Meubles : un secteur florissant
La copie de meubles à succès est chose courante au Liban. Qui n’a pas entendu parler d’un voisin, ami, collègue qui a sélectionné un meuble de marque sur catalogue et a demandé à son menuisier de le lui reproduire ? Cette pratique n’est pas nécessairement illégale, la loi libanaise protégeant relativement mal le droit des marques, dessins et modèles.
La copie, rançon du succès, est absolument légale. Elle ne devient contrefaçon que si la chose copiée est protégée. Or, s’il est relativement simple de protéger une œuvre au Liban, les sanctions prévues par la loi en cas de contrefaçon sont bien trop peu importantes pour être dissuasives. Et le pays n’a pas signé les conventions internationales qui permettent de protéger automatiquement les droits des marques étrangères.
Pour protéger un meuble au Liban, la procédure la plus courante consiste à déposer un dessin ou modèle industriel, qui relève du droit de la propriété industrielle.
Le droit du dessin ou modèle industriel
Ce droit fait partie du droit de la propriété industrielle. Au Liban, il est régi par le chapitre deux de la loi règlementaire numéro 2385 de 1924 sur la propriété commerciale, industrielle, littéraire, artistique et musicale, toujours en vigueur aujourd’hui. Cette loi stipule que pour qu’une œuvre puisse être protégée, elle doit être nouvelle et elle doit être originale, c’est-à-dire contenant des caractéristiques externes la distinguant d’autres œuvres connues sur le marché. Ces deux critères sont laissés à l’appréciation – subjective donc – du juge, voire de trois juges dans certains cas. Un rapport d’expert peut être demandé. Une personne cherchant à protéger son œuvre doit donc enregistrer un dessin (ou un modèle) auprès du ministère de l’Économie. Ce dépôt crée uniquement une présomption de propriété ; il faut que le modèle ou dessin soit utilisé pour que la propriété soit acquise. En 2010, on recense environ 113 enregistrements de dessins industriels au Liban (sachant qu’un dépôt d’enregistrement peut contenir une collection allant jusqu’à 100 modèles). Chaque dépôt coûte en moyenne un peu moins de 400 dollars. Ces dépôts sont surtout le fait d’industriels et designers libanais, plus rarement des grandes marques internationales.
Le droit du dessin industriel est limité dans le temps, comme tout droit relevant de la propriété intellectuelle. Au Liban, il est de 25 ans renouvelables une fois, ce qui en fait le plus long dans le monde arabe. À titre de comparaison, la durée de validité de ce droit est de 15 ans non renouvelables en Jordanie, de cinq ans non renouvelables en Syrie et de sept ans non renouvelables en Irak.
Détail important, la propriété industrielle est territoriale : un meuble protégé au Liban ne l’est qu’au Liban. L’arrangement de La Haye permet d’étendre automatiquement la protection obtenue dans un pays à tous les autres pays signataires. Mais le Liban et la Chine, non plus, n’en font pas partie. Ce qui signifie qu’un fauteuil de Roche Bobois, dont le modèle est déposé en France, n’est pas protégé de la contrefaçon au Liban.
Les sanctions prévues par la loi
Le contrevenant peut se voir infliger une amende de 50 000 à 500 000 livres libanaises et une peine de prison comprise entre deux et six mois.
Les produits contrefaits sont en outre saisis, le contrevenant n’a plus de droit d’être membre des Chambres de commerce et autres associations ; et dans certains cas il doit payer des dommages et intérêts.
Au Liban, on recense très peu d’affaires concernant la violation du droit de la propriété industrielle. Selon un recueil qui se veut exhaustif, il n’y a eu que trois affaires publiées entre 1973 et 2006, sachant que toutes les affaires ne sont pas publiées.
Outre le droit des dessins et modèles industriels, un meuble peut être protégé par deux autres volets de la loi : par le droit des marques qui fait partie de la propriété industrielle, et par le droit d’auteur qui fait partie de la propriété littéraire et artistique.
Le droit des marques
Le droit des marques permet de protéger indéfiniment un nom et un logo sur un territoire donné. Il est régi internationalement par la convention de Madrid, qui étend la protection dans tous les pays signataires. Le Liban n’a pas signé cette convention, ce qui signifie par exemple que si une marque Tannourine est créée en France, la société libanaise du même nom ne peut rien intenter. Ceci dit, les marques notoires (type Natuzzi, Roche Bobois,…) sont elles régies par la convention de Paris, qui leur assure une protection au sein de tous les pays membres : 173 pays, y compris le Liban.
Ce dernier point s’applique par exemple à une chaise conçue et dessinée par le designer français Philippe Starck, qui serait copiée au Liban. Vu que le Liban n’est pas membre de l’arrangement de La Haye, la chaise Starck n’est pas protégée au Liban par le droit des dessins et modèles industriels. De même, vu que le Liban n’a pas signé la convention de Madrid, la marque Starck n’y est pas protégée. Mais vu que Starck est une marque notoire, et que le Liban a signé la convention de Paris, elle est protégée par le droit des marques notoires.
Le droit d’auteur
Le droit d’auteur protège les droits du créateur d’une œuvre, à condition que celle-ci ait un caractère original, laissé à l’appréciation du juge. Si l’enregistrement d’une œuvre n’est pas obligatoire pour bénéficier du droit d’auteur, il peut néanmoins servir de preuve en cas de conflit. Au Liban, ce droit est régi par la loi numéro 75 de 1999. Il est très influencé par l’exemple français. Au niveau international, ce droit dépend de la convention de Berne, qui regroupe 164 pays, dont le Liban. Un auteur est ainsi protégé de son vivant et pour une période minimum de 50 ans après sa mort, dans tous les pays signataires.