Un article du Dossier
Immobilier : le ralentissement se poursuit
Guillaume Boudisseau, consultant immobilier à l’agence immobilière Ramco
« Le marché n’est pas en crise »
Malgré l’épée de Damoclès qui pèse sur le Liban avec le conflit en Syrie, le marché se tient correctement et n’est pas en crise. Nous avons toujours une cinquantaine de demandes par mois, tant sur l’achat que sur les locations. Il y a toujours des clients pour des appartements de 500 000 à deux millions de dollars. Toutefois, c’est erroné d’affirmer que les petites surfaces se vendent très rapidement : les primo acquéreurs qui disposent de budgets plus restreints sont très exigeants, restent prudents, indécis et tergiversent. Avec la stagnation des prix depuis deux ans, on observe de plus en plus un phénomène de reventes. Les spéculateurs qui avaient acheté des appartements il y a plusieurs années à des tarifs très intéressants voient que les prix ne vont plus remonter à court terme. Ils ont souvent déjà réalisé leurs marges de profit et préfèrent revendre, souvent à des prix inférieurs à ceux du marché. Pour les acheteurs, ce sont de bonnes opportunités à saisir.
Fadi Matta, directeur administratif et financier de Matta et associés SAL (entrepreneur)
« La crise du secteur résidentiel pourrait affecter les entrepreneurs en 2013-2014 »
Si l’on excepte le très grand projet du Waterfront, que nous construisons en joint-venture avec la société libanaise ACC, les immeubles résidentiels représentent environ 50 % du volume de notre carnet de commandes, contre 80 % il y a encore cinq ans. Nous constatons une concurrence beaucoup plus forte, avec des prix plus agressifs. Quand nous obtenons une adjudication, c’est avec une marge beaucoup moins élevée qu’auparavant. De nombreux projets ont commencé en 2010-2011 et seront terminés en 2013-2014. C’est à ce moment que la crise risque de se faire sentir pour les entrepreneurs, si l’activité immobilière n’a pas repris entre-temps. Les livraisons de ciment ont pour la première fois baissé en 2012 et la construction de très grands projets commerciaux pourrait masquer une baisse encore plus grande pour les projets résidentiels. L’année 2012 a en effet été marquée par le lancement d’une demi-douzaine de vastes projets à plus de 150 millions de dollars, comme l’hôtel Summerland, ou le City Center et le Waterfront du groupe al-Futtaim.
Christian Baz, PDG de l’agence immobilière Baz Real Estate
« La clientèle syrienne a ravivé le marché locatif »
Le marché est plus lent, mais sans que cela soit alarmant. On est loin d’une crise comme celle de Dubaï avec des immeubles entiers neufs et vides. Selon la municipalité de Beyrouth, seulement 20 % des unités dans les immeubles neufs sont destinés à un investissement, alors que le reste de la clientèle est constitué d’acheteurs finaux. Malgré le ralentissement, les prix ont globalement résisté, mais il est devenu plus facile de négocier qu’auparavant, pour les surfaces de plus de 250 m² et dans les projets construits par des promoteurs individuels. Ils n’ont pas la même solidité financière que les promoteurs professionnels et sont beaucoup plus malléables. Le marché locatif reste dynamique : les étrangers travaillant dans les multinationales sont moins présents que les années précédentes, mais la clientèle syrienne aisée a ravivé la demande. Elle recherche des appartements meublés entre 15 000 et 100 000 dollars par an, à Beyrouth et dans ses périphéries. Pour les propriétaires, la demande syrienne est intéressante, car elle est continue, en particulier pendant les mois d’hiver où le marché est habituellement à l’arrêt. Cette demande a permis à certains propriétaires de respirer, quitte à casser leurs prix.
