Un article du Dossier

Le code du travail enfin dépoussiéré

Adib Bou Habib, vice-président de la Fédération des ouvriers des imprimeries et de l’information, reconnaît au projet de nouveau code du travail certaines avancées sociales. Toutefois, il s’insurge contre le maintien du pouvoir d’ingérence de l’État dans la création et l’organisation des syndicats, en contradiction avec les règles internationales.
 

«La révision du code du travail, qui date de 1946, était urgente afin de mieux protéger les salariés et d’adapter le droit à notre époque », estime le syndicaliste Adib Bou Habib, qui a participé, en qualité d’expert, à l’unique commission tripartite entre l’État, les syndicats et le patronat, chargée d’amender le code du travail en 2001-2002.
Le syndicaliste reconnaît des avancées sociales au projet de loi comme l’extension à dix semaines du congé maternité, les restrictions portées au travail des mineurs ou la création d’un congé paternité de trois jours. Toutefois, il fustige le maintien « d’aberrations flagrantes », en particulier dans le domaine syndical. L’État conserve son pouvoir d’ingérence dans la vie syndicale : le projet de nouveau code prévoit ainsi l’autorisation du ministère du Travail pour la formation de syndicats et n’autorise toujours pas aux fonctionnaires de se syndiquer. Cette interdiction est liée à l’histoire du droit administratif libanais, qui s’applique aux fonctionnaires, copié sur la législation française d’avant la Seconde Guerre mondiale. Jusqu’en 1946 en effet, la France interdisait aux fonctionnaires le droit de se syndiquer (ainsi que le droit de grève), au nom du principe de continuité des services publics. Mais en 1946, une révision constitutionnelle leur accorde ce droit, à l’exception de certains serviteurs de l’État comme les agents de la sécurité nationale. Le Liban n’a, lui, pas suivi ce mouvement de modernisation.
« C’est en contradiction avec les accords internationaux sur le travail », précise Adib Bou Habib. Quatre-vingt-sept accords internationaux – dont huit principaux – organisent les relations sociales entre salariés et employeurs. Le Liban a ratifié la majorité d’entre eux, sauf l’un des plus importants, qui garantit la libre formation des syndicats, notamment pour les fonctionnaires et les travailleurs étrangers. « L’argument du ministre Boutros Harb, selon qui “ce n’est pas encore le bon moment”, n’est pas recevable », dit le syndicaliste. Les fonctionnaires sont des employés comme les autres, qui doivent pouvoir bénéficier du droit de se regrouper au sein de syndicats, ajoute-t-il.
Adib Bou Habib déplore également que les pressions patronales aient abouti à la diminution des jours de grève payés. Le projet de code réduit de 15 à cinq les jours de grève payés en cas d’échec de la médiation du ministère du Travail. « Le ministère justifie cette atteinte au droit de grève en affirmant que les syndicats peuvent abuser de ce droit. » Or, selon Bou Habib, l’histoire sociale du Liban compte peu de grèves qui se sont prolongées au-delà de 15 jours consécutifs.
Le vice-président de la Fédération des ouvriers des imprimeries et de l’information salue toutefois la proposition du ministère de diviser des syndicats par secteur d’activité, et non plus par métiers, comme c’est aujourd’hui le cas. « C’est une réelle avancée. Cette proposition émane des syndicats, qui réclament depuis plusieurs années une division en 18 secteurs d’activité, dont l’un pour la Fonction publique. » Pour Bou Habib, cette nouvelle répartition évite que des salariés d’une même entreprise se retrouvent affiliés à différentes fédérations de syndicats parce qu’ils exercent des métiers distincts. « Cela devrait créer une meilleure cohérence au sein de l’entreprise et l’émergence de revendications communes aux salariés. » Et d’ajouter : « À mon sens, cette répartition par secteur d’activité pourrait aussi réduire la mainmise des partis politiques sur les syndicats en favorisant l’émergence de formations syndicales réellement indépendantes, en phase avec les aspirations réelles des travailleurs. » Sur ce point, Adib Bou Habib défend une position opposée de celle du président de la CGTL, Ghassan Ghosn, qui a affirmé vouloir garder la répartition par professions dans différentes déclarations publiques… Sans toutefois justifier cette position.

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