Le code du travail enfin dépoussiéré
La révision du code du travail renforce les droits des salariés. De nouveaux congés sont reconnus ; d’autres étendus. Le nouveau code crée également un “congé formation”, aux contours cependant encore très vagues. Pour la première fois dans l’histoire sociale libanaise, les maladies professionnelles se trouvent définies et réglementées. Le nouveau code clarifie les motifs de sanctions disciplinaires à l’égard des employés et promeut des règles strictes quant à leur application. Enfin, en cas de litige, il encadre mieux les recours possibles devant le ministère du Travail ou les tribunaux.
Davantage de congés…
Le projet de nouveau code du travail introduit de nouveaux congés liés aux événements familiaux. Ces jours sont intégralement rémunérés par l’employeur et considérés comme du temps de travail effectif pour le calcul des congés payés et de l’ancienneté. Pour son mariage, le salarié est autorisé à s’absenter une semaine. Lors d’un décès, dans le cas de parents proches, trois jours (contre deux jours aujourd’hui) lui sont octroyés. Si le défunt est son oncle, sa tante, ou l’un de ses beaux-parents, le salarié bénéficie de deux jours. Pour des parents plus éloignés (quatrième degré), l’absence autorisée est d’une seule journée. Enfin, le projet de code crée un congé paternité payé de trois jours.
…mais un minimum de jours fériés légaux !
En ce qui concerne les jours fériés, deux seulement sont obligatoirement chômés : la fête de l’Indépendance (22 novembre), et la fête du Travail (1er mai). Les autres jours fériés sont à déterminer via le règlement intérieur, la convention collective ou les coutumes locales. Ces congés peuvent cependant être travaillés si la nature de l’établissement l’exige et sous condition d’indemnisation ou de compensation du salarié.
Cette réglementation des jours fériés dans le projet de code est cependant source de discrimination entre les fonctionnaires de l’État, qui bénéficient d’autres jours chômés, au nombre de 18 (décret n° 15215 de 2005), et les salariés du privé, qui ne bénéficient plus que de deux jours fériés légaux.
Enfin un congé de formation professionnelle reconnu
Le salarié bénéficie dans le projet de réforme d’un congé de formation professionnelle, payé avec l’accord de l’employeur sous condition qu’il ne soit pas préjudiciable à la productivité de l’entreprise.
Toutefois, le nouveau code n’apporte aucune précision quant à la nature, la durée ou les conditions d’octroi de ce congé, ni quant à l’incidence de ce congé sur le contrat de travail.
Une journée de congé par semaine pour chercher un nouvel emploi
Une journée de congé est octroyée au salarié à la recherche d’un nouvel emploi une fois par semaine (au lieu d’une heure par jour aujourd’hui) pendant la durée de son préavis.
Une première : les maladies professionnelles reconnues
Pour la première fois, la loi réglemente les maladies professionnelles. Elle les définit et les soumet à un certain nombre de conditions. Une maladie est “professionnelle” lorsqu’elle atteint le salarié lors de l’exercice de son activité professionnelle ou bien lorsqu’elle résulte de son exposition à des risques professionnels aux conséquences nocives pour sa santé. Pour être reconnue comme telle, la maladie doit être expressément prévue dans un tableau annexe, indexé au nouveau code du travail, qui les divise en deux catégories. D’abord, les maladies résultant d’une exposition à un risque sanitaire ; ensuite, les maladies professionnelles liées à un organe particulier du corps humain. La victime d’une maladie professionnelle a droit à des indemnités dont le calcul est déterminé grâce à un rapport médical établi par un médecin spécialisé. Le nouveau code ne précise cependant pas si ce médecin doit être spécialement mandaté ou bien s’il peut s’agir de n’importe quel médecin. Le projet de code ne précise pas non plus la partie qui a la charge du paiement des indemnités liées à la reconnaissance de la maladie professionnelle. Mais on suppose qu’elle revient à l’employeur en attendant sa prise en charge par la Caisse nationale de la Sécurité sociale, prévue dans des textes de lois anciens.
