Un article du Dossier
Corruption. Liban : les mauvais comptes font les bons amis
Trois questions à Rabih el-Chaër, directeur de la Lebanese Transparency Association (LTA).
Quel regard portez-vous sur le classement du Liban dans le dernier index de corruption dévoilé par Transparency International ?
L’indice de perception de corruption publié en décembre par Transparency International place le Liban à la 128e place sur 176 États, ce qui en fait l’un des cinquante États les plus corrompus au monde. Après l’ouverture politique qui a suivi le départ de l’armée syrienne, le Liban a connu une embellie, se classant 99e sur 179 pays. Mais depuis cinq ans, l’indice de la corruption est en chute libre. Cela s’explique par la détérioration de la situation économique, une paralysie totale du système judiciaire, l’irresponsabilité des pouvoirs exécutif et législatif. La classe politique n’a mis en place une stratégie claire de lutte contre la corruption et les lois anticorruption, qui devaient être votées dans le cadre de la ratification en 2008 de la Convention des Nations unies pour lutter contre la corruption, sont toujours mises en veille.
De quels types de corruption souffre le Liban ?
Il faut distinguer la petite et la grande corruption. La petite corruption concerne généralement des sommes peu élevées et prend plusieurs formes : un pot-de vin permettant d’accélérer des procédures administratives, ce qu’on appelle le “speed money”. En soi, cette forme de corruption n’est pas dangereuse et s’explique par des lenteurs bureaucratiques ; elle est aussi favorisée par une culture du cadeau, en vertu de laquelle même si le fonctionnaire fait correctement son travail, on aura tendance à lui donner davantage. Une autre forme de petite corruption autrement plus condamnable concerne le fonctionnaire qui bloque les démarches administratives s’il n’est pas rétribué, ou qui légitime une demande illégitime moyennant le versement d’un pot-de-vin. La grande corruption est celle qui se pratique à une large échelle et qui coûte le plus cher à la société. Comme elle reste largement impunie et offre un statut social supérieur au corrompu, elle encourage les fraudes aux niveaux inférieurs. La lutte contre la corruption politique doit être une priorité, car elle permettra d’envoyer des signaux forts à la société libanaise.
Quelles sont les actions concrètes de la LTA pour lutter contre la corruption ?
La Lebanese Transparency Association suit les directives globales de Transparency International, qui a récemment décidé de mener des actions de terrain plus percutantes, parallèlement à une réflexion stratégique sur la corruption. Dans cette optique, nous développons des activités de lobbying avec la Banque mondiale, ce qui a par exemple permis de faire voter par la commission des lois du Parlement la proposition de loi sur l’accès à l’information. Notre objectif est de placer les citoyens au cœur de la lutte anticorruption, avec plusieurs projets prévus pour 2013 : un journal en ligne sur la thématique de la corruption et la plate-forme “I paid a bribe”, qui permettra à chaque Libanais de manière anonyme de déclarer le montant des pots-de-vin qu’il a versés. Le but est de publier chaque mois le palmarès de l’institution la plus corrompue. Nos actions visent tout particulièrement la nouvelle génération ; la société est plus mature et plus concernée par la lutte contre la corruption qu’il y a quinze ans.
L’indice de perception de corruption publié en décembre par Transparency International place le Liban à la 128e place sur 176 États, ce qui en fait l’un des cinquante États les plus corrompus au monde. Après l’ouverture politique qui a suivi le départ de l’armée syrienne, le Liban a connu une embellie, se classant 99e sur 179 pays. Mais depuis cinq ans, l’indice de la corruption est en chute libre. Cela s’explique par la détérioration de la situation économique, une paralysie totale du système judiciaire, l’irresponsabilité des pouvoirs exécutif et législatif. La classe politique n’a mis en place une stratégie claire de lutte contre la corruption et les lois anticorruption, qui devaient être votées dans le cadre de la ratification en 2008 de la Convention des Nations unies pour lutter contre la corruption, sont toujours mises en veille.
De quels types de corruption souffre le Liban ?
Il faut distinguer la petite et la grande corruption. La petite corruption concerne généralement des sommes peu élevées et prend plusieurs formes : un pot-de vin permettant d’accélérer des procédures administratives, ce qu’on appelle le “speed money”. En soi, cette forme de corruption n’est pas dangereuse et s’explique par des lenteurs bureaucratiques ; elle est aussi favorisée par une culture du cadeau, en vertu de laquelle même si le fonctionnaire fait correctement son travail, on aura tendance à lui donner davantage. Une autre forme de petite corruption autrement plus condamnable concerne le fonctionnaire qui bloque les démarches administratives s’il n’est pas rétribué, ou qui légitime une demande illégitime moyennant le versement d’un pot-de-vin. La grande corruption est celle qui se pratique à une large échelle et qui coûte le plus cher à la société. Comme elle reste largement impunie et offre un statut social supérieur au corrompu, elle encourage les fraudes aux niveaux inférieurs. La lutte contre la corruption politique doit être une priorité, car elle permettra d’envoyer des signaux forts à la société libanaise.
Quelles sont les actions concrètes de la LTA pour lutter contre la corruption ?
La Lebanese Transparency Association suit les directives globales de Transparency International, qui a récemment décidé de mener des actions de terrain plus percutantes, parallèlement à une réflexion stratégique sur la corruption. Dans cette optique, nous développons des activités de lobbying avec la Banque mondiale, ce qui a par exemple permis de faire voter par la commission des lois du Parlement la proposition de loi sur l’accès à l’information. Notre objectif est de placer les citoyens au cœur de la lutte anticorruption, avec plusieurs projets prévus pour 2013 : un journal en ligne sur la thématique de la corruption et la plate-forme “I paid a bribe”, qui permettra à chaque Libanais de manière anonyme de déclarer le montant des pots-de-vin qu’il a versés. Le but est de publier chaque mois le palmarès de l’institution la plus corrompue. Nos actions visent tout particulièrement la nouvelle génération ; la société est plus mature et plus concernée par la lutte contre la corruption qu’il y a quinze ans.
Qu’est-ce que la LTA ? La Lebanese Transparency Association est l’antenne libanaise de l’ONG internationale Transparency International. Fondée en 1999, elle est la première association à se concentrer sur la lutte contre la corruption et la promotion des principes de bonne gouvernance au Liban. Formée d’une équipe d’une dizaine de personnes, la LTA dispose d’un budget de 1,5 million de dollars pour l’année 2013. L’association produit chaque année une étude nationale du système d’intégrité où elle passe au peigne fin 17 institutions libanaises et leurs mécanismes de transparence, ainsi que différents manuels pour aider le secteur privé à mieux faire face à la corruption. |