Walid Moussa, PDG de l’agence immobilière PBM
« Les investisseurs du Golfe ne revendent pas en masse »
On a clairement observé une baisse de la demande en 2012 : les acheteurs locaux ne disposent pas d’un pouvoir d’achat suffisant pour combler l’offre du marché, en particulier les plus grandes surfaces, et les Libanais expatriés suivent l’évolution de la situation sécuritaire avant d’investir. Proportionnellement, la demande des expatriés ne s’est pas davantage réduite que celle des résidents. La demande des ressortissants du Golfe est faible, car les acheteurs ne viennent plus au Liban, en raison des restrictions imposées par leurs pays. En revanche, il est faux de dire qu’ils revendent en masse leurs terrains et leurs appartements. Deux grands établissements hôteliers propriété d’investisseurs du Golfe, le Habtoor et le Mövenpick, ont été proposés à la vente ces dernières semaines, mais cela ne représente pas une tendance générale. À Beyrouth, les baisses de prix sont très rares, comme dans toutes les grandes capitales, mais on a pu constater des négociations à la baisse de 10 à 15 % dans les périphéries de Beyrouth. L’activité immobilière ne va pas s’arrêter en 2013, mais seuls les promoteurs les plus expérimentés tireront leur épingle du jeu. Désormais, avant de lancer un projet, il faudra savoir où construire, comment construire et pour quel type de clientèle.
Nassib Ghobril, directeur du département de recherche économique à la banque Byblos
« La stagnation du marché s’est accentuée en 2012 »
La stagnation du marché entamée en 2011 s’est accentuée en 2012, car la confiance des acheteurs a encore diminué en raison de l’incertitude politique. Pour modifier la donne, il faudrait un choc positif comme les accords de Doha en 2008 et une solution au conflit en Syrie. Un autre facteur à prendre en compte est le maintien de prix élevés, même pour les petites surfaces. Il existe maintenant une offre d’unités en dessous de 200 m² à Beyrouth, mais généralement au-delà de 4 000 dollars le m², dépassant le budget plafond de 600 000 dollars. La demande est forte sur ce type de surfaces, mais en périphérie éloignée de Beyrouth, avec des tarifs beaucoup plus raisonnables. Face à la résistance des prix, les résidents préfèrent conserver leurs liquidités en banque, même avec des taux d’intérêt bas. Près de 10 000 familles syriennes aisées ou issues de la classe moyenne sont arrivées d’Alep et de Damas depuis l’été 2012, mais cela n’a pas suffi à influer sur le marché, 90 % de ces familles ayant préféré louer des appartements.
Fadi Moussalli, directeur régional du département immobilier de John Lang La Salle à Dubaï
« La demande des expatriés libanais du Golfe s’est essoufflée »
Avec le ralentissement qui s’est poursuivi en 2012, les promoteurs s’adaptent, en proposant des surfaces plus petites, mais aussi plus astucieuses, avec une meilleure répartition de l’espace. Ils utilisent également davantage la “construction verte” comme argument de vente. L’acheteur est devenu plus réceptif aux normes écologiques : il souhaite davantage se comporter en “bon citoyen” et commence à réaliser l’impact financier des économies d’énergie. En 2012, la demande des expatriés libanais du Golfe s’est essoufflée, car avec la stagnation des prix, ils ne peuvent plus effectuer des plus-values significatives dans un futur proche. Et acheter pour louer n’est plus intéressant, avec des taux de rendement locatif de 4 à 5 %, contre 6 à 7 % à Dubaï, sans aucune prise de risque. C’est une idée reçue de considérer que tous les expatriés libanais peuvent investir dans des appartements de plus d’un million de dollars, leur budget étant légèrement plus élevé que celui des résidents. Ceux qui achètent souhaitent disposer d’un pied-à-terre pendant les périodes de vacances, qui pourra plus tard devenir une résidence principale.
