Pour Saad Hariri, l’adoption avec six mois de retard d’un projet de budget parmi les plus austères de l’histoire du pays est une «victoire pour les Libanais». Une “victoire” censée témoigner de la volonté du gouvernement à réformer le pays et encourager les bailleurs de fonds à investir les 11 milliards de dollars promis à la CEDRE. Sauf que ni la communauté internationale ni les Libanais ne sont dupes.
D’abord parce que ce gouvernement n’est pas différent de celui qui avait annoncé un déficit de 4,87 milliards de dollars dans le budget 2018 et qui, élections obligent, en était déjà à 5,8 milliards de dollars en novembre. Qu’en discutant le budget 2019, il ne savait toujours pas combien a été effectivement dépensé en 2018, ni durant les cinq premiers mois de l’exercice en cours. Que ce projet de budget se base sur une projection de croissance de 1,2 % – contre 0,2 % l’année derrière selon la Banque mondiale – sans que l’on sache d’où provient le chiffre, ni s’il prend vraiment en compte l’impact des mesures d’austérité annoncées.
Mais le plus affligent est sans doute la teneur des débats, et la surenchère à laquelle se sont livrés les membres du gouvernement pour savoir qui remportera la palme du ministre le plus “réformateur” de la République. Les propositions soumises par les uns et les autres relèvent, malheureusement, davantage de calculs d’épiciers que d’une quelconque vision économique.
Malgré leur impact sur le pouvoir d’achat des Libanais et le fragile équilibre socio-économique du pays, aucune des mesures annoncées n’a fait l’objet de simulation ou d’études. Certaines d’entre elles, comme la hausse des taxes sur les importations, sur les départs à l’aéroport de Beyrouth ou sur les permis de travail des étrangers, semblent toutefois répondre à un impératif : celui de limiter l’hémorragie de dollars.
Les responsables politiques semblent au moins avoir pris conscience du risque que fait peser le ralentissement des entrées de capitaux sur la stabilité financière du pays. Mais au lieu de s’attaquer à l’origine du problème – le modèle économique du Liban et son incapacité à générer une croissance durable et de l’emploi –, le gouvernement essaye encore une fois de gagner du temps. Bel exploit !