Un article du Dossier
Placements : 2013, année erratique pour l’économie mondiale
Les actions sont indiscutablement l’un des actifs en vogue du premier semestre : « L’adage bien connu des marchés : “Vendre ses actions en mai et partir” n’était pas la règle à suivre cette année », résume Georges Khoury, qui dirige le département Marchés et gestion de fortune de la Banque libano-française (BLF). De fait, pour la première année depuis quatre ans, les flux d’investissement ont même été plus importants sur les marchés de capitaux que sur les obligations.
Des actifs dopés par les liquidités
Principaux bénéficiaires de ces flux, les États-Unis et le Japon : sur les cinq premiers mois de l’année, le Dow Jones a grimpé de 16,5 % à 15 254, tandis que le Nikkei s’est apprécié de 32,5 % à 13 775. En Europe, la tendance est la même, à des rythmes cependant plus faibles : +6,48 % pour l’Eurostoxx 50 sur la même période. Tandis que les marchés émergents ont globalement sous-performé (-4,4 % pour le MSCI EM) avec toutefois des performances nationales très hétéroclites. La surperformance concerne même des pays considérés jusqu’à il y a peu comme des canards boiteux tels que le Portugal (+30 % sur un an pour les fonds actions) et, encore plus surprenant, la Grèce (+70 %) ! « Depuis la fin de l’année dernière, les marchés d’actions sont surachetés, il vaut mieux être sélectifs : je m’orienterais plutôt vers ceux du Sud-Est asiatique », conseille Albert Letayf, PDG d’Optimum Invest.
Les politiques monétaires très accommodantes des banques centrales figurent une fois encore en tête d’explication de cet engouement quasi généralisé : « Ces injections massives de liquidités étaient nécessaires pour sauver le secteur bancaire, mais elles sont devenues quasiment institutionnalisées au point de rendre les marchés accrocs », résume Nassib Ghobril, économiste en chef à la Byblos Bank. En outre, « l’assouplissement quantitatif favorise la rotation au profit des actions du fait de la baisse de rendements qu’elles génèrent sur les obligations », explique Patrick George, directeur de l’investissement et de l’allocation d’actifs à FFA Private Bank. Autre argument favorable pour les actions, leur valorisation relativement faible, due au fait qu’elles ont été délaissées jusqu’à la mi-2012, en particulier en Europe. Quant aux États-Unis, où les valorisations sont plus élevées, la croissance des bénéfices a été telle – 150 % sur dix ans – qu’elles demeurent attractives. Les phénomènes autoréférentiels et comportements moutonniers des acteurs constituent une autre raison majeure du redécollage.
Déconnexion avec les fondamentaux économiques
Cet engouement général ne manque pas d’intriguer alors que les économies réelles des pays avancés connaissent, au mieux, de faibles signes de reprise et demeurent en tout cas dans une situation bien plus préoccupante que celle qui prévalait juste avant la crise de 2007. « Rien dans les fondamentaux de l’économie réelle ne justifie cet optimisme : les marchés boursiers obéissent clairement à des logiques qui leur sont propres », confirme Paul Douaihy, de l’Université Balamand. Reste que cette envolée devrait accentuer une volatilité demeurée officiellement jusque-là faible : fin mai, les indicateurs dits « de la peur » sur les marchés américains et européens (VIX et Vstoxx) restaient en dessous des 20 %.
Alors que la communication des banques centrales visait à renforcer la visibilité des investisseurs et à hisser leurs anticipations, les marchés restent confrontés à deux types d’incertitudes majeures : l’évolution de la conjoncture, en particulier en ce qui concerne les locomotives que sont les économies en transition, et un éventuel retournement de la politique monétaire. Exemple avec la journée du 23 mai qui, sans être un jeudi noir, a néanmoins enregistré une soudaine et brusque correction. Il a suffi de deux facteurs – la publication d’un indice PMI décevant pour le secteur manufacturier chinois et la publicité de dissension au sein de la Fed sur la poursuite de l’assouplissement quantitatif – pour faire plonger le Nikkei de 7,32 % avec un volume d’échange record de 7,65 milliards d’euros. Cette chute a interrompubrutalement une hausse de plus de 80 % en six mois et entraînant dans son sillage une chute de 3 % des indices boursiers européens. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le Nikkei a continué de décrocher, avec un recul cumulé d’environ 20 % les trois semaines suivantes.
Dans de telles conditions de stress faut-il continuer sur un marché qui pourrait vraisemblablement connaître des répliques ? « La tendance haussière devrait se poursuivre du fait surtout de la faiblesse des rendements des placements alternatifs, même si une correction à court terme n’est pas à écarter », prédit Ali Janoudi, CEO Mena à UBS. Il rejoint en cela la plupart des observateurs, les plus pessimistes d’entre eux liant toute perspective de déstabilisation à la hausse des taux obligataires, que ce soit aux États-Unis ou au Japon, ou à l’accroissement sur le moyen terme de la déconnexion avec l’économie réelle. Dans des propos rapportés dans son édition du 6 juin par le quotidien belge L’Écho, l’économiste américain Nouriel Roubini a tenté de livrer un calendrier approximatif du retournement : « Si l’économie n’accélère pas, d’ici à un an, on va constater quelque chose qui ressemble à de la mousse sur les marchés. D’ici à deux ans, on se trouvera dans une vraie bulle. Et d’ici à trois ans, il y aura un krach », avertit l’un de ceux qui avaient prédit dans le scepticisme général l’explosion de la bulle des “subprimes”, deux ans avant sa survenance.