Ayssar Abillama, promoteur et PDG de Injaz Holding
« En banlieue, l’offre n’est pas adaptée à la demande »
Dans les périphéries de Beyrouth, où nous construisons principalement, la clientèle est constituée de jeunes couples mariés qui n’ont plus les moyens de s’acheter un appartement dans la capitale. Leur budget est en moyenne de 300 000 dollars et ils ne trouvent pas une offre suffisante. Surtout, les nouveaux projets ne sont pas adaptés : ils se copient tous et n’optimisent pas suffisamment l’espace. Par exemple, les grandes cuisines et les salles à manger ne sont plus beaucoup demandées, alors que les chambres individuelles avec salle de bains incorporée deviennent indispensables. Ce sont des évolutions des modes de vie qui doivent se traduire dans la construction. En 2012, nos prix ont continué à croître de 15 à 20 %, car nous devons anticiper l’achat de futurs terrains, et les prix du foncier ont continué d’augmenter. Actuellement, la valeur de remplacement, c'est-à-dire le coût nécessaire pour construire un immeuble à l’identique sur le même terrain, n’est plus du tout intéressante pour les promoteurs. Nous cherchons de plus en plus des terrains dans d’autres régions du Liban, au-delà des banlieues de Beyrouth.
Makram Zard, promoteur et directeur général de Zardman
« La taille des appartements recherchés a diminué »
En quelques années, la taille des unités demandées a nettement diminué : dans la capitale, ce sont les appartements entre 120 et 150 m² avec deux chambres à coucher qui s’écoulent le mieux, et il existe aussi une certaine demande pour les 220 à 260 m² avec trois chambres à coucher. À Achrafieh, nous avons récemment repris le projet de tour du Mondrian, qui proposait des 415 m² et ne parvenait pas à vendre. Nous avons redivisé les appartements en surfaces de 160, 255 et 415 m², et les ventes sont reparties depuis fin décembre. Dans le Metn, où nous construisons également des projets, les familles recherchent surtout des appartements de plus de 250 m² avec trois chambres à coucher et un jardin. Ces familles ont déjà un, voire deux enfants. Globalement, nos ventes en 2012 ont augmenté, et les prix ont continué à croître en particulier dans le Metn. Dans cette région, les prix des appartements sont encore sous-évalués : il est encore possible d’acheter des unités à 1 800 dollars le m². Dans le futur, nous souhaitons lancer des projets à partir de 120 000 dollars, pour répondre à la demande qui explose dans ce segment de marché.
Élie Harb, directeur de l’agence immobilière Coldwell Banker
« Il manque 30 000 appartements à moins de 200 000 dollars »
Depuis l’été 2011, le marché fonctionne au ralenti, après avoir connu un boom exceptionnel depuis 2005. En périphérie de Beyrouth, il existe encore un fort potentiel pour les promoteurs, car il manque sur le marché près de 30 000 appartements à moins de 200 000 dollars, pour les primo acquéreurs dont le revenu varie entre 1 000 et 3 000 dollars par mois. Ce type d’unités est très rare, en raison de l’incidence foncière, qui ne permet pas de proposer des tarifs abordables. Construire entre Beyrouth et Batroun revient en moyenne entre 1 200 et 1 800 dollars le m², ce qui laisse ensuite peu de marge de profit pour le promoteur qui souhaiterait vendre des unités bon marché. Des partenariats publics-privés entre gouvernement, promoteurs et banques sont indispensables pour pouvoir construire ce type de produits. Ces appartements pourraient aussi s’adresser aux anciens loyers en cas de modification de la législation actuelle. Malgré le ralentissement du marché, le nombre de nouveaux projets immobiliers hors de Beyrouth devrait être quasiment le même en 2013-2014 qu’au cours de l’année 2012. L’incidence foncière est forte, mais les promoteurs sont toujours capables de trouver de nouvelles opportunités, quitte à s’éloigner des grands centres urbains.
Massaad Farès, président du syndicat REAL et directeur général de Prime Consult (Sama Beirut)
« Le taux de conversion des ventes a été meilleur en 2012 »
Les demandes d’information sur nos projets ont été moins fortes en 2012, mais le taux de conversion des ventes a été meilleur, signe que la clientèle est plus sérieuse. Avant, sur dix présentations, nous effectuions deux ventes, alors que maintenant, sur cinq présentations, nous concluons le même nombre de transactions. La demande à Beyrouth pour les budgets entre 400 000 et 600 000 dollars est toujours importante, ce qui a même entraîné une légère augmentation des prix des petites unités. Les deux premiers mois de l’année 2013 ont même été marqués par un regain d’activité. Il n’existe pas de stock très important dans les grandes superficies, car la plupart de ces appartements qui ont démarré en 2009-2010 et qui seront livrés en 2013-2014 ont réalisé au moins 40 % de préventes avant que la crise ne s’installe. C’est le cas de Sama Beirut, qui est vendu à 42 %. Et s’il reste encore des appartements dans les projets terminés en 2012, cela ne concerne pas plus de 20 % des unités. On remarque tout de même que les promoteurs font davantage d’efforts marketing, avec de plus en plus de campagnes publicitaires à la télévision.
