Depuis les affrontements de Ersal, le regard des Libanais à l’égard des réfugiés syriens a soudainement changé. Ils étaient jusque-là accueillis relativement bien, malgré le choc démographique que constitue l’arrivée d’une population représentant entre le quart et le tiers des résidents. Désormais, ils sont perçus comme “une menace sécuritaire”, voire des terroristes en puissance. Ce changement de perception s’accompagne d’une exacerbation du sentiment de rejet motivé par des raisons économiques et sociales. La perception populaire à l’égard des réfugiés syriens est qu’ils “profitent” d’une aide humanitaire dont les Libanais dans le besoin sont privés et qu’ils les concurrencent de façon déloyale pour l’accès à l’emploi. Il n’y a pas de fumée sans feu et il est vrai que la présence des réfugiés syriens exerce une pression forte sur les infrastructures défaillantes du pays, dont les Libanais les plus défavorisés pâtissent le plus, de même qu’en l’absence de tout contrôle étatique, ils font du dumping pour occuper un nombre croissant d’emplois. La situation des réfugiés syriens n’est pas enviable pour autant, les aides dont ils bénéficient, que ce soit d’associations locales, internationales ou islamiques subissant coupes après coupes. Il faut savoir aussi que leur présence contribue globalement à soutenir la demande et donc l’activité économique du Liban sans compter l’enrichissement direct qu’elle procure à certaines catégories de Libanais. Le danger de ce ressentiment populaire est donc de catalyser la réalisation du scénario redouté : celui de pousser les jeunes réfugiés dans les bras des groupes armés. Le danger est d’autant plus grand que la stratégie du régime syrien en passe de se maintenir durablement dans les régions frontalières du Liban n’a aucun intérêt à faciliter le retour de ces réfugiés sur son territoire. Il serait donc temps que les autorités libanaises mettent en place une stratégie de gestion de cette crise à la hauteur de ses enjeux économiques, sociaux, mais aussi politiques et sécuritaires.