L’information est passée inaperçue, comme à peu près tout ce qui a de l’importance économique pour le Liban… Le Conseil des ministres a décidé le 9 janvier de verser aux municipalités quelque 1,2 milliard de dollars ! Cet argent appartient en réalité aux municipalités, mais il ne leur avait pas été versé depuis 1995 en raison d’un vide juridique concernant le mode de répartition des 10 % de taxe leur revenant sur les factures de téléphonie mobile (cf. Le Commerce du Levant d’octobre 2010). Jusqu’en février 2010, il avait même été dépensé allègrement par le Trésor public à qui étaient transférées en vrac les recettes du ministère des Télécoms. Depuis cette date, le ministère a cessé ces transferts jusqu’à reconstituer les sommes dues et le débat s’est porté sur les modalités de versement de ces centaines de millions de dollars. L’ancien ministre Charbel Nahas a plaidé pour la création d’un établissement de Crédit municipal, c’est-à-dire un fonds de développement dont les municipalités seraient les actionnaires, chacune apportant à son capital la part qui lui est due sur la majeure partie de ces 1,2 milliard de dollars. Un projet soutenu par les organisations internationales qui y ont vu une belle occasion de mettre en œuvre des projets de développement dans le domaine des transports, de l’eau, de la gestion des déchets, etc. qui font tant défaut aux municipalités. Les sommes en jeu sont en effet considérables. À l’échelle du Liban, elles représentent en valeur constante 2,5 fois ce que les États-Unis avaient consacré à l’Europe à travers le plan Marshall au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, rappelle Charbel Nahas. De quoi créer un véritable choc positif d’investissement dans le pays ! Mais les considérations politiciennes en ont évidemment décidé autrement. Distribuer directement ces fonds aux municipalités contribue beaucoup plus sûrement à entretenir le clientélisme politique au service des chefs de clan et au détriment des citoyens... Seul maigre espoir d’éviter un gâchis absolu : que certains projets d’infrastructure, notamment les réseaux d’égouts et les stations d’épuration, puissent être initiés par des groupements de municipalités et, surtout, que les électeurs réclament des comptes aux conseils municipaux bientôt pleins aux as. En plus de cette manne, ils vont se répartir désormais quelque 150 millions de dollars tous les ans et ne devraient plus avoir d’excuses pour ne plus assumer leurs responsabilités en matière d’infrastructures locales.