À l’issue des élections municipales, beaucoup se réjouissent de l’émergence de la “société civile” dont la principale manifestation a eu lieu à Beyrouth, à travers la liste Beirut Madinati, mais aussi un peu partout dans le pays. Le mot d’ordre de ce mouvement, de même que celui, avant lui, des manifestations réunies sous la bannière “Vous puez”, est de rejeter les politiques quels qu’ils soient, au profit des “civils”. La société civile est censée être distincte des corps constitués au service de l’État (militaires, fonctionnaires, partis politiques, etc.). Au Liban, pendant longtemps, notamment en raison d’une conception ultralibérale de l’économie, cette société civile s’est même accommodé des défaillances manifestes de ceux qui sont censés assurer le bon fonctionnement de l’État dans ses diverses fonctions régaliennes. Aujourd’hui elle se réveille, et c’est tant mieux. Elle se rend compte qu’il n’est plus possible de vivre en marge de l’État sans être affectée par son dysfonctionnement. Elle prend conscience de la nécessité de ne plus se laisser vampiriser par une oligarchie corrompue et corruptrice dont l’unique raison d’être est de rester au pouvoir. C’est un pas décisif. Mais il restera insuffisant tant que les “civils” refuseront de faire de la “politique” au prétexte qu’il s’agirait d’une activité négative par nature. Pour exercer des fonctions publiques, la compétence ne suffit pas, il faut aussi faire des choix : c’est-à-dire de la politique. Ce qui suppose, par exemple, en matière économique et sociale, de rompre avec l’habitude consistant à lancer des projets dans le seul but de se répartir des contrats entre amis, pour définir enfin des objectifs nationaux en matière d’emploi, de répartition des richesses, de croissance, et les moyens de les atteindre. Et passer de la logique d’une société civile à une société citoyenne, pleinement impliquée dans l’avenir de l’État libanais.
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