Les économistes sont parfois drôles, malgré leur mine bourrée de chiffres et coincée contre une courbe asymptote (voir schéma). Si on les voit souvent ébouriffés, c’est parce qu’ils s’arrachent régulièrement les cheveux. Et, comme les habitants des chutes de Niagara, ils aplatissent progressivement leur front en se tapant la tête contre le volumineux almanach annuel de la loi de finances. C’est cette impression qu’on a eue en recevant 5 éminents experts, parmi eux, à une table ronde sur la dette publique (pp. 16-22).
Pour eux, cette autoflagellation n’est bien sûr qu’une façon de participer à l’effort national d’assainissement. Sorte de sacrifice physique pour amadouer les dieux de la finance et expier les péchés des gaspilleurs professionnels. Professionnels, car il n’est pas si simple d’être tout juste dépensier par les temps qui courent. Et certains ne voient toujours pas pourquoi diable faut-il avoir d’abord de l’argent, pour pouvoir ensuite le dilapider. À défaut, on peut évidemment en emprunter. Des milliards de dollars. Et des prêteurs, on en trouve encore, quoique leur rémunération s’approche de plus en plus de l’usure. Mais bon, ça peut faire l’affaire car il faut bien nourrir – parfois au caviar – une armée d’employés… et de militaires. Avant de les renvoyer chez eux, avec un lingot dans la poche pour le petit dernier qui aime bien les travaux manuels métallurgiques.
Nos économistes proposent donc des solutions. Le pouvoir aussi. Mais la population, à 71 % selon notre sondage CDL-Ipsos Stat, n’y croit pas encore trop (p. 24). Ces incrédules pathologiques en veulent manifestement plus. Comme si la pilule du régime sans sel était facile à faire avaler aux habitués de la bonne chair.
Ainsi, on peut se retrouver, après 10 ans d’effort, avec une cohorte nationale hétérogène d’insatisfaits chroniques. Ça tombe bien, car dans notre rubrique management (p. 86), on propose des idées pour que les entreprises puissent déceler les clients insatisfaits et remédier aux causes d’insatisfaction et de défection. Et si l’idée nous venait d’appliquer ces principes à l’entreprise-État, il est amusant d’imaginer le bordel qui s’ensuivrait.
Mais revenons plutôt à nos histoires de milliards de dollars qui nous ont filé entre les doigts sans que l’on sache vraiment de quelle manière. Pour reprendre, et décliner, une de ces formules magiques de la littérature, les économistes ont ceci de particulier qu’ils rendent foncièrement nuisibles des politiciens qui, sans ça, auraient été simplement inutiles.
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