Nous sommes vraiment désolés pour l’impression que pourrait vous laisser
notre couverture : il n’y a que des titres plaisants entassés les uns sur les
autres. À croire qu’on s’est trompé de pays. Ou de régime. C’est déstabilisant
à la limite. Il y a des jours comme ça où vous avez beau fulminé contre les inepties
fiscales et autres lipides administratifs, il en reste encore du fric qui tombe dans vos
caisses. Même votre comptable, pourtant insatiable chronique, n’en revient pas.
L’Irak d’abord, qui offre un marché un rien embrouillé peut-être, mais pratiquement
vierge (voir p. 52), au profit de nos industriels, commerçants et autres camionneurs…
seuls habilités, par une expérience de 15 ans, à opérer hélas entre voitures
piégées et kidnappeurs en cagoule. On passe ensuite aux boîtes de production
audiovisuelle, qui alignent des créatifs par dizaines et des équipements par millions
(de dollars), avec le monde entier pour client (voir p. 40), ce qui aiguise forcément
l’appétit des sphinx de la Sûreté générale, champions de la censure bête et juteuse.
Puis vient l’immobilier, autre passe-temps national, avec cette fois les nouvelles
tours résidentielles d’Achrafieh (p. 24), de quoi doper, au duplex du roof, votre tension
artérielle. Que vous allez soigner dans des hôpitaux flambant neufs et, pour
changer, accueillants. Trois nouveaux établissements vous sont proposés en assortiment
thérapeutique. (Voir p. 48). Etcetera ;
arrêtons là les énumérations…
Car, si avec tout cela vous n’arrivez toujours
pas à décrocher le jackpot du bingo, c’est que
vous avez une dent contre le ministre de
l’Intérieur. Dont la valeur n’attend point le
nombre des années. Interprétation chiffrée : si
on ne peut plus, en pleine période électorale,
faire un brin de trafic d’influence, sonnant et
trébuchant, où irons-nous ? Nulle part,
rétorque le ministre des Finances, qui gesticule fébrilement sur place avec le record
absolu de projets de loi creux. (Voir une opinion nuancée p. 16). C’est un peu sa
façon assez ingénieuse de se rendre inutile sans fâcher personne. Là aussi c’est
obligé, on ne peut quand même pas lui demander de réduire le train de vie de l’État
– toujours cet alibi électoral. À la place, il peut toujours crier «Bingo !» devant
l’Assemblée générale des actionnaires du pays : il vient de trouver le montant exact,
au centime près, de la dette publique.
La bingologie, science des cris stridents face à des grilles de chiffres, vient
de naître.
Si vous n’arrivez toujours
pas à décrocher le bingo,
c’est que vous avez
une dent contre le ministre
de l’Intérieur.