Mireille Korab Abi Nasr, directrice des ventes et du marketing à FFA Real Estate
« De nouvelles surfaces à partir de 80 m² »
Les promoteurs doivent comprendre que le marché s’est transformé en un marché d’acheteurs. Les clients sont uniquement prêts à acheter à un bon prix et peuvent prendre le temps de comparer de nombreux projets, avec l’offre excédentaire d’appartements. Les promoteurs ont réagi avec un temps de retard aux besoins des clients, mais tous les nouveaux projets sont maintenant majoritairement constitués de plus petites surfaces. On observe aussi une nouvelle tendance qui n’existait pas il y a deux ans : les toutes petites surfaces de 80 à 110 m², avec une chambre à coucher. Une demi-douzaine de promoteurs ont lancé à Beyrouth des produits de ce type sur le marché ces derniers mois. Ces petites surfaces intéressent les résidents : par exemple, les jeunes cadres issus de différentes régions qui viennent travailler à Beyrouth ou des parents qui souhaitent acheter un appartement pour leurs enfants quand ils seront étudiants. Les plus petites surfaces peuvent également constituer un investissement pour les Libanais expatriés.
Jade Zoghaib, directeur associé de l’agence immobilière JSK Real Estate
« Le marché est prêt à repartir à la hausse »
La situation sécuritaire a pesé sur le marché en 2012. Au cours des deux mois suivant l’assassinat de Wissam el-Hassan, le marché s’est quasiment arrêté dans certaines régions. Il a fallu attendre janvier 2013 pour que la demande reparte. Si la conjoncture politique s’améliore, le marché est économiquement prêt à repartir à la hausse. Il existe une demande, soutenue par des prêts immobiliers avantageux, et les promoteurs se sont petit à petit adaptés aux besoins : actuellement 80 % de nos transactions sont réalisées sur des surfaces inférieures à 150 m², pour des budgets entre 400 000 et 600 000 dollars à Beyrouth. Les budgets peuvent même démarrer à 160 000 dollars dans des zones plus éloignées de la capitale. Les petites surfaces restent peu de temps sur le marché et ne se négocient presque pas. En 2013, on va observer le lancement d’importants complexes résidentiels dans le Metn de plusieurs centaines d’appartements avec des prix très abordables. Les promoteurs souhaitent faire des économies d’échelle en investissant dans des régions peu exploitées et en construisant beaucoup d’unités, pour rationaliser les coûts de construction.
Sami Andraos, directeur du développement des opérations de Greenstone
« La demande pour de grandes surfaces ne va pas disparaître »
L’année 2012 a été plus lente, nous n’avons pas effectué autant de ventes que les années précédentes. Mais la stagnation des prix qui se poursuit depuis 2011 devrait inciter les acheteurs qui ont repoussé leurs achats à les concrétiser vu que les prix ne baissent pas. La stagnation des prix a également accru le nombre d’acheteurs finaux et écarté les investisseurs du marché. À Beyrouth, les surfaces plus petites sont demandées, mais la demande de grandes superficies ne va pas disparaître pour autant. Cette demande redeviendra simplement un marché de niche. Avec la hausse des prix du neuf, la demande s’est réorientée depuis deux ans vers les proches périphéries de Beyrouth, à tel point que certaines banlieues comme Hazmié sont devenues des extensions de la capitale. Après notre immeuble La Brocéliande, à Yarzé, nous prévoyons d’ailleurs de lancer prochainement un nouveau projet dans la région haut de gamme de Baabda. Les prix du foncier restent toujours élevés, ils ne sont pas descendus depuis 2007, en raison d’investisseurs qui ont augmenté leurs prix de manière illogique.
