Apôtre de l’architecte Nader Khalili, Joseph Abdo démocratise des maisons écologiques et peu onéreuses au Liban.
On l’a croisée après environ 20 kilomètres de marche dans les forêts du Akkar. Tandis qu’on redescendait exténués vers le village de Kobeyate, une curieuse bâtisse a attiré notre regard. Le guide avait prévenu, non sans une certaine fierté : « C’est une maison écologique. Venez, on va essayer de la visiter. »
La troupe de randonneurs avait alors forcé le passage, pressés d’aller inspecter cette étrange taupinière, tout droit sortie de “Star Wars”. « Le propriétaire voulait une habitation écologique, résistante aux catastrophes naturelles », avait expliqué Joseph Abdo, quelques minutes plus tard, tandis qu’on pénétrait dans l’étrange demeure.
Barbe discrète, traces de limon sur son short militaire, Joseph Abdo était en train de monter, avec ses ouvriers, l’un des derniers dômes, couronnant l’une des pièces de la bâtisse.
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Pas architecte pour deux sous, le jeune homme a fondé le studio Halbousa Ecodomes en 2018 avec une partenaire, Tess Stucke, qui allait ensuite devenir sa femme. Ensemble, ils démocratisent au Liban le concept de l’écodôme de Nader Khalili. Joseph Abdo est tombé amoureux du travail de cet architecte iranien immigré aux États-Unis, lorsqu’il terminait ses études de communication.
« Pour mon diplôme, on m’avait demandé de créer une résidence d’artistes. J’avais 500 dollars en poche. J’ai cherché une structure facilement réalisable et peu onéreuse. » Ce sera donc la technique de Nader Khalili, qui reprend une méthode millénaire de construction, la brique adobe, mélange d’argile et de paille séchés au soleil, présente autrefois dans les pays du pourtour méditerranéen.
« La technique était courante en Syrie ou au Liban. Elle a aussi servi lors de la construction de la grande muraille chinoise. »
L’architecte américano-iranien en a toutefois modernisé le concept : les murs sont montés à partir de sacs de sable ou de terre, voire des gravats.
Rapide à construire, l’écodôme résiste au temps, aux incendies, ou aux tremblements de terre grâce à sa forme en arc. Ces maisons bénéficient en outre d’une circulation de l’air qui les “climatise” naturellement.
« La création de Nader Khalili est modulable : elle permet de construire vite des abris pour les réfugiés aussi bien que des habitats plus traditionnels. De plus en plus de gens s’y intéressent et on en voit un peu partout dans le monde. »
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Le prix rend leur construction attractive : au Liban, par exemple, une maison de 130 m2 revient ainsi à environ 65.000 dollars dans sa version basique.
Halbousa Ecodomes a pris de l’ampleur lorsque les deux fondateurs ont remporté l’appel d’offres d’une ONG. Avec, à la clé, quelque 27 000 dollars pour créer un projet qui favoriserait l’emploi dans les régions rurales. « Nous avons formé une équipe de quatre ouvriers, parfaitement capables de transmettre leur savoir-faire, et avons agrandi notre premier chantier. » Avant la crise, Halbousa Ecodomes avait trois à quatre autres projets en cours d’étude pour des particuliers.
« Nous envisagions aussi d’ouvrir notre propre maison d’hôte à Kobeyate. Mais la crise a réduit notre visibilité, déplore-t-il. Les prochains mois seront décisifs pour savoir si nous quittons le Liban ou si nous continuons à mener ici notre projet. »