L es Libanais sont des gens toujours remarquables. Sans blague. Il suffit de
les prendre actuellement en zoom in, pour les surprendre en train de racler
le fond des casseroles de patience. Ou, face aux convulsions télévisuelles,
d’aligner leurs propres patiences avec un jeu de tarot. Les plus orientés Maguy,
Carmen, Hayek ou Tomb s’arrachent les derniers exemplaires des derniers bestsellers
de l’édition libanaise. Un penchant au surnaturel qui leur va si bien, et
s’avère, somme toute, excusable.
Quant au naturel, il est lui aussi sous observation rapprochée :
Ils ont ainsi un oeil rivé sur les ministres prosyriens autoéjectables, au cas où...
Un autre oeil sur des négociateurs à 8 000 mètres d’altitude, suspendus dans l’air
entre deux condoléances.
Un troisième sur les préposés à l’économie qui, en écoutant les chicanes, s’arrachent
les oreilles séance tenante.
Un quatrième sur les coincés de la finance, entre un budget qui n’existe pas encore
(celui de 2006) et un budget qui n’a jamais existé (2005).
Un cinquième oeil curieux sur l’encore plus placide successeur de Mehlis, au nom
imprononçable.
Un sixième sur le prochain transfuge syrien ou la prochaine victime libanaise, whichever
comes first.
Un septième et dernier oeil compatissant sur
le volubile Siniora – qui, à force, louche
davantage encore de la lèvre inférieure…
Cela fait beaucoup d’yeux, même pour des
extraterrestres comme on en voit assez souvent
ces temps-ci. Et c’est ce moment qu’on
choisit pour attirer leur attention, ou leur huitième
oeil, sur les indices de la Bourse. La
nôtre ; qui se réveille après des générations d’hibernatus. Elle a vraiment bien
choisi son heure (voir pp. 26-35). Pour une fois que nos actions, cotées, ne
pêchent pas par omission, il y a de quoi aligner des chiffres conséquents.
Un grand Sudoku s’ensuit – qui ne satisfait pourtant pas tout le monde. Ni notre
économiste ni le patron des industriels, au hasard de ce numéro. Le premier,
atteint probablement d’une forme rare du syndrome de Stockholm, est toujours
l’otage heureux de ses orientations stratégiques (p. 18). Le second présente un
cas encore pire : il a maintenant des cauchemars récurrents sur des conteneurs
qui organisent une mutinerie au port de Beyrouth (voir p. 16).
Et pourtant, on se demande parfois comment on peut s’égarer autant de la vraie
source de notre richesse nationale : l’eldorado de Chebaa. Le Sayyed est un
homme de la grande tradition historique des incompris.
Les plus orientés Maguy,
Carmen, Hayek ou Tomb
s’arrachent les derniers
exemplaires des derniers
best-sellers