« Le marché n’est pas en crise »
Malgré l’épée de Damoclès qui pèse sur le Liban avec le conflit en Syrie, le marché se tient correctement et n’est pas en crise. Nous avons toujours une cinquantaine de demandes par mois, tant sur l’achat que sur les locations. Il y a toujours des clients pour des appartements de 500 000 à deux millions de dollars. Toutefois, c’est erroné d’affirmer que les petites surfaces se vendent très rapidement : les primo acquéreurs qui disposent de budgets plus restreints sont très exigeants, restent prudents, indécis et tergiversent. Avec la stagnation des prix depuis deux ans, on observe de plus en plus un phénomène de reventes. Les spéculateurs qui avaient acheté des appartements il y a plusieurs années à des tarifs très intéressants voient que les prix ne vont plus remonter à court terme. Ils ont souvent déjà réalisé leurs marges de profit et préfèrent revendre, souvent à des prix inférieurs à ceux du marché. Pour les acheteurs, ce sont de bonnes opportunités à saisir.
Fadi Matta, directeur administratif et financier de Matta et associés SAL (entrepreneur)
« La crise du secteur résidentiel pourrait affecter les entrepreneurs en 2013-2014 »
Si l’on excepte le très grand projet du Waterfront, que nous construisons en joint-venture avec la société libanaise ACC, les immeubles résidentiels représentent environ 50 % du volume de notre carnet de commandes, contre 80 % il y a encore cinq ans. Nous constatons une concurrence beaucoup plus forte, avec des prix plus agressifs. Quand nous obtenons une adjudication, c’est avec une marge beaucoup moins élevée qu’auparavant. De nombreux projets ont commencé en 2010-2011 et seront terminés en 2013-2014. C’est à ce moment que la crise risque de se faire sentir pour les entrepreneurs, si l’activité immobilière n’a pas repris entre-temps. Les livraisons de ciment ont pour la première fois baissé en 2012 et la construction de très grands projets commerciaux pourrait masquer une baisse encore plus grande pour les projets résidentiels. L’année 2012 a en effet été marquée par le lancement d’une demi-douzaine de vastes projets à plus de 150 millions de dollars, comme l’hôtel Summerland, ou le City Center et le Waterfront du groupe al-Futtaim.
Christian Baz, PDG de l’agence immobilière Baz Real Estate
« La clientèle syrienne a ravivé le marché locatif »
Le marché est plus lent, mais sans que cela soit alarmant. On est loin d’une crise comme celle de Dubaï avec des immeubles entiers neufs et vides. Selon la municipalité de Beyrouth, seulement 20 % des unités dans les immeubles neufs sont destinés à un investissement, alors que le reste de la clientèle est constitué d’acheteurs finaux. Malgré le ralentissement, les prix ont globalement résisté, mais il est devenu plus facile de négocier qu’auparavant, pour les surfaces de plus de 250 m² et dans les projets construits par des promoteurs individuels. Ils n’ont pas la même solidité financière que les promoteurs professionnels et sont beaucoup plus malléables. Le marché locatif reste dynamique : les étrangers travaillant dans les multinationales sont moins présents que les années précédentes, mais la clientèle syrienne aisée a ravivé la demande. Elle recherche des appartements meublés entre 15 000 et 100 000 dollars par an, à Beyrouth et dans ses périphéries. Pour les propriétaires, la demande syrienne est intéressante, car elle est continue, en particulier pendant les mois d’hiver où le marché est habituellement à l’arrêt. Cette demande a permis à certains propriétaires de respirer, quitte à casser leurs prix.
