Les Délices d’Orient, ce mini-market libanais du XVe, est le premier du
genre dans la capitale française (voir p. 64). Il est bien achalandé, exhibant
le vital du terroir aux Libanais esseulés entre une manif et une autre
place Victor Hugo. Mais son promoteur ne croyait pas si bien dire avec cette
appellation. En guise de délices, nous avons enfin un gouvernement. C’est tellement
rare ces temps-ci qu’il faut bien se garder de le bouder. C’est fragile
un gouvernement. Et pourtant, il n’a pas eu le temps de souffler que, déjà,
notre économiste lui débranche le tube d’oxygène, dans un article qu’on a
vicieusement intitulé Apéritifs et coupe-faim (voir p. 16). Attention, dit-il en
substance au gouvernement, pas de dépenses superflues – mais avec une
acception du terme superflu du genre étendue océanique.
En tout cas, pour l’argent, les nouveaux ministres ne peuvent compter beaucoup
sur les crédits bancaires. Notre enquête (p. 38) montre en effet que les
banquiers exigent en général du candidat au crédit 2 ans minimum dans le
même poste, ce qui ne s’est pas vu chez la
caste des ministres depuis des lustres.
Pour faire encore plus pervers, ils demandent
même parfois, rictus aux lèvres, une
lettre de référence de l’employeur.
L’employeur qui, pour une fois, est introuvable,
et n’est pas syrien, du moins pour la
plupart. Ce qui conduit comme naturellement
le voisin à claquer frénétiquement la
porte de Masnaa et autres Abboudieh. Les
nostalgiques des années 50 et 60 en ont presque les larmes aux yeux. Signe
pour eux que le temps-des-années-d’avant-guerre est enfin revenu, disent-ils
en contemplant émus les frontières verrouillées : enfin quelque chose qui
recommence à fonctionner normalement dans ce pays.
Ceci dit, restent les aides potentielles, venant d’autres pays amis, mais qui
seront paraît-il anémiques : «40 millions $». C’est le président de la République
lui-même qui le précise navré, citant ses conseillers. En fait, on a toujours eu
des doutes sur la dextérité des conseillers présidentiels ; maintenant on n’en a
plus. De plus – et c’est bien pire –, il ne doit pas souvent lire Le Commerce du
Levant. On se demande vraiment parfois pourquoi on se tue tellement à la
tâche dans ce journal.
On a toujours eu des doutes
sur la dextérité des conseillers
présidentiels ; maintenant
on n’en a plus
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