Un congé annuel progressif Le congé annuel payé, aujourd’hui de 15 jours, devient progressif et augmente avec les années de services de 15 à 21 jours ouvrables selon l’ancienneté du salarié pour se mettre aux normes des conventions arabes signées par le Liban en 2000. Le principe de l’autonomie du congé annuel est rappelé : les jours fériés, le congé maternité, le congé maladie, les congés pour accident de travail et les congés familiaux ne sont pas inclus dans la durée du congé annuel. Le fractionnement du congé annuel peut être convenu entre les deux parties, la première fraction ne devant toutefois pas être inférieure à la moitié du congé annuel. Il est possible de reporter le congé annuel à l’année suivante avec l’accord du salarié, avec un maximum de cumul sur deux ans. |
Des congés maladie qui entament moins le congé annuel
Le projet de code ne modifie pas le mode de calcul des congés maladie. Toutefois, en cas de dépassement d’un mois, l’employeur peut réduire le congé annuel non plus à huit jours comme aujourd’hui, mais à 12, 14, 16 ou 18 jours selon l’ancienneté.
Une meilleure protection du salarié
Des sanctions disciplinaires mieux définies et mieux encadrées
Contrairement au code actuel, qui ne réserve aux sanctions disciplinaires que quelques dispositions sommaires, le nouveau projet leur consacre neuf longs articles (47 à 55). Il énonce le principe de la légalité des sanctions, réparties en trois catégories (à caractère moral, financier ou professionnel), et énumérées de façon explicite et limitative. En contrepartie, il édicte des règles strictes quant à leur application. Elles ne peuvent ainsi être infligées au salarié que pour une faute grave, une négligence lourde ou un manquement aux dispositions du règlement intérieur. Leur application n’est enfin possible qu’après en avoir notifié le salarié et l’avoir entendu. La non-observation de ces règles entraîne la nullité absolue de la sanction. Le salarié peut alors recourir au ministère du Travail afin d’en demander l’annulation.
Affirmation du principe de non-discrimination
Le projet de code énonce en toutes lettres le principe de la prohibition de toute discrimination entre salariés, sans cependant prévoir de sanctions pénales pour l’auteur d’une telle discrimination. La victime pourra obtenir une indemnisation dans le cadre de la mise en cause de la responsabilité civile de l’employeur (art. 122 du code des obligations et des contrats). Celui qui s’estime lésé devra en apporter la preuve, et prouver le lien de causalité entre la faute et le dommage réclamé.
Des délais plus importants pour saisir le Conseil arbitral du travail
Le projet de code instaure pour la première fois un recours possible en cas de conflit entre des salariés et leur employeur devant le ministère du Travail. Les parties bénéficient d’un délai de sept jours pour engager une telle médiation à l’amiable. Si elle échoue, elles disposent d’un délai de deux mois (à compter de la date de la présentation de la demande de médiation) pour saisir le Conseil arbitral du travail.
Dans le cas d’une résiliation abusive du contrat de travail par l’employeur, le projet de réforme du code du travail octroie deux mois (au lieu d’un mois actuellement) au salarié pour contester son licenciement. Attention : ce délai court à partir de la notification écrite du licenciement ou de la démission, ou bien de la date de la décision du ministère, si une plainte ou un recours lui ont été soumis.
On doit cependant noter un manque de précision dans la rédaction de ces dispositions (articles 73-b, 178, 184 et 188 du projet) ainsi que l’existence d’une contradiction entre, d’une part, les dispositions de l’article 184 du nouveau code (qui prescrit dans un délai de deux mois à partir de leur notification du rapport du médiateur le droit des salariés de recourir au Conseil arbitral sous peine de la déchéance de leurs droits) et, d’autre part, celles de l’article 188 de ce même code qui, lui, fixe la prescription des droits des salariés à deux ans à dater de la date d’échéance. Cette prescription de deux ans étant par ailleurs énoncée dans l’article 351 (alinéas 5 et 9) du code des obligations et des contrats.
Pas plus de dix heures de travail par jour, heures supplémenatires comprises
L’horaire de travail ne peut excéder dix heures par jour contre 12 actuellement ou 60 heures par semaine. Les cadres ne sont pas soumis au régime des heures supplémentaires. Le calcul de la rémunération des heures supplémentaires reste inchangé (+50 % par rapport à une heure de travail effective).
Clarification du contrat à durée déterminée (CDD)
Le code de 1946 ne donne pas de définition de certains contrats de travail. Le nouveau projet tente donc de les préciser. Le contrat à durée déterminée (CDD) est ainsi défini comme un contrat conclu pour une durée de temps fixée ou pour la durée d’un travail déterminé. Sa durée maximale est de trois ans, renouvellement compris, sous peine d’être requalifiée en contrat à durée indéterminée (CDI). À l’instar de l’actuel code, le nouveau projet n’exige pas la rédaction d’un contrat écrit pour un CDD.
