale, la création d’un registre permanent des électeurs, le recours à de l’encre indélébile, des enveloppes et des isoloirs. D’autres innovations électorales ont aussi été introduites dans la loi, comme le contrôle de la propagande et de la publicité électorales, le plafonnement des dépenses de campagne et la création de la Commission de supervision de la campagne électorale (SCEC). Cette dernière a été chargée de surveiller les dépenses électorales et de veiller au respect par les médias des lois qui régissent les élections. Des innovations qui ont davantage eu une « portée symbolique », notait un rapport de l’International Crisis Group (ICG) en 2009. La SCEC a dévoilé que 313 candidats sur 587 n’avaient pas soumis de rapport financier après les élections, en violation de la loi, et que ceux qui avaient été soumis comportaient des erreurs, mais ces rapports n’ont jamais été publiés ni suivis de conséquences judiciaires. « Plus de cent violations ont été constatées dans les médias, mais très peu de poursuites ont été engagées », assure également Yara Nassar. « La SCEC est supervisée par le ministère de l’Intérieur et des Municipalités et, à ce titre, ne peut pas être considérée comme indépendante. Elle ne dispose pas non plus de moyens d’enquête suffisants », poursuit la directrice générale de la LADE. Son caractère temporaire l’empêche également de mener un travail sur la durée.
Pour les élections de 2013, certaines propositions sont à l’étude pour renforcer l’indépendance de la SCEC comme la fin de la tutelle du ministère de l’Intérieur, mais encore une fois rien ne semble tranché. Sur la question problématique du plafonnement des dépenses électorales, aucune avancée n’est prévue par les nouveaux projets de loi examinés au Parlement. Si la loi de 2008 avait fixé un plafond pour les dépenses électorales (1), stipulant que les candidats devaient ouvrir des comptes de campagnes spécifiques non couverts par le secret bancaire, elle indiquait aussi que tout candidat pouvait « puiser dans son patrimoine personnel pour pouvoir pourvoir aux dépenses de sa campagne électorale ». Un patrimoine protégé par le secret bancaire et donc sur lequel il est impossible d’exercer un quelconque contrôle.
À six mois des élections, alors que le débat sur la loi électorale n’est toujours pas tranché, la société civile est plus que jamais mobilisée pour “surveiller” le prochain scrutin. La LADE, qui a constitué le plus grand groupe d’observation national des élections issu de la société civile – avec plus de 2 500 observateurs locaux déployés le jour des élections en 2009 –, entend bien promouvoir davantage d’intégrité en 2013, en ayant recours aux réseaux sociaux. « Pour la première fois, nous publierons les violations électorales en temps réel sur Facebook et Twitter », annonce Yara Nassar.
(1) Les dépenses sont plafonnées à une somme fixe forfaitaire de 100 000 dollars par candidat, auxquelles s’ajoutent 2 dollars par électeur inscrit dans la circonscription.
Selon la Lebanese Transparency Association (LTA), le montant versé aux électeurs a varié de 60 dollars dans la région de Saïda, jusqu’à 3 000 dollars à Zghorta. « En général, la contrepartie financière d’un vote est estimée entre 100 et 200 dollars », affirme Yara Nassar, directrice générale de l’Association libanaise pour des élections démocratiques (LADE). L’achat de votes s’opère souvent de manière indirecte, à travers des représentants des partis politiques qui fournissent un certain nombre de bulletins de vote “codés” à des clans ou des familles, qui promettent de voter pour ces mêmes partis politiques en échange de différents services : aide médicale, bourse scolaire, assistance alimentaire, donations pour des ONG et associations de charité, asphaltage des routes... Le versement du cash ou des services s’effectue dans la plupart du temps après le vote. Le scrutin de 2009 a été l’occasion pour les partis politiques de prendre en charge les frais de voyage des électeurs pour venir voter au Liban. Selon une enquête de l’organisme de sondages et d’études Information International, parue en juillet 2009, quelque 48 000 personnes auraient bénéficié de ces voyages.
Plus de transparence en 2013 ?
