On n’a pas de pétrole, mais on a des terrains, qui de tout temps étaient là pour faire notre bonheur. La source “originelle” des principales fortunes libanaises provenait d’une plus-value foncière. La magie a tellement bien fonctionné durant des décennies que, lorsque le charme est rompu, personne n’a voulu y croire. C’est que nos chiffres, paradoxalement, ne sont pas de la mathématique. Quelqu’un qui avait envie de compter est arrivé à 80 000 logements vides. D’autres ont pris le relais, et en ont ajouté presque autant. C’était à qui mieux mieux. Mais il y avait en tout cas trop de béton pour 3 millions de Libanais (ou 4 ?, voir le débat sur les statistiques p. 14). Heureusement quelques censés ont flairé le grand gâchis. Et naturellement personne ne les a entendus. Mais la cause n’est pas perdue : dans notre dossier spécial (pp. 26-44), des experts nous livrent une série de formules magiques, le gouvernement en propose d’autres, et les pros de l’immobilier se mettent en quatre pour nous fournir des tuyaux et rentabiliser ce qui reste de ce pétrole.
Il était temps, car une bonne activité immobilière pourra, par ricochet, renflouer les caisses de l’État. Mais comme on est beaucoup plus ingénieux qu’on en a l’air, on vient d’inventer une autre façon à cet effet. C’est “la thérapie du scandale” (voir l’analyse p. 20). Le système est facile : on livre sur la place publique, et à la vindicte populaire, des listes de contrevenants, de pirates et de mauvais payeurs, réels ou imaginaires, et on attend la suite des événements. Généralement, la réaction s’enclenche toute seule : une affluence sur les guichets de l’EDL, le parti de Dieu et des télécoms qui démonte son émetteur, groupe Dhahié Inc., et ainsi de suite jusqu’à l’épuration des comptes comptables. Et comme ce sont en tout cas des secrets de polichinelle, qui va se soucier de “l’image de marque” du pays ?
Pendant ce temps, le FMI, encore une fois, est de mauvaise humeur. Et il le fait savoir d’un ton emphatique. On ne peut même plus se tirer dans les pattes sans qu’il y ait un voyeur pervers pour nous sermonner. Même de classe internationale, il demeure un insupportable grognon. Globalisation oblige, nous prévient-on, à l’heure où l’on s’apprête à signer un partenariat avec l’Europe (voir notre dossier pp. 58-78).
Pour la suite des événements, on serait tenté de déclamer : «Prenez, prenez, tout cela ne coûte rien, c’est l’argent de l’État». Le pire est que c’est le Marquis de Sade qui le dit, il y a exactement deux siècles.
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