Un article du Dossier
Le Liban débordé par l'afflux de réfugiés syriens
Entretien avec Ziad Majed, chercheur et politologue libanais. Fondateur du réseau pour les études sur la démocratie ANSD, il enseigne la science politique et les études du Moyen-Orient contemporain à l’Université américaine de Paris.
Comment expliquer que le plan du gouvernement libanais pour les réfugiés syriens intervienne si tardivement, après 22 mois de conflit ?
Le gouvernement est pris entre deux feux. D’un côté, il doit respecter le droit international et la Constitution libanaise qui exige que les réfugiés soient traités de manière humaine avec l’aide d’associations humanitaires si besoin. De l’autre, il a peur d’être entraîné dans le conflit syrien en accueillant tous ces réfugiés.
Dans un premier temps, on a donc noté une hésitation quant à l’attitude à tenir face à la contestation du régime de Bachar el-Assad. Lors des sommets de la Ligue arabe fin 2011 et début 2012, le Liban a voté en faveur du régime syrien concernant des mesures de blocage économique du pays. Puis il a décidé de s’abstenir sur les décisions concernant la Syrie. Parallèlement, il continue d’accueillir l’ambassadeur de Syrie à Beyrouth.
La contradiction est la même sur le dossier des réfugiés. Le gouvernement a d’abord tenté de l’ignorer. Mais les réfugiés ayant continué d’affluer, l’État se retrouve obligé de gérer une situation qui aurait dû être régulée dès le départ.
Quelles divisions politiques le dossier des réfugiés suscite-t-il ?
Les divisions sur le dossier des réfugiés ne sont pas forcément entre 8 Mars et 14 Mars, gouvernement et opposition. Les prises de position de certains ministres du gouvernement sont très critiques envers ce plan. Mais le 14 Mars n’est pas épargné non plus, même si les divisions n’apparaissent pas de la même façon, les membres de la coalition se retrouvant autour de son opposition au régime de Damas.
Le Hezbollah, allié de Damas, appelle tout de même à une solution humanitaire, comment l’expliquer ?
Depuis le début de la révolution syrienne, le Hezbollah est très mal à l’aise. Il est pris entre ses alliances politiques et une question éthique qui est de recevoir les réfugiés en réponse à l’accueil réservé par des Syriens aux Libanais lors de la guerre de 2006. Une grande partie des réfugiés libanais venaient alors du sud du pays et de la Békaa, deux régions à majorité chiite et favorables au Hezbollah. C’est donc une question de réciprocité.
Parallèlement, le Hezbollah soupçonne une majorité des réfugiés d’être antirégime. Il tente donc de les placer sous contrôle sécuritaire. Enfin, il essaie de ménager une opinion arabe déjà réservée face à son positionnement pro-Assad.
Le courant aouniste évoque lui le précédent palestinien pour appeler à une fermeture des frontières. Que pensez-vous de cet argument ?
Ce positionnement joue sur les craintes d’une partie des chrétiens qui se double d’une problématique sociale. Ceux qui tiennent ce discours ont compris qu’il pouvait mobiliser lors d’un vote, notamment lors des prochaines élections législatives.
Ce plan va-t-il aboutir ?
Le gouvernement a d’autres priorités comme l’adoption d’une loi électorale pour les prochaines législatives. L’annonce de ce plan est un signe de bonne volonté, mais son exécution risque de prendre d’autant plus de temps que personne ne fera pression pour son application.
Le gouvernement est pris entre deux feux. D’un côté, il doit respecter le droit international et la Constitution libanaise qui exige que les réfugiés soient traités de manière humaine avec l’aide d’associations humanitaires si besoin. De l’autre, il a peur d’être entraîné dans le conflit syrien en accueillant tous ces réfugiés.
Dans un premier temps, on a donc noté une hésitation quant à l’attitude à tenir face à la contestation du régime de Bachar el-Assad. Lors des sommets de la Ligue arabe fin 2011 et début 2012, le Liban a voté en faveur du régime syrien concernant des mesures de blocage économique du pays. Puis il a décidé de s’abstenir sur les décisions concernant la Syrie. Parallèlement, il continue d’accueillir l’ambassadeur de Syrie à Beyrouth.
La contradiction est la même sur le dossier des réfugiés. Le gouvernement a d’abord tenté de l’ignorer. Mais les réfugiés ayant continué d’affluer, l’État se retrouve obligé de gérer une situation qui aurait dû être régulée dès le départ.
Quelles divisions politiques le dossier des réfugiés suscite-t-il ?
Les divisions sur le dossier des réfugiés ne sont pas forcément entre 8 Mars et 14 Mars, gouvernement et opposition. Les prises de position de certains ministres du gouvernement sont très critiques envers ce plan. Mais le 14 Mars n’est pas épargné non plus, même si les divisions n’apparaissent pas de la même façon, les membres de la coalition se retrouvant autour de son opposition au régime de Damas.
Le Hezbollah, allié de Damas, appelle tout de même à une solution humanitaire, comment l’expliquer ?
Depuis le début de la révolution syrienne, le Hezbollah est très mal à l’aise. Il est pris entre ses alliances politiques et une question éthique qui est de recevoir les réfugiés en réponse à l’accueil réservé par des Syriens aux Libanais lors de la guerre de 2006. Une grande partie des réfugiés libanais venaient alors du sud du pays et de la Békaa, deux régions à majorité chiite et favorables au Hezbollah. C’est donc une question de réciprocité.
Parallèlement, le Hezbollah soupçonne une majorité des réfugiés d’être antirégime. Il tente donc de les placer sous contrôle sécuritaire. Enfin, il essaie de ménager une opinion arabe déjà réservée face à son positionnement pro-Assad.
Le courant aouniste évoque lui le précédent palestinien pour appeler à une fermeture des frontières. Que pensez-vous de cet argument ?
Ce positionnement joue sur les craintes d’une partie des chrétiens qui se double d’une problématique sociale. Ceux qui tiennent ce discours ont compris qu’il pouvait mobiliser lors d’un vote, notamment lors des prochaines élections législatives.
Ce plan va-t-il aboutir ?
Le gouvernement a d’autres priorités comme l’adoption d’une loi électorale pour les prochaines législatives. L’annonce de ce plan est un signe de bonne volonté, mais son exécution risque de prendre d’autant plus de temps que personne ne fera pression pour son application.