Pour contrer ces pratiques frauduleuses, la société civile concentre ses efforts sur la revendication de l’utilisation de bulletins de votes pré-imprimés lors du prochain scrutin prévu en 2013, une réforme a minima. Dans le système actuel, les bulletins sont très souvent distribués par les représentants de partis politiques, un procédé permettant ensuite d’identifier les votes lors du dépouillement. En 2008, plusieurs mois avant les élections, les députés avaient rejeté la réforme des bulletins pré-imprimés à une large majorité, et la procédure qui sera suivie en 2013 reste incertaine. « Les bulletins pré-imprimés font partie intégrante des différents projets de loi électorale étudiés par les députés, et lors d’une précédente réunion parlementaire, il semblait y avoir un consensus sur cette question. Mais rien n’est joué », affirme le député Ghassan Moukheiber. L’un des problèmes posés par les bulletins de vote pré-imprimés tient au fait qu’ils contreviennent à la possibilité de panachage.
Les élections de 2009, bien que non transparentes, avaient cependant connu une série d’améliorations procédurales permettant de lutter contre les fraudes : l’organisation du vote en un seul jour, l’utilisation de la carte d’identité comme carte électorale, la création d’un registre permanent des électeurs, le recours à de l’encre indélébile, des enveloppes et des isoloirs. D’autres innovations électorales ont aussi été introduites dans la loi, comme le contrôle de la propagande et de la publicité électorales, le plafonnement des dépenses de campagne et la création de la Commission de supervision de la campagne électorale (SCEC). Cette dernière a été chargée de surveiller les dépenses électorales et de veiller au respect par les médias des lois qui régissent les élections. Des innovations qui ont davantage eu une « portée symbolique », notait un rapport de l’International Crisis Group (ICG) en 2009. La SCEC a dévoilé que 313 candidats sur 587 n’avaient pas soumis de rapport financier après les élections, en violation de la loi, et que ceux qui avaient été soumis comportaient des erreurs, mais ces rapports n’ont jamais été publiés ni suivis de conséquences judiciaires. « Plus de cent violations ont été constatées dans les médias, mais très peu de poursuites ont été engagées », assure également Yara Nassar. « La SCEC est supervisée par le ministère de l’Intérieur et des Municipalités et, à ce titre, ne peut pas être considérée comme indépendante. Elle ne dispose pas non plus de moyens d’enquête suffisants », poursuit la directrice générale de la LADE. Son caractère temporaire l’empêche également de mener un travail sur la durée.
Pour les élections de 2013, certaines propositions sont à l’étude pour renforcer l’indépendance de la SCEC comme la fin de la tutelle du ministère de l’Intérieur, mais encore une fois rien ne semble tranché. Sur la question problématique du plafonnement des dépenses électorales, aucune avancée n’est prévue par les nouveaux projets de loi examinés au Parlement. Si la loi de 2008 avait fixé un plafond pour les dépenses électorales (1), stipulant que les candidats devaient ouvrir des comptes de campagnes spécifiques non couverts par le secret bancaire, elle indiquait aussi que tout candidat pouvait « puiser dans son patrimoine personnel pour pouvoir pourvoir aux dépenses de sa campagne électorale ». Un patrimoine protégé par le secret bancaire et donc sur lequel il est impossible d’exercer un quelconque contrôle.
À six mois des élections, alors que le débat sur la loi électorale n’est toujours pas tranché, la société civile est plus que jamais mobilisée pour “surveiller” le prochain scrutin. La LADE, qui a constitué le plus grand groupe d’observation national des élections issu de la société civile – avec plus de 2 500 observateurs locaux déployés le jour des élections en 2009 –, entend bien promouvoir davantage d’intégrité en 2013, en ayant recours aux réseaux sociaux. « Pour la première fois, nous publierons les violations électorales en temps réel sur Facebook et Twitter », annonce Yara Nassar.
(1) Les dépenses sont plafonnées à une somme fixe forfaitaire de 100 000 dollars par candidat, auxquelles s’ajoutent 2 dollars par électeur inscrit dans la circonscription.