C’est quand même à l’extrême limite de l’indécence que de vouloir consacrer notre couverture aux produits de luxe (voir dossier pp. 44-71). Il y a de quoi s’autoflageller devant cette marque de lèse-dette, alors que des hautement responsables se tuaient dans le froid parisien pour nous assurer juste de quoi nous faire subsister jusqu’à la prochaine traite avant la venue de l’huissier compétent en matière de saisie de la frivolité des nations.
Mais en attendant de pouvoir disposer librement de ces 3 milliards durement gagnés, chacun y va de ses propres fantasmes de shopping luxurieux au-delà des boutiques griffées et autres feux d’artifice des quartiers à 10 000 $ le m2. Avec cette manne, il y aura de quoi déposer des milliers de listes de mariage de raison, de gaspillages très administratifs, de concubinages en haut lieu et de funestes montages addoumiens – sans que cela rime nécessairement, comme la phrase pourrait le suggérer, avec un quelconque bon ménage national.
C’est plutôt un manège haut en couleur, agrémenté à l’occasion par les grands crus du pays. Un peu comme la “route des vins”, que nos producteurs vinicoles ont inventée pour guider les égarés de la République vers des contrées plus accueillantes et, par définition, nettement plus vaporeuses (voir dossier pp. 80-93). Il s’agit de “la part des anges”, disent les poètes en parlant de la senteur qui s’échappe d’un vieux millésime, à l’ouverture du bouchon. C’est quand même mieux que le sexe des anges, encore hésitant, ou de la patience d’ange, dont nous sommes des spécialistes honoris causa.
Patience récompensée, puisque la pêche en eau trouble de la Seine fut en fin de compte assez poissonneuse, encore qu’on nous a lessivés en douce pour notre façon pusillanime de nous renvoyer constamment, l’un à l’autre, la patate chaude des réformes, laquelle, 10 ans et 100 fois “allons-y” plus tard, nous a catapultés à 5 000 km avec des crayons de couleur à la main, écrivant 100 fois “peux mieux faire”, jurant nos 18 grands dieux respectifs, par ordre d’importance communautaire, que nous ferons tout ce qui est impossible à faire. Et l’impossible, on serait tenté de l’emprunter à Clemenceau à travers sa célèbre diatribe française : «C’est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts». Sauf que personne n’a osé, depuis, reprendre cet adage. Car, entre-temps, le Clemenceau a été réincarné en porte-avions. Ça lui apprendra à jouer le visionnaire mondial.
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