Que faites-vous cet été ? Le plus probable, il y a encore quelques années, que vous “montiez” au village de vos aïeux pour “estiver”. Vous savez, cette coutume qui consiste à fuir le chaudron beyrouthin, pour aller s’ennuyer en altitude et en famille.
Mais, désormais, les Libanais déguerpissent à l’étranger au premier prétexte. Si une frange de la bourgeoisie s’est toujours adonnée au plaisir de parcourir le monde, le phénomène s’est amplifié récemment, avec la révision de la grille des salaires de la fonction publique. Un afflux financier qui a permis à une classe relativement désargentée de rêver d’autres villégiatures que celles de l’éternel village libanais, aux charmes, dans les faits, souvent ravagés par un urbanisme fou.
On les comprend, ces Libanais, d’en avoir marre du sacro-saint village. Si le touriste songe à la “merveilleuse aventure”, qu’il pourra s’organiser à Qabr Chmoun –avec ce petit frisson à l’idée de pénétrer dans l’un des fiefs druzes, où l’on continue de s’entre-tuer pour cet improbable “leadership de la Montagne”–, le Libanais, lui, sait l’effet dépressif que tout séjour prolongé au Liban implique forcément.
De toute façon, rester au pays pour faire quoi ? S’organiser un pique-nique sur les rives du Litani, ce fleuve dans lequel strictement plus rien ne vit ? Ou patauger dans une mer où la bactérie E. Coli a remplacé le plancton ?
D’autant que ces loisirs, pour souillés qu’ils soient, coûtent cher. C’est un autre de ces problèmes que ne semblent pas prendre en considération les chantres d’un Liban d’Épinal : la moindre escapade s’y avère hors de prix. Une journée à la mer ? 100 dollars au bas mot, pour une famille. Un bed & breakfast dans l’arrière-pays ? 300 dollars la nuit dans une case rudimentaire. Et on ne vous parle pas de la man’oushé à 3.000 livres libanaises ou de la limonade à 8.000.
Ces prix, nous les acceptions forcés. Car nous étions coincés dans l’un de ces trous noirs du tourisme planétaire. Impossible de quitter le Liban sans envisager de longues escales (et l’obtention de visas). Mais ces temps sont révolus. La Grèce ou la Turquie sont accessibles en direct. De plus en plus, on imagine des périples en Géorgie ou en Arménie pour des sommes qui défient ce principe si libanais du “faire raquer un max” pour pas grand-chose.
Alors, n’en déplaise aux autorités publiques, qui n’ont entrepris aucun chantier pour favoriser un tourisme de l’intérieur, cette année, nous, on part à l’étranger.
On y marchera autour de collines d’oliviers sans déchets ; déjeunera pour pas cher dans des villages sans craindre les pistoleros locaux et se baignera dans une eau sans déjection humaine. Loin, forcément, de cet Eden perdu qu’est le Liban.