Saad Hariri dit avoir voulu, à travers sa démission, susciter un « choc positif ». « C’était une manière de dire aux Libanais qu’il y avait un très grand problème », a-t-il expliqué au journaliste français, Jean-Pierre Elkabbach.
Si cette énième crise politique a appris quelque chose aux Libanais, c’est le “très grand problème” que représente l’inféodation de ses partis politiques aux puissances régionales, tant à l’Iran qu’à l’Arabie saoudite. Et la solution à ce problème ne tient pas en trois mots. Il ne suffit pas que le Liban adopte une “politique de distanciation” vis-à-vis des conflits régionaux pour recouvrer sa souveraineté. Pour devenir réellement indépendant, le pays doit s’en donner les moyens. Cela passe par une remise en cause profonde de son modèle politique – de sa structure confessionnelle et clientéliste – mais aussi économique. Le Liban ne peut pas s’émanciper tant que la moindre menace de boycott fait trembler son économie.
L’émigration massive des Libanais dans le Golfe n’est pas une fatalité. Le Liban n’est pas trop petit pour contenir l’ambition de ses ressortissants, comme certains se plaisent à le croire. Il n’est pas plus petit que Singapour et ses 719,1 kilomètres carrés, dépourvus de ressources naturelles. L’émigration est la conséquence de l’échec des politiques économiques menées depuis la fin de la guerre civile. De la mise en place d’un système qui repose sur l’exportation de ressources humaines en échange d’entrées de capitaux, investis dans l’immobilier et la dette publique. Cette diaspora soutient aussi la demande des pays du Golfe pour des produits et des services libanais en mal de compétitivité, faute d’énergie, d’eau, de routes, d’un État efficace.
Pour que le choc soit positif, le Liban doit prendre conscience de la fragilité de ce modèle, de l’asservissement qu’il impose. Et s’en libérer.