Walid Moussa, PDG de l’agence immobilière PBM
« Les investisseurs du Golfe ne revendent pas en masse »
On a clairement observé une baisse de la demande en 2012 : les acheteurs locaux ne disposent pas d’un pouvoir d’achat suffisant pour combler l’offre du marché, en particulier les plus grandes surfaces, et les Libanais expatriés suivent l’évolution de la situation sécuritaire avant d’investir. Proportionnellement, la demande des expatriés ne s’est pas davantage réduite que celle des résidents. La demande des ressortissants du Golfe est faible, car les acheteurs ne viennent plus au Liban, en raison des restrictions imposées par leurs pays. En revanche, il est faux de dire qu’ils revendent en masse leurs terrains et leurs appartements. Deux grands établissements hôteliers propriété d’investisseurs du Golfe, le Habtoor et le Mövenpick, ont été proposés à la vente ces dernières semaines, mais cela ne représente pas une tendance générale. À Beyrouth, les baisses de prix sont très rares, comme dans toutes les grandes capitales, mais on a pu constater des négociations à la baisse de 10 à 15 % dans les périphéries de Beyrouth. L’activité immobilière ne va pas s’arrêter en 2013, mais seuls les promoteurs les plus expérimentés tireront leur épingle du jeu. Désormais, avant de lancer un projet, il faudra savoir où construire, comment construire et pour quel type de clientèle.
Nassib Ghobril, directeur du département de recherche économique à la banque Byblos
« La stagnation du marché s’est accentuée en 2012 »
La stagnation du marché entamée en 2011 s’est accentuée en 2012, car la confiance des acheteurs a encore diminué en raison de l’incertitude politique. Pour modifier la donne, il faudrait un choc positif comme les accords de Doha en 2008 et une solution au conflit en Syrie. Un autre facteur à prendre en compte est le maintien de prix élevés, même pour les petites surfaces. Il existe maintenant une offre d’unités en dessous de 200 m² à Beyrouth, mais généralement au-delà de 4 000 dollars le m², dépassant le budget plafond de 600 000 dollars. La demande est forte sur ce type de surfaces, mais en périphérie éloignée de Beyrouth, avec des tarifs beaucoup plus raisonnables. Face à la résistance des prix, les résidents préfèrent conserver leurs liquidités en banque, même avec des taux d’intérêt bas. Près de 10 000 familles syriennes aisées ou issues de la classe moyenne sont arrivées d’Alep et de Damas depuis l’été 2012, mais cela n’a pas suffi à influer sur le marché, 90 % de ces familles ayant préféré louer des appartements.
Fadi Moussalli, directeur régional du département immobilier de John Lang La Salle à Dubaï
« La demande des expatriés libanais du Golfe s’est essoufflée »
Avec le ralentissement qui s’est poursuivi en 2012, les promoteurs s’adaptent, en proposant des surfaces plus petites, mais aussi plus astucieuses, avec une meilleure répartition de l’espace. Ils utilisent également davantage la “construction verte” comme argument de vente. L’acheteur est devenu plus réceptif aux normes écologiques : il souhaite davantage se comporter en “bon citoyen” et commence à réaliser l’impact financier des économies d’énergie. En 2012, la demande des expatriés libanais du Golfe s’est essoufflée, car avec la stagnation des prix, ils ne peuvent plus effectuer des plus-values significatives dans un futur proche. Et acheter pour louer n’est plus intéressant, avec des taux de rendement locatif de 4 à 5 %, contre 6 à 7 % à Dubaï, sans aucune prise de risque. C’est une idée reçue de considérer que tous les expatriés libanais peuvent investir dans des appartements de plus d’un million de dollars, leur budget étant légèrement plus élevé que celui des résidents. Ceux qui achètent souhaitent disposer d’un pied-à-terre pendant les périodes de vacances, qui pourra plus tard devenir une résidence principale.
Ayssar Abillama, promoteur et PDG de Injaz Holding
« En banlieue, l’offre n’est pas adaptée à la demande »
Dans les périphéries de Beyrouth, où nous construisons principalement, la clientèle est constituée de jeunes couples mariés qui n’ont plus les moyens de s’acheter un appartement dans la capitale. Leur budget est en moyenne de 300 000 dollars et ils ne trouvent pas une offre suffisante. Surtout, les nouveaux projets ne sont pas adaptés : ils se copient tous et n’optimisent pas suffisamment l’espace. Par exemple, les grandes cuisines et les salles à manger ne sont plus beaucoup demandées, alors que les chambres individuelles avec salle de bains incorporée deviennent indispensables. Ce sont des évolutions des modes de vie qui doivent se traduire dans la construction. En 2012, nos prix ont continué à croître de 15 à 20 %, car nous devons anticiper l’achat de futurs terrains, et les prix du foncier ont continué d’augmenter. Actuellement, la valeur de remplacement, c'est-à-dire le coût nécessaire pour construire un immeuble à l’identique sur le même terrain, n’est plus du tout intéressante pour les promoteurs. Nous cherchons de plus en plus des terrains dans d’autres régions du Liban, au-delà des banlieues de Beyrouth.
