Que faire lorsqu’une frange de la population, de plus en plus volumineuse,
exprime une méfiance virale envers la situation socio-économique de l’avenir
proche ? Nous posons cette question, pas par courtoisie, ni comme une
figure de style, mais réellement. Car depuis qu’on s’est encombré de la manie de
mener annuellement un sondage d’opinion sur le moral des ménages (c’était en
2000), on s’engouffre un peu plus à chaque récidive. Comme ce n’est pas très
bénéfique pour la santé mentale populaire, et en attendant votre réponse à la
question ci-dessus, nous avons tenté de rectifier notre brutalité en adjurant un
groupe de 25 personnalités éclairées de faire des divinations sur l’année 2005.
Onze ont sauté sur ce champ de mine – qu’ils soient remerciés – et les 14 autres
ont probablement préféré se contenter de leur propre poison fait maison.
Incorrigibles, nous avons opté pour l’acharnement thérapeutique en sollicitant de
quatre autres l’amabilité de prévoir la situation… en 2015 – comme quoi il n’y a
pas de limite à notre sadisme.
Tout cela pour tenter de corriger votre myopie ancestrale nationale, vous qui prétendez
ne pas savoir de quoi demain sera fait. Or, face à vos revendications, on
ne voit toujours pas quelle partie de «Non»
vous ne saisissez pas. Récapitulons néanmoins
clairement les événements qui auront
lieu dans les mois à venir et qui vous aideront
à bien programmer vos affaires : on va donc
avoir d’ici mai prochain ce gouvernement
karamien, ou un autre, qui va préparer, ou
non, un bon budget 2005 ; et supposément
débrouiller quelque fuel d’un pays ami, si l’on arrive à mettre la main sur un
ministre du Pétrole ; puis préparer, peut-être, des élections législatives, selon des
règles inconnues ; et parallèlement contempler avec Roed-Larsen le panorama
1559 sans rien appliquer, mais attaquer en même temps la France pour des raisons
qu’on trouvera bien ; enfin, attendre calmement d’avoir un nouveau pouvoir,
ou le même, pour démarrer le deuxième semestre avec une ration peu définie
encore d’Addoumages à vous creuser l’ulcère, qui pourra, ou non, être opéré aux
frais de la CNSS s’il en reste encore du fric non volatilisé.
Bref, dans cette atmosphère d’excitation jubilatoire, il serait tentant de participer
aux amabilités verbales actuelles empruntées au glossaire zoologique. Mais on
peut aussi avantageusement se rabattre sur une célèbre citation de Donald
Rumsfeld, quelques mois après le début de l’enlisement en Irak : «Comme nous
savons, il y a des certitudes dont nous sommes certains (…) et d’autres non».
Face à vos revendications,
on ne voit toujours pas quelle
partie de «Non»
vous ne saisissez pas