Un article du Dossier
Éducation : profs au bord de la crise de nerfs
« La valeur n’attend (sans doute) point le nombre des années » mais, n’en déplaise à Corneille, à voir Maroun Dib battre inlassablement le pavé depuis des semaines pour “la cause”, certains jeunes collègues trouveraient peut-être de quoi prendre de la graine. Pas seulement sur l’art et la manière de faire grève, loin s’en faut. Car cet enseignant quinquagénaire, dans le Akkar, est en quelque sorte un parangon de la “vieille école”. Celle des professeurs formés à l’école normale, depuis supprimée. Celle d’avant-guerre. Celle pour qui instruction se conjugue nécessairement avec vocation.
La vocation, ce fils de paysan l’a d’abord embrassée pour suivre un idéal, incarné alors par un professeur de français dont la prestance comme la science ont profondément marqué le jeune élève qu’il était. C’est à son contact que Maroun Dib attrape le virus de la transmission des savoirs, une quête qu’il poursuit sans cesse depuis 37 ans avec un enthousiasme manifeste. Un enthousiasme qui détonne quelque peu avec le regard sévère, au propre comme au figuré, qu’il porte sur l’évolution de l’école et ceux qu’il considère comme responsables de son déclin. L’État d’abord, mis au piquet pour le manque de moyens alloués à certaines écoles publiques : « Chez nous il n’y a ni Internet ni centre de documentation et d’information, et la bibliothèque la plus proche est à vingt kilomètres, pour préparer les cours je ne peux compter que sur ma bibliothèque personnelle », déplore-t-il. Le ministère de l’Éducation, coupable aussi et surtout de laisser ses professeurs livrés à eux-mêmes, sans véritable contrôle de la qualité de leur travail. Bonnet d’âne également pour des parents presque tous absents, même lorsque leurs enfants agissent en véritables garnements : « Mais avec les élèves, c’est plus facile : il suffit souvent de les prendre à part et de s’intéresser à leurs problèmes pour les remettre dans le droit chemin. » Puis, le discours se détourne sur la relève, ou ceux qui sont censés l’assurer : « Non seulement ils n’ont pas tous le niveau qui devrait être requis, mais à en observer certains, il y en a qui passent tout de même beaucoup de temps les bras croisés… », peste-t-il, avant de conclure d’un soupir lapidaire : « Le vrai problème, c’est que désormais on est fonctionnaire avant d’être professeur… »
Mais pas question de manquer une seule manifestation auprès de ceux qu’il souhaiterait plus exigeants. Bien qu’avec 1 700 dollars mensuels ‒ complétés par les 1 200 de son épouse professeure de mathématiques ‒ et trois enfants ayant suffisamment réussi leur vie professionnelle pour ne plus être à charge, il ne s’estime pas trop mal loti et dit manifester par solidarité pour ses jeunes collègues aux traitements modestes et familles nombreuses. Quitte à délaisser temporairement des élèves qu’il confesse considérer comme ses enfants et qu’il a hâte de retrouver à sa manière, c’est-à-dire « chaque matin comme si c’était la première fois ».
La vocation, ce fils de paysan l’a d’abord embrassée pour suivre un idéal, incarné alors par un professeur de français dont la prestance comme la science ont profondément marqué le jeune élève qu’il était. C’est à son contact que Maroun Dib attrape le virus de la transmission des savoirs, une quête qu’il poursuit sans cesse depuis 37 ans avec un enthousiasme manifeste. Un enthousiasme qui détonne quelque peu avec le regard sévère, au propre comme au figuré, qu’il porte sur l’évolution de l’école et ceux qu’il considère comme responsables de son déclin. L’État d’abord, mis au piquet pour le manque de moyens alloués à certaines écoles publiques : « Chez nous il n’y a ni Internet ni centre de documentation et d’information, et la bibliothèque la plus proche est à vingt kilomètres, pour préparer les cours je ne peux compter que sur ma bibliothèque personnelle », déplore-t-il. Le ministère de l’Éducation, coupable aussi et surtout de laisser ses professeurs livrés à eux-mêmes, sans véritable contrôle de la qualité de leur travail. Bonnet d’âne également pour des parents presque tous absents, même lorsque leurs enfants agissent en véritables garnements : « Mais avec les élèves, c’est plus facile : il suffit souvent de les prendre à part et de s’intéresser à leurs problèmes pour les remettre dans le droit chemin. » Puis, le discours se détourne sur la relève, ou ceux qui sont censés l’assurer : « Non seulement ils n’ont pas tous le niveau qui devrait être requis, mais à en observer certains, il y en a qui passent tout de même beaucoup de temps les bras croisés… », peste-t-il, avant de conclure d’un soupir lapidaire : « Le vrai problème, c’est que désormais on est fonctionnaire avant d’être professeur… »
Mais pas question de manquer une seule manifestation auprès de ceux qu’il souhaiterait plus exigeants. Bien qu’avec 1 700 dollars mensuels ‒ complétés par les 1 200 de son épouse professeure de mathématiques ‒ et trois enfants ayant suffisamment réussi leur vie professionnelle pour ne plus être à charge, il ne s’estime pas trop mal loti et dit manifester par solidarité pour ses jeunes collègues aux traitements modestes et familles nombreuses. Quitte à délaisser temporairement des élèves qu’il confesse considérer comme ses enfants et qu’il a hâte de retrouver à sa manière, c’est-à-dire « chaque matin comme si c’était la première fois ».