Entre la France et le Liban c’est toute une histoire - avec un h minuscule et un autre majuscule. Face à ce tandem, on trouve trois catégories d’individus : d’abord les rétros, une cohorte qui remonte au mieux au mandat, au pire à Louis IX, saint et croisé. Viennent ensuite les nouveaux Franco-intégristes qui font la guérilla aux Anglo-Saxons de la “globalisation”. Et, enfin, les rationnels qui voient dans cette ouverture française au Liban et vice versa une chance inouïe de promouvoir le développement et faire fructifier les affaires. Leur argument est simple : puisqu’une 4e puissance économique mondiale s’intéresse tellement à la 82e, autant en saisir les opportunités. Notre dossier (pp. 36-64) contribue au moins à en dessiner les contours.
Cependant, mis à part les investissements privés, qui passent par des hauts et des bas, un malaise subsiste quand on voit que des montants alloués, pour l’eau par exemple, attendent l’adoption d’une loi, d’une initiative, ou simplement d’une logique, pour être libérés. Mais, la logique n’étant pas notre point fort, on préfère patauger dans une pollution généralisée, doublée d’une pénurie aquatique.
Toujours dans le chapitre syndrome de crédibilité, nous voilà devant des projets d’hôpitaux (p. 80), cette fois financés par des fonds arabes, qui sont retardés, bloqués, réanimés, parfois achevés, mais entrés de nouveau dans un état de coma dépassé, en attendant les difficiles greffes de l’Administration.
Rien de cela n’est vraiment nouveau. Ce qui l’est en revanche c’est la place du Liban dans le monde, revue et calculée. En voilà un coup à notre ego hypertrophié : selon le rapport du PNUD (p. 12), nous sommes le numéro 2 au monde dans la ruée à la consommation (par rapport au PIB), et les champions toutes catégories à la décimation des forêts. Dans l’autre extrême, nous sommes parmi les derniers de la classe dans les exportations, dans les taux d’activité des femmes… et dans le taux de participation aux élections. Y a-t-il un rapport entre toutes ces données ? Le rapport des Nations unies sur le développement le pense. Mais là aussi on s’acharne contre nous ; on voit déjà les empiètements de Roed-Larsen derrière tout ça.
Une nouveauté vient cependant apporter un espoir dans l’avenir. Le décodage du génome humain, qui est financièrement prometteur (p. 104), pourrait-il l’être aussi pour élucider les “phénomènes libanais” ? Dans l’affirmative, les réformes devraient donc s’opérer directement au niveau des gènes. En fin de compte, nos histoires sont peut-être celles d’un ADN atypique. Dans ce cas, notre responsabilité serait au moins complètement dégagée.