Un article du Dossier

Le Liban débordé par l'afflux de réfugiés syriens

Reportage à Dar Hamié dans la Békaa, où un propriétaire tire 100 000 dollars de revenus par an de la location de son terrain à des réfugiés.

Dar Hamié ressemble à un camp de réfugiés ordinaire. Deux cents tentes s’agglutinent sur un terrain boueux où jouent des enfants sales et discutent des adultes fatigués. Une différence pourtant : ici pour avoir sa tente, il faut payer. Avec l’afflux de réfugiés syriens, des propriétaires terriens de la Békaa ont flairé la bonne affaire. Certains ont divisé leurs champs en parcelles de cinq à six mètres carrés qu’ils louent désormais. À Dar Hamié, l’emplacement coûte 100 dollars par semestre. Le propriétaire, qui dispose d’un terrain, en a loué en plus trois autres depuis le début du conflit syrien. Il affirme abriter 500 tentes sur cet espace, ce qui représente un revenu annuel de 100 000 dollars. L’installation des abris incombe aux réfugiés eux-mêmes : leur coût est d’environ 750 dollars. Seule association à intervenir dans ce camp, Caritas leur a fourni les bâches en plastique blanches qui recouvrent les tentes.
Quelque 3 000 personnes sont ainsi hébergées à Dar Hamié. Ce camping payant ne décrocherait aucune étoile : sous les bâches, un simple tapis recouvre la terre battue. Les réfugiés dorment à même le sol. Avec la neige, il y règne un froid glacial. Acheter une couverture n’est pas à la portée de tous : ces réfugiés viennent de Bab Amr à Homs, foyer populaire de la résistance pilonné par le régime au printemps 2012.

« S’en mettre plein les poches »

Khaled, trentenaire, survit à Dar Hamié depuis cinq mois. « C’est très dur, il faut ajouter chaque mois au loyer 37 dollars pour l’eau et l’électricité. Je suis ouvrier agricole, mais l’hiver il n’y a pas beaucoup de travail. » Trouver de l’argent est la préoccupation de tous. « Si on ne paie pas, on nous jette dehors », résume Abou Kriem, père de neuf enfants. Conséquence : ces derniers sont mis en contribution. Abdelrazak a treize ans. Avec un sourire innocent, il annonce gagner quatre dollars par jour pour sept heures de travail dans les champs.
À l’épicerie du camp, la commerçante et une réfugiée se chamaillent. Celle qui est en fait la femme du propriétaire se plaint : « Ils n’arrêtent pas de manger et ne paient rien ! Nous devons nourrir tout le monde gratuitement. » Son mari se lamente aussi. Un logo du Programme alimentaire mondial (PAM) est pourtant collé sur sa vitrine. Il reconnaît que l’organisation lui verse directement l’argent des bons de nourriture remis chaque mois aux réfugiés, soit 30 dollars par personne. « Quel menteur, il profite du malheur des réfugiés pour s’en mettre plein les poches », peste un habitant des environs.
À Tourboul non loin de là, Issa al-Fayad héberge depuis un an 25 tentes sur son terrain. Il s’y est toujours refusé jusque-là, mais il fera bientôt payer chaque emplacement 66 dollars par mois. « Je n’ai pas le choix, il faut financer les travaux nécessaires à l’hygiène du camp », insiste-t-il.
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