Makram Zard, promoteur et directeur général de Zardman
« La taille des appartements recherchés a diminué »
En quelques années, la taille des unités demandées a nettement diminué : dans la capitale, ce sont les appartements entre 120 et 150 m² avec deux chambres à coucher qui s’écoulent le mieux, et il existe aussi une certaine demande pour les 220 à 260 m² avec trois chambres à coucher. À Achrafieh, nous avons récemment repris le projet de tour du Mondrian, qui proposait des 415 m² et ne parvenait pas à vendre. Nous avons redivisé les appartements en surfaces de 160, 255 et 415 m², et les ventes sont reparties depuis fin décembre. Dans le Metn, où nous construisons également des projets, les familles recherchent surtout des appartements de plus de 250 m² avec trois chambres à coucher et un jardin. Ces familles ont déjà un, voire deux enfants. Globalement, nos ventes en 2012 ont augmenté, et les prix ont continué à croître en particulier dans le Metn. Dans cette région, les prix des appartements sont encore sous-évalués : il est encore possible d’acheter des unités à 1 800 dollars le m². Dans le futur, nous souhaitons lancer des projets à partir de 120 000 dollars, pour répondre à la demande qui explose dans ce segment de marché.
Élie Harb, directeur de l’agence immobilière Coldwell Banker
« Il manque 30 000 appartements à moins de 200 000 dollars »
Depuis l’été 2011, le marché fonctionne au ralenti, après avoir connu un boom exceptionnel depuis 2005. En périphérie de Beyrouth, il existe encore un fort potentiel pour les promoteurs, car il manque sur le marché près de 30 000 appartements à moins de 200 000 dollars, pour les primo acquéreurs dont le revenu varie entre 1 000 et 3 000 dollars par mois. Ce type d’unités est très rare, en raison de l’incidence foncière, qui ne permet pas de proposer des tarifs abordables. Construire entre Beyrouth et Batroun revient en moyenne entre 1 200 et 1 800 dollars le m², ce qui laisse ensuite peu de marge de profit pour le promoteur qui souhaiterait vendre des unités bon marché. Des partenariats publics-privés entre gouvernement, promoteurs et banques sont indispensables pour pouvoir construire ce type de produits. Ces appartements pourraient aussi s’adresser aux anciens loyers en cas de modification de la législation actuelle. Malgré le ralentissement du marché, le nombre de nouveaux projets immobiliers hors de Beyrouth devrait être quasiment le même en 2013-2014 qu’au cours de l’année 2012. L’incidence foncière est forte, mais les promoteurs sont toujours capables de trouver de nouvelles opportunités, quitte à s’éloigner des grands centres urbains.
Massaad Farès, président du syndicat REAL et directeur général de Prime Consult (Sama Beirut)
« Le taux de conversion des ventes a été meilleur en 2012 »
Les demandes d’information sur nos projets ont été moins fortes en 2012, mais le taux de conversion des ventes a été meilleur, signe que la clientèle est plus sérieuse. Avant, sur dix présentations, nous effectuions deux ventes, alors que maintenant, sur cinq présentations, nous concluons le même nombre de transactions. La demande à Beyrouth pour les budgets entre 400 000 et 600 000 dollars est toujours importante, ce qui a même entraîné une légère augmentation des prix des petites unités. Les deux premiers mois de l’année 2013 ont même été marqués par un regain d’activité. Il n’existe pas de stock très important dans les grandes superficies, car la plupart de ces appartements qui ont démarré en 2009-2010 et qui seront livrés en 2013-2014 ont réalisé au moins 40 % de préventes avant que la crise ne s’installe. C’est le cas de Sama Beirut, qui est vendu à 42 %. Et s’il reste encore des appartements dans les projets terminés en 2012, cela ne concerne pas plus de 20 % des unités. On remarque tout de même que les promoteurs font davantage d’efforts marketing, avec de plus en plus de campagnes publicitaires à la télévision.
