Un article du Dossier
Placements : 2013, année erratique pour l’économie mondiale
La crise financière et l’abaissement des taux d’intérêt à des niveaux historiquement faibles pour y faire face ont profondément bouleversé le paysage du marché de la dette. Si la crise des dettes souveraines a induit des stratégies plus sélectives et des exigences de primes de risques plus élevées de la part des investisseurs, les obligations avaient globalement suscité une appétence de nature à panser les plaies boursières. D’autant que les marchés obligataires ont été ultérieurement dopés par les politiques d’assouplissement quantitatifs successifs de la Réserve fédérale américaine. L’année 2012 s’est révélée exceptionnelle pour les obligations, tant du point de vue du volume d’émission (668 milliards de dollars, un record, sur l’ensemble de l’année) que des performances. 2013 sera-t-elle du même ordre ? La plupart des analystes penchent pour la négative : « Il faut davantage compter sur la perception du coupon que sur un gain en capital qui devient moins probable au vu du faible niveau actuel des taux. Ce dernier point invite également à conserver une faible duration dans les portefeuilles », suggère Christina Azouri, conseillère en placements au Crédit Agricole Suisse Liban.
Le marché privilégie les obligations privées
Du côté des obligations étatiques, les politiques monétaires accommodantes contribuent à maintenir des taux extrêmement bas : fin mai, les bons du Trésor américains, les Bunds allemands ou les Gilts britanniques se traitaient ainsi à des bas historiques (moins de 2 %) pour les emprunts à 10 ans. Dans une note publiée début avril, Merrill Lynch relevait que près de la moitié du marché des emprunts étatiques s’échanget à des taux inférieurs à 1 %. « Pour autant, il est sans doute prématuré de sortir des obligations publiques des pays à forte croissance : d’une part, la correction semble exagérée et, d’autre part, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Par exemple, la région Mena a été globalement épargnée… », nuance Christina Azouri.
L’afflux massif de liquidités impacte aussi fortement les obligations des entreprises en favorisant une réallocation au sein de cette classe d’actifs. Celles de la catégorie “Investment Grade” – regroupant les obligations notées BBB ou plus – ont baissé à un niveau proche de celui des titres étatiques et s’avèrent plus sensibles à une éventuelle remontée des taux. Elles connaissent donc également un mouvement de désengagement. « Pour notre part, nous conservons une préférence pour ce type d’actifs en restant sur une duration à court-moyen terme », indique Peter Yeates, directeur général de HSBC Liban. Ayant globalement une moindre aversion au risque, la plupart des investisseurs tendent à ignorer les fondamentaux en privilégiant désormais les obligations à haut rendement (“high yield”), seule catégorie obligataire affichant encore un rendement sur 12 mois supérieur à 5 %. Cette nouvelle demande a permis à l’année 2012 d’atteindre le record de 300 milliards de dollars de nouvelles émissions sur ce segment et le premier trimestre 2013 confirme la tendance.
Avis de tempête sur le segment à haut rendement
Cet engouement pour des obligations à la qualité de signature bien moindre dans une conjoncture où les bilans des entreprises s’améliorent mais les perspectives de croissance demeurent faibles ne manque pas d’intriguer les analystes. Car historiquement, les obligations à haut rendement ont été un des segments les plus risqués de la catégorie : en 2008, par exemple, elles ont affiché une perte maximale en dollars de plus de 32 %. Les conditions actuelles présagent-elles la formation d’une bulle pouvant à terme mener à un krach obligataire ?
