Un article du Dossier

Le Liban se lance dans la chasse à l’homme

Le chausseur londonien John Lobb, qui vient de s’installer à Beyrouth dans le nouveau carré d’or du luxe beyrouthin, avenue du Parc, perpétue la tradition de la belle botterie. « John Lobb est la référence historique en matière de chaussures masculines sur mesure, l’équivalent de la haute couture pour l’habillement. La marque détient la majeure partie de ce marché, qu’il partage avec une poignée de maisons à Londres et à Paris », explique Renaud Paul-Dauphin, directeur de la marque. « Parmi nos clients fidèles, on rencontrait de nombreux Libanais. Il nous a semblé logique de nous installer à Beyrouth, une ville qui s’inscrit parmi les capitales du luxe », ajoute-t-il. 
Le chausseur a signé un contrat de concession exclusive avec le groupe de distribution Holdal pour le Liban. « Le contexte politique est mauvais, mais nous visons le long terme et la clientèle locale en priorité pour inscrire notre boutique à l’équilibre dans les deux à trois ans », précise Paul Kupélian, responsable du département Retail de Holdal. Avec cette nouvelle boutique, John Lobb compte 23 magasins dans le monde dans 17 pays. Au Moyen-Orient, seul Dubaï, ouvert depuis 2009, concurrence Beyrouth.
Un temps tombé en désuétude, John Lobb a été racheté par Hermès en 1976. Depuis, le sellier français lui a redonné ses lettres de noblesse. « Nous sommes une maison discrète. Nos modèles sont intemporels, quasi inusables et s’inscrivent dans la notion de “bon goût” et de l’artisanat d’excellence », rappelle Renaud Paul-Dauphin, qui insiste sur le processus de fabrication d’une paire de John Lobb : 190 étapes différentes ; 10 heures de travail pour un modèle prêt-à-porter ; 50 heures pour du sur mesure… Un délai qui s’explique entre autres par le temps donné au cuir pleine fleur (veaux français tannés en Italie) pour épouser en douceur la forme du modèle.
Cette attention aux détails justifie des prix : entre 700 et 1 400 dollars pour une paire de prêt-à-porter ; 7 000 dollars pour la création d’une première paire sur mesure, nécessitant la création de la paire de forme…
À entendre ces montants astronomiques, on pourrait croire John Lobb né au sein de l’aristocratie huppée de Londres au XIXe siècle. Il n’en est rien. C'est pour les chercheurs d'or que John Lobb, parti tenter sa chance en Australie après s'être formé chez un bottier londonien, invente une botte à talon creux, véritable coffre-fort portatif qui lui vaudra une médaille d'or à l'Exposition universelle de Londres. De retour dans la capitale anglaise, il se tourne vers des modèles élégants pour aristocrates et dandys, aux usages très codifiés : jamais de derbys pour un dîner et « never brown after 5 » (« jamais de marron passé 17 heures ») avant d’ouvrir une boutique à Paris en 1902.
Quarante-cinq modèles prêt-à-porter (sans compter les 100 modèles possibles en commande spéciale) forment le cœur de la collection. Depuis peu, John Lobb réalise des “collections capsules” avec, par exemple, les baskets imaginés avec Austin Martin ou la collaboration avec le designer anglais Paul Smith, qui permettent à la marque de conquérir de nouveaux clients et confirme son “revival” : les volumes fabriqués (que John Lobb refuse de divulguer) à Northampton ou à Paris sont en augmentation de 15 % par an en rythme annuel.
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