Dans l’expression "l’économie de l’ombre", on sait ce qu’est l’économie,
encore que… nous n’en avons jamais eu au Liban une définition conforme
aux acceptions de l’Académie. On y barbotait quand même, frôlant le naufrage
de temps en temps. Mais "l’ombre" ?! D’où est-elle sortie pour figurer dans
notre PIB ? Pourtant, dans nos successives digressions éditoriales pendant des
années, on croyait avoir ratissé large. Pas un corps de métier qui n’ait été ausculté
jusqu’à la moelle épinière. Restait donc l’ombre, un peu par dépit, désespérés
que nous étions par l’économie du réel. (Voir notre dossier pp. 26-45).
Le bon côté des choses c’est que là au moins, avec l’ombre, on peut faire naviguer
notre imagination. Pas pour longtemps. On s’est vite retrouvé, lors de notre
inquisition risquée, nez à nez avec une mosaïque amalgamée d’organismes
gluants : des vampires qui attendent le noir, et le silence des agneaux, pour
enfouir leurs crochets dans les machines à sous du Casino ; des "Aliens" qui se
faufilent dans les conduits d’aération d’al-Madina et autres coffres à faire prolonger
les insomnies de Riad Salamé ; des "Gremlins" qu’il ne faut pas nourrir après
minuit, selon la légende, mais qu’on peut surprendre tôt le matin à la frontière de
Masnaa ; des députés qui se sont découvert une vocation tiers-mondiste pour
financer des projets de développement rural
dans la bourgade de Anjar ; des stalactites
desséchées de l’eau millénaire de Jeita. Ainsi
de suite…
Bref, c’était très instructif ; tellement enrichissant,
sans jeu de mots, que cet éditorial
risque d’être le dernier, juste avant l’épitaphe.
En attendant, on ne va quand même
pas rechigner, maintenant que le redéploiement
fait des ravages. On est ainsi en passe
de redéployer toute une flopée de volatiles migrateurs en ce début de printemps :
des gouvernements qui sautent, des ministres qui se catapultent, des présidents
qui s’éjectent, des commissions qui s’irlandisent, des parlementaires qui se vaporisent,
des foules qui s'empilent, des molécules d’Addoumium radioactif qui se
décomposent, et des "taupes" syriennes qui se désagrègent.
Le mois passé, nous avons titré "la fin d’une époque". C’était prémonitoire, on
aurait dû dire "une ambiance de fin de règne" – ou le début d’un nouveau. Avec,
accessoirement, encore une espèce en voie de disparition : les "ombrageux
bipèdes intouchables". Quelle folle époque !
On s’est vite retrouvé
nez à nez avec
une mosaïque amalgamée
d’organismes gluants