La francophonie mondiale étant ce que nous en faisons, il faut bien se rendre à l’évidence que, notamment sur l’aspect économique, nous n’en avons pas fait grand-chose. Encore faut-il pouvoir le dire en 400 mots dans cet éditorial, plus une dizaine de pages pour le dossier à l’intérieur (voir pp. 20-40). Ceci dit, en termes d’argent, rien n’est jamais rien en fin de compte, car «pour trois fois rien, on peut déjà acheter quelque chose, et pour pas cher», disait Raymond Devos. Et un sommet a ceci d’intéressant qu’il permet de voir d’en haut les vallées, flancs, plaines et dunes. Toute fluctuation permettant de déceler les variations d’intérêts économiques plus ou moins fertiles de la francophonie qui grouillent en bas.
Au Liban, la francophonie va toujours bien, merci. Ou, selon certains, pas plus mal qu’ailleurs. Écoles et universités, presse et édition, salons mondains et restaurants-bars huppés… tout un foisonnement qui a la délicieuse particularité d’être inégal en qualité. Même le business, comme sa consonance ne l’indique pas, n’est pas en reste. En réalité, nos entreprises, performantes de surcroît, ne s’embarrassent pas trop de ces considérations sur la langue des anges. Du moment où nos spécialistes en informatique, par exemple (voir p. 60), se mettent à exporter leurs logiciels dans le monde, des États-Unis à la France et du Golfe jusqu’au Kazakhstan, leurs langues se déclinent plutôt en Cobol, Java ou C++.
Il est vrai néanmoins que pour les golden boys des investissements et des placements, le français ressemble désormais à une maîtresse qu’on garde pour les moments de détente après avoir traité les choses sérieuses avec la “légitime” langue des affaires.
Seulement, en matière de langue, il est des moments où l’on se perd en élucubrations. Au Liban, par exemple, on se trouve parfois encombrés entre arabophonie, anglophonie et francophonie, pour atteindre, in fine, une stéréophonie style “surround system”. Et bien d’autres pays se retrouvent dans des cas similaires. Jusqu’au moment où l’on oublie l’essentiel : au-delà de la langue, il y a tout un monde de valeurs. Et si on trouve qu’il y a crise économique et morale dans beaucoup de pays francophones, y compris le Liban, c’est probablement parce que la langue la plus utilisée reste malheureusement… la langue de bois.