De petits progrès sur la reconnaissance du travail à temps partiel
Le contrat de travail à temps partiel devra être conclu avec un salarié dont la durée de travail est inférieure aux heures légales, soit 48 heures. Peu d’entreprises au Liban adoptent cependant cette durée légale maximale, ayant d’elles-mêmes réduit le temps de travail effectif de leurs salariés. C’est pourquoi il aurait été sans doute plus approprié de définir un contrat de travail à temps partiel à partir de la durée conventionnelle pratiquée dans l’entreprise, comme c’est le cas par exemple en France. Et ce d’autant qu’un ancien arrêté d’application, relatif à l’inscription à la CNSS, précise que le temps de travail partiel est inférieur à 36 heures.
Obligatoirement écrit (même si le projet de révision ne prévoit pas les conséquences de l’absence de contrat écrit), ce contrat fournit des garanties à l’employé à temps partiel : le salaire, les congés et les conditions de fin du contrat sont ainsi proportionnels aux heures de travail. Le nouveau code donne également un “droit de préférence” aux salariés à temps partiel dont l’embauche sera prioritaire en cas de vacance d’un poste à temps plein.
Des salaires mieux réglementés
L’ancien code ne consacrait que très peu de dispositions aux salaires. Le projet de révision détaille ses modalités de versement et définit les compléments possibles. Le salaire de base devra obligatoirement être versé en numéraire. S’y ajoutent des compléments du salaire, en numéraire ou en nature : commissions, majorations, primes de fin d’année à caractère constant et continu, ainsi que les pourboires ayant un caractère obligatoire selon certains usages professionnels. Ce salaire doit être payé de façon régulière et dans la monnaie officielle (il peut être versé par transfert bancaire ou postal). Le projet de révision précise que son paiement doit s’effectuer mensuellement (employés et ouvriers) ou chaque semaine (ouvrier au jour, à l’heure, à la semaine, ou à la pièce). Pour un travail à la pièce, nécessitant plus de 15 jours de travail, le nouveau code exige le paiement d’acomptes au moins chaque quinzaine. Le salaire doit enfin être payé directement au salarié, sauf volonté contraire de ce dernier.
Protection du salaire : pas plus de 10 % retenu
Cette nouvelle disposition vise à protéger le salaire versé : l’employeur ne peut plus restreindre la liberté du salarié à disposer de son salaire comme il l’entend. Lorsqu’il lui a versé une avance, il ne peut prélever plus de 10 % du salaire mensuellement pour se rembourser, avec interdiction d’y appliquer des intérêts. De même, il lui est interdit de prélever sur le salaire des rémunérations directes ou indirectes, qui seraient versées à l’employeur (son représentant ou un intermédiaire) en vue d’obtenir ou de maintenir un emploi. Le salaire ne peut pas faire l’objet d’une cession, d’une indemnisation ou d’une saisie (dans les limites des dispositions du code de la procédure civile).
Droit de rétention : délai raccourci pour le salarié
En cas de salaire impayé, le salarié a un droit de rétention sur l’objet appartenant à l’employeur en sa possession. Il dispose d’un délai d’un an (contre deux actuellement) pour vendre l’objet retenu et ainsi compenser les arriérés de salaire.
Le salarié prioritaire en cas de faillite de l’entreprise
Le salaire et les autres traitements des salariés ont un caractère de “créance privilégiée” dans le projet de code et prennent rang avant toute autre créance, y compris celles de l’État et de la Sécurité sociale. Dans le code actuel, seuls les salaires perçus durant la dernière année d’exercice ont un caractère de créance privilégiée. Mais ils interviennent après la créance du Trésor, des frais de justice et des hypothèques forcées.
Majoration des indemnités dues en cas d’accidents du travail
Le projet de code intègre le décret-loi n° 136 de 1983, réglementant les accidents du travail. Il y apporte cependant quelques modifications : ainsi majore-t-il les indemnités dues pour incapacité permanente ou décès. De même, il allonge de cinq à sept jours le délai d’opposition au rapport médical délivré par le médecin soignant.
Restriction de l’usage des clauses de non-concurrence
Le projet restreint l’usage des “clauses de non-concurrence”, cette clause que l’on insère parfois dans le contrat de travail afin d’éviter que le salarié ne concurrence son ancien employeur à la fin de la relation contractuelle. Si la révision du code du travail aboutit, les clauses de non-concurrence, qui ne sont pas déterminées dans l’espace et dans le temps ou celles dont la nature de l’activité n’est pas spécifiée, ne seront plus valides. Le projet de code ne prévoit cependant pas de limite en termes de durée de validité ou d’étendue géographique de la clause.