Zahlé : à la recherche d'un nouveau souffle
Soixante-trois kilomètres pour relier Beyrouth à la frontière syrienne en moins de 40 minutes : l’autoroute panarabe doit remplacer à terme “l’autoroute” de Damas. La date de la fin des travaux n’est pas connue, mais le principal tronçon, qui traverse la Békaa, devrait être terminé fin 2015.
On l’appelle l’autoroute panarabe car, au moment du lancement de ce projet, dans les années 1960, elle devait relier le Liban à la Syrie, puis à l’Irak afin de rattraper l’axe routier Amman-Bagdad dans la région de Rutba. « C’est le premier grand chantier routier planifié du Liban, mais sa mise en œuvre a pris – et prend encore – beaucoup de temps », explique l’ingénieur Élias Hélou, du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), le maître d’œuvre. Le but de ce mégaprojet ? Désenclaver la région du Levant en l’adossant à un réseau routier rapide et moderne, qui facilite en particulier le transit des marchandises entre les différents États du Moyen-Orient. Côté libanais, la nouvelle autoroute doit courir sur 63 km entre Hadath (l’autoroute démarre à proximité de l’Université libanaise) et le poste frontière de Masnaa. « Il ne s’agit pas de la rénovation de l’actuelle route de Damas, mais bien de la mise en œuvre d’un axe totalement nouveau, même si celui-ci partage avec l’ancienne route quelques intersections et quelques échangeurs. » Une seule partie est pour l’heure achevée côté libanais : un axe de 5 km reliant Sofar à Mdeirej.
Pour le conducteur, l’avantage est évident : le temps gagné. La nouvelle M30 – son surnom parmi les experts – doit assurer un trajet entre Beyrouth et la frontière syrienne en 40 minutes contre deux à trois heures aujourd’hui sur la vétuste route de Damas. Zahlé devrait se trouver à moins d’une demi-heure de Beyrouth (et de Damas) contre une heure à une heure trente en moyenne actuellement. « La nouvelle autoroute permet d’ouvrir le pays tout entier à l’ensemble du Levant et du Golfe », se félicite Élias Hélou.
Zahlé a, en particulier, un besoin vital de faire revenir vers elle un trafic qui, depuis la guerre de 1975, la contourne au profit de Chtaura. Selon la municipalité, 30 % seulement des voitures, qui empruntent l’actuelle route de Damas en direction de la Syrie, transitent par Zahlé, contre 70 % avant la guerre de 1975. « En raccourcissant le trajet, l’autoroute panarabe peut redonner un coup de fouet à l’intérêt des investisseurs pour une région dont les prix des terrains reste encore très raisonnable si on les compare à ceux de Beyrouth », fait valoir le président de la municipalité de Zahlé.
350 millions de dollars en tout
Pour l’heure, le seul tronçon (5 km sur les 63 km prévus) à avoir été achevé relie Sofar au pont de Mdeirej. Terminée en 2002 (le pont et une partie de la route ont toutefois dû être de nouveau reconstruits après la guerre de 2006), cette première partie a coûté 44 millions de dollars au gouvernement libanais.
Un deuxième tronçon de 25 km est aujourd’hui en chantier. Démarrés en 2007, les travaux se déroulent sur l’axe reliant Namliyé (lieu-dit juste après le col de Dahr el-Baïdar) à Masnaa. Les travaux devraient être achevés d’ici à fin 2015-début 2016, selon le calendrier du CDR. Estimé à environ 240 millions de dollars, son coût est financé par le gouvernement libanais, la Banque européenne d’investissement et des fonds saoudiens via notamment un prêt de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et un don du royaume saoudien. « Il s’agit d’une autoroute à trois voies sur une portion non négligeable de son parcours, avec des bandes d’arrêt d’urgence et des routes de service », précise l’ingénieur. Plusieurs ponts et viaducs seront construits, dont un à Jdita, qui, achevé, sera le plus important du pays.
L’exécution d’un tronçon de 5 km entre Mdeirej et Namliyé attend encore des financements pour démarrer. Son coût est cependant chiffré à 35 millions de dollars. Pour que les 63 km de l’autoroute panarabe soient définitivement achevés, une dernière portion de 28 km entre Hadath et Mdeirej doit encore trouver un financement. « Nous ignorons le calendrier d’exécution pour ces deux derniers tronçons. »
Point-clé : Masnaa
À défaut de pouvoir finir les travaux de la future autoroute, le CDR se concentre désormais sur la rénovation du poste frontière de Masnaa. « L’objectif est d’améliorer le passage des marchandises entre les deux pays et de créer un nouveau poste frontière pour le transit des passagers », explique Élias Hélou. Pour l’heure, seule la première phase est en cours : il s’agit de l’agrandissement des parkings de stationnement pour les poids lourds affectés au transport de marchandises. En tout, Masnaa devrait pouvoir accueillir 200 à 250 camions sur ses nouvelles aires de stationnement contre une centaine actuellement. Coût de l’opération ? Quelque 23 millions de dollars, financés par le gouvernement libanais.
Modernisation du réseau routier de la Békaa Le CDR mène toujours les chantiers de modernisation du réseau. L’objectif étant de relier la future autoroute aux routes secondaires qui irriguent la Békaa. Parmi les différents chantiers : l’axe routier reliant les villes de Taadod-Rayak-Baalbeck (23 km) a été achevé en 2012 pour un montant de 76 millions de dollars. Le CDR est en phase de recherche de financement (coût estimé : 20 millions de dollars) pour la mise aux normes de la voie express (deux voies dans chaque direction séparées par un mur) reliant Chtaura à Taadod et Rayak. Enfin, le CDR envisage de construire une bretelle de jonction entre Chtaura, Ksara et Taalabaya pour fluidifier le trafic en direction de Zahlé. L’étude est prête, les décrets d’expropriation signés, mais faute de financement, les travaux sont renvoyés sine die. |
La forêt de Baabda en danger ? C’est un peu le poumon de Beyrouth : la forêt de Baabda s’étend sur 100 000 m2 sur une propriété des frères antonins. En moyenne, elle reçoit 20 000 visiteurs par an. « Cette forêt a la plus importante biodiversité de la région avec 42,5 plantes par hectare. Par comparaison, on relève 0,03 plante à l’hectare dans la Réserve du Chouf ; 1,7 à Ammiq », explique Paul Abirached, président de l’association Terre Liban qui lutte pour sa protection. « On a répertorié 171 espèces d’oiseaux qui font halte à Baabda pendant leur migration. » Aujourd’hui, cet espace est menacé : les terrains devront être expropriés pour laisser la place à l’autoroute panarabe, lorsque l’État entamera le dernier tronçon. « Nous n’avons pas de date, mais il n’y a pas de remise en cause du projet. Cela n’a pas de sens : la nouvelle autoroute a été dessinée il y a 40 ans, à une époque où ne se posait pas le problème de l’urbanisation sauvage ou du réchauffement climatique… Il faut revoir sa trajectoire. » Pour Paul Abirached, une alternative existe : la modernisation de l’actuelle route de Damas. |