Un article du Dossier

Le Liban se lance dans la chasse à l’homme

Quel que soit le prochain président des États-Unis, l’on sait déjà ce qu’il portera : une chemise ou un complet Brooks Brothers. Cette marque américaine a habillé presque tous les présidents depuis la fondation des États-Unis. John Fitzgerald Kennedy figurait parmi les inconditionnels, John McCain compte aussi certains de ses classiques dans son dressing. Quant à Barack Obama, il s’est déjà affiché en chemises retroussées siglées Brooks Brothers. Sans oublier les grands artistes : Clark Gable, Cary Grant, Andy Warhol...  Comment le sait-on ? À quelques détails reconnaissables entre tous : les pointes boutonnées des cols, les six plis couture au poignet ou encore le fin empiècement dos des liquettes, qui caractérisent les modèles Brooks Brothers. « Dès lors qu'un jeune Américain réussit, qu'il obtient un examen ou décroche son premier job, son père l'amène s'habiller chez Brooks Brothers », explique Michel Salamé, membre du comité de direction du groupe Aïshti, qui vient d’en prendre la licence pour le Liban. Aïshti a ainsi ouvert une première boutique Brooks Brothers au Beirut City Centre (Hazmié). « Dans ce centre commercial, nous proposons la ligne “jeune” de la marque, en particulier les polos. Lors de l’ouverture de notre mall à Jal el-Dib, en 2015, nous offrirons la gamme classique de Brooks Brothers. »
Fondé en 1818 à New York, l’histoire de Brooks Brothers se confond avec celle de l’establishment américain : jusqu'au début des années 2000, la griffe s'interdisait même d'avoir des complets noirs en rayon, en hommage au président Lincoln, assassiné dans un frac noir de sa confection. On doit également se souvenir que la cape à brandebourgs que portait Roosevelt lors de la signature des accords de Yalta en 1945 sortait de ses ateliers. Pourtant, quand Henry Sands Brooks lance en 1818 sa boutique de vêtements pour hommes à New York, rien n’est joué. À 45 ans, l’homme n’a pas de qualifications particulières, juste le goût des belles matières. Il entend d’ailleurs « ne fabriquer et ne vendre que des produits issus de matières nobles, d’en tirer un bénéfice honnête et de ne traiter qu’avec des personnes qui recherchent et apprécient ce type de produits ». Mais Brook aura aussi le bon goût de chercher à innover : en 1870, la marque est la première à proposer des costumes en crépon de coton. En 1854, elle généralise la “button down shirt”, une liquette à col boutonné ; en 1895, elle crée le premier costume de confection, ancêtre du prêt-à-porter. Dans les années 1950, elle lance même la Brookswave, une des premières chemises faciles d’entretien (grâce au textile Dacron), puis la “No Iron” (sans repassage). Récemment, Brooks Brothers a même lancé la cravate (en soie) intachable, nanotechnologie à l'appui.
Aujourd’hui, Brooks Brothers réalise un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars environ, si on en croit Michel Salamé. Aux trois lignes de costumes (premier prix 800 dollars environ) s’ajoutent des collections de pulls, de polos ainsi qu’une bagagerie de luxe. Depuis peu, Brooks Brothers développe en plus une gamme femme ainsi que du linge de maison.
L’entreprise familiale pendant 138 ans est désormais détenue par le groupe Luxottica, premier fabricant mondial de lunettes, et dirigée par Claudio del Vecchio. L’Italien lui a donné un essor à l’international. Désormais, c’est à Beyrouth que se joue aussi le style de cette vieille maison américaine...
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