Mireille Korab Abi Nasr, directrice des ventes et du marketing à FFA Real Estate
« De nouvelles surfaces à partir de 80 m² »
Les promoteurs doivent comprendre que le marché s’est transformé en un marché d’acheteurs. Les clients sont uniquement prêts à acheter à un bon prix et peuvent prendre le temps de comparer de nombreux projets, avec l’offre excédentaire d’appartements. Les promoteurs ont réagi avec un temps de retard aux besoins des clients, mais tous les nouveaux projets sont maintenant majoritairement constitués de plus petites surfaces. On observe aussi une nouvelle tendance qui n’existait pas il y a deux ans : les toutes petites surfaces de 80 à 110 m², avec une chambre à coucher. Une demi-douzaine de promoteurs ont lancé à Beyrouth des produits de ce type sur le marché ces derniers mois. Ces petites surfaces intéressent les résidents : par exemple, les jeunes cadres issus de différentes régions qui viennent travailler à Beyrouth ou des parents qui souhaitent acheter un appartement pour leurs enfants quand ils seront étudiants. Les plus petites surfaces peuvent également constituer un investissement pour les Libanais expatriés.
Jade Zoghaib, directeur associé de l’agence immobilière JSK Real Estate
« Le marché est prêt à repartir à la hausse »
La situation sécuritaire a pesé sur le marché en 2012. Au cours des deux mois suivant l’assassinat de Wissam el-Hassan, le marché s’est quasiment arrêté dans certaines régions. Il a fallu attendre janvier 2013 pour que la demande reparte. Si la conjoncture politique s’améliore, le marché est économiquement prêt à repartir à la hausse. Il existe une demande, soutenue par des prêts immobiliers avantageux, et les promoteurs se sont petit à petit adaptés aux besoins : actuellement 80 % de nos transactions sont réalisées sur des surfaces inférieures à 150 m², pour des budgets entre 400 000 et 600 000 dollars à Beyrouth. Les budgets peuvent même démarrer à 160 000 dollars dans des zones plus éloignées de la capitale. Les petites surfaces restent peu de temps sur le marché et ne se négocient presque pas. En 2013, on va observer le lancement d’importants complexes résidentiels dans le Metn de plusieurs centaines d’appartements avec des prix très abordables. Les promoteurs souhaitent faire des économies d’échelle en investissant dans des régions peu exploitées et en construisant beaucoup d’unités, pour rationaliser les coûts de construction.
Sami Andraos, directeur du développement des opérations de Greenstone
« La demande pour de grandes surfaces ne va pas disparaître »
L’année 2012 a été plus lente, nous n’avons pas effectué autant de ventes que les années précédentes. Mais la stagnation des prix qui se poursuit depuis 2011 devrait inciter les acheteurs qui ont repoussé leurs achats à les concrétiser vu que les prix ne baissent pas. La stagnation des prix a également accru le nombre d’acheteurs finaux et écarté les investisseurs du marché. À Beyrouth, les surfaces plus petites sont demandées, mais la demande de grandes superficies ne va pas disparaître pour autant. Cette demande redeviendra simplement un marché de niche. Avec la hausse des prix du neuf, la demande s’est réorientée depuis deux ans vers les proches périphéries de Beyrouth, à tel point que certaines banlieues comme Hazmié sont devenues des extensions de la capitale. Après notre immeuble La Brocéliande, à Yarzé, nous prévoyons d’ailleurs de lancer prochainement un nouveau projet dans la région haut de gamme de Baabda. Les prix du foncier restent toujours élevés, ils ne sont pas descendus depuis 2007, en raison d’investisseurs qui ont augmenté leurs prix de manière illogique.
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