Fin 2012, le Haut-Commissariat de l’Onu pour les réfugiés avait enregistré moins de 150 000 réfugiés syriens au Liban. Sept mois plus tard, ce nombre a plus que quadruplé. Fin juillet, ils étaient 650 000 recensés par les services onusiens, dont 50 000 sur le seul mois de juillet. Quelque 70 % sont des femmes et des enfants. C’est plus du tiers de la totalité des réfugiés syriens listés par l’Onu dans les différents pays d’accueil. Ce qui fait du Liban – et de loin – la première destination pour ces familles fuyant la guerre. Aussi important soit-il, il ne donne pas une image exacte de la réalité, car seuls les plus démunis font des démarches auprès des agences de secours. Les ouvriers et autres concierges habitués à travailler au Liban depuis longtemps ne sont pas comptabilisés, pas davantage que les familles les plus aisées établies à Beyrouth ou dans d’autres villes du Liban, ni les Palestiniens de Syrie ou les réfugiés qui ont peur de se signaler. Le total dépasse 1,2 million de personnes. Soit plus du quart de la population libanaise. Leur répartition géographique est l’exact inverse de celle des Libanais : ils ne sont que 18 % à Beyrouth et au Mont-Liban, ce qui contribue à comprendre pourquoi cette forte pression démographique est relativement bien supportée à ce jour encore. Mais les incidents ne cessent de se multiplier y compris dans les régions où hôtes et réfugiés sont du même bord politique. La création de camps d’accueil est une nécessité humanitaire. Elle rencontre cependant de très fortes résistances politiques de tous côtés de l’échiquier libanais tant est grande la crainte de rééditer, d’un point de vue sécuritaire, l’expérience des camps palestiniens. La paralysie institutionnelle ne fait qu’accentuer l’incapacité des autorités à gérer cette crise majeure. Une crise qui s’ajoute aux nombreux autres chocs politiques, économiques et sociaux subis par la société libanaise avec une capacité d’absorption étonnante. Après le mythe du phénix renaissant de ses cendres, le Liban semble vouloir s’en inventer un autre : celui de la cocotte-minute qui bout sans exploser.