Propriétaire et développeur des célèbres restaurants Momo à Londres et 404 à Paris, Mourad Mazouz ouvre Momo at the Souks en février au-dessus du souk des orfèvres au centre-ville de Beyrouth. D’origine algérienne, “influencé par le Maroc”, Mazouz propose une cuisine mi-marocaine, mi-française pour un ticket moyen avoisinant les 80 dollars. L’endroit de 1 200 mètres carrés peut recevoir jusqu’à 180 personnes et comprend une terrasse bordée de plantes et un grand espace intérieur pour la saison d’hiver avec un salon marocain et un bar avec DJ. « Ce concept a été créé à Beyrouth, pour Beyrouth ; j’aspire donc à ce qu’il fasse partie des meubles de la ville », affirme Mazouz, qui s’investit lui-même dans chaque étape de la création de son restaurant, du menu, de la cuisine et l’architecture à la plomberie et les plans électriques. Le projet a requis un investissement d’environ quatre millions de dollars. Majoritaire dans le projet, Solidere est néanmoins un partenaire silencieux et Mazouz détient un pourcentage sur le chiffre d’affaires. Mourad sera présent pendant quatre à cinq mois, le temps de constituer l’équipe, lancer le lieu et voir comment la clientèle beyrouthine s’appropriera le concept, « je veux voir l’endroit vivre ». Marié à une Franco-Libanaise, il vient régulièrement au Liban depuis 1991 et compte désormais y vivre plusieurs mois par an.
Sa réussite, Mourad la doit à sa volonté, son intuition et son travail forcené. « Venant de la rue » comme il se décrit lui-même, cet “intellectuel sans culture” de 48 ans est né en Algérie et élevé “dans un cocon kabyle”. Il quitte pour Paris à 15 ans et y pratique “tout genre de métiers” ; homme de ménage, il intègre ensuite une agence d’attachés de presse sous le pseudo de “Xavier Mazouzi”, qui “sonne plus français”, sort et travaille “comme un fou”, ne refuse aucune tâche ; il tisse des relations avec des célébrités parmi lesquelles les chanteurs France Gall, Michel Berger et le comédien et humoriste Smaïn. « J’étais leur homme à tout faire, ça m’a permis de rouler ma bosse. » À 20 ans, suite à un chagrin d’amour, Mazouz part pour les États-Unis, y apprend l’anglais et le métier des restaurants “par le bas”, et gagne sa vie comme garçon de restaurant. Il travaille sur des bateaux de croisière et vit en Indonésie et en Inde à Goa où il fréquente “les rois de la fête”.
Forcé de quitter les États-Unis en 1988 pour des problèmes de papiers, il retourne à Paris, à 26 ans, avec l’objectif d’ouvrir son restaurant et travaille à nouveau comme garçon de café. Il annonce aux clients, parmi lesquels Jean-Louis Costes, qu’un jour il aura son restaurant, personne n’y croit. Il apprend que le restaurant Bascou est à vendre et a besoin de 400 000 francs (environ 70 000 dollars). Smaïn, devenu son ami, participe à hauteur de 200 000 francs, le reste est emprunté à des copains : « J’y faisais tout, la cuisine, la plonge et le serveur. » L’endroit est un succès, Mazouz rembourse en un an et revend Bascou en janvier 1994 à trois millions de francs. Entre-temps, il crée le 404 en 1990, restaurant branché de couscous avec 400 000 francs, toujours avec Smaïn qui vend ses parts en 1995. Le lieu connaît toujours le même succès avec 2,2 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel. En 1997, il s’installe en Angleterre et crée un concept similaire au 404, Momo – de son surnom – avec un investissement de 800 000 dollars : « Le lieu démarre sur les chapeaux de roue, Madonna y fête son anniversaire avec ses copains de la jet set. » Depuis, Momo ne désemplit pas et génère 8 millions de dollars annuels. Mais Mazouz “aime sans cesse se renouveler” et décide de se tourner vers un nouveau registre, la gastronomie : partenaire en 1999 dans le Club Gascon, il ouvre en 2002 le restaurant Sketch de 2 500 mètres carrés, “la plus grande galère” de sa vie, vu l’investissement énorme qu’il requiert, plus de 18 millions de dollars, et prend pour chef le célèbre Pierre Gagnaire. Aujourd’hui, les deux restaurants, situés à Londres, détiennent chacun une étoile au guide Michelin. Le Sketch génère autour de 12 millions de dollars annuels.
Rien ne semble arrêter Mazouz, qui poursuit sa lancée avec de nouvelles ouvertures : Derrière et Andy Wahloo à Paris, et Almaz by Momo à Dubaï. « J’investis aussi dans des projets de copains et des restaurants éphémères pour m’amuser. » Il conclut : « Mon but est que chacun de mes restaurants devienne une institution. Accumuler les biens matériels ne m’intéresse pas ; je travaille pour apprendre et gagner correctement ma vie pour pouvoir voyager. »
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