Des actifs dopés par les liquidités
Principaux bénéficiaires de ces flux, les États-Unis et le Japon : sur les cinq premiers mois de l’année, le Dow Jones a grimpé de 16,5 % à 15 254, tandis que le Nikkei s’est apprécié de 32,5 % à 13 775. En Europe, la tendance est la même, à des rythmes cependant plus faibles : +6,48 % pour l’Eurostoxx 50 sur la même période. Tandis que les marchés émergents ont globalement sous-performé (-4,4 % pour le MSCI EM) avec toutefois des performances nationales très hétéroclites. La surperformance concerne même des pays considérés jusqu’à il y a peu comme des canards boiteux tels que le Portugal (+30 % sur un an pour les fonds actions) et, encore plus surprenant, la Grèce (+70 %) ! « Depuis la fin de l’année dernière, les marchés d’actions sont surachetés, il vaut mieux être sélectifs : je m’orienterais plutôt vers ceux du Sud-Est asiatique », conseille Albert Letayf, PDG d’Optimum Invest.
Les politiques monétaires très accommodantes des banques centrales figurent une fois encore en tête d’explication de cet engouement quasi généralisé : « Ces injections massives de liquidités étaient nécessaires pour sauver le secteur bancaire, mais elles sont devenues quasiment institutionnalisées au point de rendre les marchés accrocs », résume Nassib Ghobril, économiste en chef à la Byblos Bank. En outre, « l’assouplissement quantitatif favorise la rotation au profit des actions du fait de la baisse de rendements qu’elles génèrent sur les obligations », explique Patrick George, directeur de l’investissement et de l’allocation d’actifs à FFA Private Bank. Autre argument favorable pour les actions, leur valorisation relativement faible, due au fait qu’elles ont été délaissées jusqu’à la mi-2012, en particulier en Europe. Quant aux États-Unis, où les valorisations sont plus élevées, la croissance des bénéfices a été telle – 150 % sur dix ans – qu’elles demeurent attractives. Les phénomènes autoréférentiels et comportements moutonniers des acteurs constituent une autre raison majeure du redécollage.
Déconnexion avec les fondamentaux économiques
Cet engouement général ne manque pas d’intriguer alors que les économies réelles des pays avancés connaissent, au mieux, de faibles signes de reprise et demeurent en tout cas dans une situation bien plus préoccupante que celle qui prévalait juste avant la crise de 2007. « Rien dans les fondamentaux de l’économie réelle ne justifie cet optimisme : les marchés boursiers obéissent clairement à des logiques qui leur sont propres », confirme Paul Douaihy, de l’Université Balamand. Reste que cette envolée devrait accentuer une volatilité demeurée officiellement jusque-là faible : fin mai, les indicateurs dits « de la peur » sur les marchés américains et européens (VIX et Vstoxx) restaient en dessous des 20 %.
Alors que la communication des banques centrales visait à renforcer la visibilité des investisseurs et à hisser leurs anticipations, les marchés restent confrontés à deux types d’incertitudes majeures : l’évolution de la conjoncture, en particulier en ce qui concerne les locomotives que sont les économies en transition, et un éventuel retournement de la politique monétaire. Exemple avec la journée du 23 mai qui, sans être un jeudi noir, a néanmoins enregistré une soudaine et brusque correction. Il a suffi de deux facteurs – la publication d’un indice PMI décevant pour le secteur manufacturier chinois et la publicité de dissension au sein de la Fed sur la poursuite de l’assouplissement quantitatif – pour faire plonger le Nikkei de 7,32 % avec un volume d’échange record de 7,65 milliards d’euros. Cette chute a interrompubrutalement une hausse de plus de 80 % en six mois et entraînant dans son sillage une chute de 3 % des indices boursiers européens. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le Nikkei a continué de décrocher, avec un recul cumulé d’environ 20 % les trois semaines suivantes.
Dans de telles conditions de stress faut-il continuer sur un marché qui pourrait vraisemblablement connaître des répliques ? « La tendance haussière devrait se poursuivre du fait surtout de la faiblesse des rendements des placements alternatifs, même si une correction à court terme n’est pas à écarter », prédit Ali Janoudi, CEO Mena à UBS. Il rejoint en cela la plupart des observateurs, les plus pessimistes d’entre eux liant toute perspective de déstabilisation à la hausse des taux obligataires, que ce soit aux États-Unis ou au Japon, ou à l’accroissement sur le moyen terme de la déconnexion avec l’économie réelle. Dans des propos rapportés dans son édition du 6 juin par le quotidien belge L’Écho, l’économiste américain Nouriel Roubini a tenté de livrer un calendrier approximatif du retournement : « Si l’économie n’accélère pas, d’ici à un an, on va constater quelque chose qui ressemble à de la mousse sur les marchés. D’ici à deux ans, on se trouvera dans une vraie bulle. Et d’ici à trois ans, il y aura un krach », avertit l’un de ceux qui avaient prédit dans le scepticisme général l’explosion de la bulle des “subprimes”, deux ans avant sa survenance.