Le CV d’un capitaine d’industrie, la faconde d’un Umberto Eco et l’esprit visionnaire d’un Steve Jobs : c’est fort de cette curieuse panoplie que Rafi Haladjian a compensé ses lacunes originelles en informatique et management pour s’imposer comme l’un des pionniers du numérique français. Depuis une trentaine d’années, ce Franco-Libanais s’entête à vouloir « changer le monde » à coup d’innovations nées d’un modus operandi immuable : s’adapter sans cesse à la nature « instable et transitoire du présent » pour devancer des concurrents qui s’évertueraient, eux, à « tenter d’imaginer demain à partir d’une projection d’aujourd’hui ».
Un leitmotiv forgé au long d’une enfance passée à Aïn el-Remmané qu’il quitte en 1978, puis pendant ses études de sémiologie à Paris. C’est en suivant un cours de télématique dans le cadre de ce cursus qu’il décide de se lancer dans le Minitel, au début des années 1980. Après y avoir engrangé des marges faramineuses (« elles pouvaient atteindre 5 000 % ! »), il est l’un des premiers à surfer sur la vague encore balbutiante de l’Internet en créant la société France Net en 1994. « Ce qui m’intéresse, c’est de développer des “boîtes suicidaires” dans des secteurs risqués et a priori pas rentables. » Il s’en désintéresse, dès que le pari est réussi et qu’elles deviennent matures, explique cet innovateur au parcours cahoteux, mais cohérent. Huit ans plus tard, c’est donc une affaire florissante de 300 salariés, comptant 30 % du CAC 40 parmi sa clientèle, qu’il cède à British Telecom, pour un montant non communiqué. Suffisamment, en tout cas, pour autofinancer sa nouvelle vision. « Après la révolution Web des années 1990 et celle de l’Internet mobile les années 2000, la troisième révolution sera celle de l’Internet des objets », prophétise-t-il. Une révolution qu’il s’est empressé d’embrasser en 2005, en sortant Nabaztag, un lapin pas vraiment crétin, puisque capable de lire à voix hautes infos et courriels. Le succès initial est fulgurant. « On pensait vendre les 5 000 premiers exemplaires en six mois, cela a pris dix jours... », raconte-t-il. Las, la crise financière de 2008 essore ses clients qui annulent en chaîne leurs commandes, le contraignant à mettre la clé sous la porte. « C’est le seul échec financier sur les 17 boîtes que j’ai créées, mais cela reste mon invention la plus célèbre », s’amuse-t-il.
Pas découragé, il peaufine depuis quatre ans son héritier, qu’il s’apprête à lancer sur le marché en juin. Baptisé Mother, son nouveau bébé se présente comme une sorte de matriochka intelligente censée faciliter la vie de ses possesseurs en enregistrant toutes leurs habitudes à travers des capteurs de mouvements et de température. « Ces “motions-cookies” peuvent se glisser n’importe où et servir par exemple, en fonction des applications téléchargées, de dispositif de surveillance ou de podomètre », résume-t-il. Un énième avatar de “Big Brother” ? Pas vraiment, à en croire son géniteur : cette “Little Mother” n’espionne que ce qu’on lui demande et les données peuvent être contrôlées et effacées à tout moment. « C’est le modèle du presse-purée : vous achetez l’objet, ce qu’il produit vous appartient », plaide-t-il, sans doute persuadé d’être là encore dans « le sens de l’histoire ».
Un leitmotiv forgé au long d’une enfance passée à Aïn el-Remmané qu’il quitte en 1978, puis pendant ses études de sémiologie à Paris. C’est en suivant un cours de télématique dans le cadre de ce cursus qu’il décide de se lancer dans le Minitel, au début des années 1980. Après y avoir engrangé des marges faramineuses (« elles pouvaient atteindre 5 000 % ! »), il est l’un des premiers à surfer sur la vague encore balbutiante de l’Internet en créant la société France Net en 1994. « Ce qui m’intéresse, c’est de développer des “boîtes suicidaires” dans des secteurs risqués et a priori pas rentables. » Il s’en désintéresse, dès que le pari est réussi et qu’elles deviennent matures, explique cet innovateur au parcours cahoteux, mais cohérent. Huit ans plus tard, c’est donc une affaire florissante de 300 salariés, comptant 30 % du CAC 40 parmi sa clientèle, qu’il cède à British Telecom, pour un montant non communiqué. Suffisamment, en tout cas, pour autofinancer sa nouvelle vision. « Après la révolution Web des années 1990 et celle de l’Internet mobile les années 2000, la troisième révolution sera celle de l’Internet des objets », prophétise-t-il. Une révolution qu’il s’est empressé d’embrasser en 2005, en sortant Nabaztag, un lapin pas vraiment crétin, puisque capable de lire à voix hautes infos et courriels. Le succès initial est fulgurant. « On pensait vendre les 5 000 premiers exemplaires en six mois, cela a pris dix jours... », raconte-t-il. Las, la crise financière de 2008 essore ses clients qui annulent en chaîne leurs commandes, le contraignant à mettre la clé sous la porte. « C’est le seul échec financier sur les 17 boîtes que j’ai créées, mais cela reste mon invention la plus célèbre », s’amuse-t-il.
Pas découragé, il peaufine depuis quatre ans son héritier, qu’il s’apprête à lancer sur le marché en juin. Baptisé Mother, son nouveau bébé se présente comme une sorte de matriochka intelligente censée faciliter la vie de ses possesseurs en enregistrant toutes leurs habitudes à travers des capteurs de mouvements et de température. « Ces “motions-cookies” peuvent se glisser n’importe où et servir par exemple, en fonction des applications téléchargées, de dispositif de surveillance ou de podomètre », résume-t-il. Un énième avatar de “Big Brother” ? Pas vraiment, à en croire son géniteur : cette “Little Mother” n’espionne que ce qu’on lui demande et les données peuvent être contrôlées et effacées à tout moment. « C’est le modèle du presse-purée : vous achetez l’objet, ce qu’il produit vous appartient », plaide-t-il, sans doute persuadé d’être là encore dans « le sens de l’histoire ».