C’est une rhétorique dangereuse, mais pratique pour la classe politique libanaise : accuser les réfugiés syriens de tous les maux lui permet à la fois de masquer ses échecs passés et de lier toute amélioration future au retour de ces réfugiés dans leur pays. 

Le ministre sortant de l’Énergie manipule particulièrement bien l’argument. Sans les réfugiés, les Libanais n’auraient presque plus de problèmes d’approvisionnement en électricité, a-t-il encore répété lors d’un déplacement à Zahlé le 25 août, en citant une étude réalisée en partenariat avec le Pnud. Cette étude, qui date de février 2017, a estimé la demande générée par les réfugiés syriens au Liban à 487 mégawatts (MW), soit « plus que les 443 MW de production supplémentaire ajoutée au réseau par le ministère depuis 2012 ». 

À chaque fois qu’il doit défendre son bilan – ou celui de son camp qui gère le portefeuille de l’Énergie depuis 2010 –, César Abi Khalil invoque la crise des réfugiés qui aurait balayé les progrès réalisés, sachant que ces “progrès” se résument à la réhabilitation des centrales de Jiyé et Zouk et la location de barges. Le fait que les principaux projets promis par Gebran Bassil il y a huit ans (une centrale de 500 MW à Deir Ammar et des centrales privées de 1 500 MW) n’aient toujours pas abouti, en revanche, n'a rien à voir avec les réfugiés. 

Tout comme le déficit public, le chômage, les déchets, l’inflation ou la saturation de l’aéroport, la pénurie d’électricité n’est pas un phénomène nouveau, ni imprévisible. L’aggravation de la situation, à tous les niveaux, n’est pas la conséquence de l’afflux massif de réfugiés, mais de l’incapacité du gouvernement libanais à réagir face à cette crise, et à agir en général. Les “responsables” qui se sont succédés depuis 2011– ceux qui sont payés par le contribuable pour anticiper, prévoir et gérer les affaires publiques – ont failli à leur devoir et refusent de l’assumer.  Ils ont toujours préféré accuser les voisins. Avant les réfugiés, c'était le régime de Bachar el-Assad qui corrompait les institutions libanaises et saignait l’économie du pays.  Alors à quand des responsables vraiment responsables ?