Dans une note publiée début mai, l’agence de notation Moody’s récuse pour l’instant cette hypothèse en analysant cette diminution de l’aversion au risque de la part des investisseurs comme le signe d’un regain de confiance des marchés. D’autres observateurs sont plus circonspects. En cause, l’allègement sensible des “covenants” – des clauses pouvant porter sur divers aspects du contrat de dette et visant à protéger les créditeurs – observé depuis la fin 2012 aux États-Unis et dans une moindre mesure en Europe. « Les liquidités sont si abondantes que les acheteurs en viennent à accepter que la rémunération offerte soit de moins en moins suffisante pour compenser le risque encouru. C’est un jeu dangereux : personne ne sait quand éclatera la bulle qui commence à se former, mais lorsque la Fed remontera ses taux, les dégâts risquent d’être importants », prévient Albert Letayf, PDG d’Optimum Invest. D’où la stratégie de communication intensive de Ben Bernanke sur la progressivité d’une éventuelle sortie de sa politique monétaire accommodante, avec en arrière-plan le souvenir douloureux du krach de 1994 où une augmentation surprise d’un quart de point du taux directeur s’était traduite aussitôt par une chute du marché obligataire de 20 %…
Le marché privilégie les obligations privées
Du côté des obligations étatiques, les politiques monétaires accommodantes contribuent à maintenir des taux extrêmement bas : fin mai, les bons du Trésor américains, les Bunds allemands ou les Gilts britanniques se traitaient ainsi à des bas historiques (moins de 2 %) pour les emprunts à 10 ans. Dans une note publiée début avril, Merrill Lynch relevait que près de la moitié du marché des emprunts étatiques s’échanget à des taux inférieurs à 1 %. « Pour autant, il est sans doute prématuré de sortir des obligations publiques des pays à forte croissance : d’une part, la correction semble exagérée et, d’autre part, tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Par exemple, la région Mena a été globalement épargnée… », nuance Christina Azouri.
L’afflux massif de liquidités impacte aussi fortement les obligations des entreprises en favorisant une réallocation au sein de cette classe d’actifs. Celles de la catégorie “Investment Grade” – regroupant les obligations notées BBB ou plus – ont baissé à un niveau proche de celui des titres étatiques et s’avèrent plus sensibles à une éventuelle remontée des taux. Elles connaissent donc également un mouvement de désengagement. « Pour notre part, nous conservons une préférence pour ce type d’actifs en restant sur une duration à court-moyen terme », indique Peter Yeates, directeur général de HSBC Liban. Ayant globalement une moindre aversion au risque, la plupart des investisseurs tendent à ignorer les fondamentaux en privilégiant désormais les obligations à haut rendement (“high yield”), seule catégorie obligataire affichant encore un rendement sur 12 mois supérieur à 5 %. Cette nouvelle demande a permis à l’année 2012 d’atteindre le record de 300 milliards de dollars de nouvelles émissions sur ce segment et le premier trimestre 2013 confirme la tendance.
Avis de tempête sur le segment à haut rendement
Cet engouement pour des obligations à la qualité de signature bien moindre dans une conjoncture où les bilans des entreprises s’améliorent mais les perspectives de croissance demeurent faibles ne manque pas d’intriguer les analystes. Car historiquement, les obligations à haut rendement ont été un des segments les plus risqués de la catégorie : en 2008, par exemple, elles ont affiché une perte maximale en dollars de plus de 32 %. Les conditions actuelles présagent-elles la formation d’une bulle pouvant à terme mener à un krach obligataire ?
Dans une note publiée début mai, l’agence de notation Moody’s récuse pour l’instant cette hypothèse en analysant cette diminution de l’aversion au risque de la part des investisseurs comme le signe d’un regain de confiance des marchés. D’autres observateurs sont plus circonspects. En cause, l’allègement sensible des “covenants” – des clauses pouvant porter sur divers aspects du contrat de dette et visant à protéger les créditeurs – observé depuis la fin 2012 aux États-Unis et dans une moindre mesure en Europe. « Les liquidités sont si abondantes que les acheteurs en viennent à accepter que la rémunération offerte soit de moins en moins suffisante pour compenser le risque encouru. C’est un jeu dangereux : personne ne sait quand éclatera la bulle qui commence à se former, mais lorsque la Fed remontera ses taux, les dégâts risquent d’être importants », prévient Albert Letayf, PDG d’Optimum Invest. D’où la stratégie de communication intensive de Ben Bernanke sur la progressivité d’une éventuelle sortie de sa politique monétaire accommodante, avec en arrière-plan le souvenir douloureux du krach de 1994 où une augmentation surprise d’un quart de point du taux directeur s’était traduite aussitôt par une chute du marché obligataire de 20 %…