Il est né avec le Wi-Fi et rêve d’hyperconnexion ; avec Windows et aspire à faciliter la vie de tout un chacun ; avec l’écran tactile et voit dans les objets un potentiel interactif révolutionnaire à exploiter. Vingt-neuf ans plus tard, Rand Hindi vient d’être élu meilleur innovateur français de l’année par le MIT Technology Review, la revue du célèbre Institut de technologie du Massachusetts. Une ligne supplémentaire sur le CV – qui laisse déjà rêveur – de ce jeune homme, dont le père est d’origine syrienne et la mère libanaise. Le flair de cette dernière n’est d’ailleurs pas pour rien dans son ascension : « Quand j’avais dix ans, ma mère m’a convaincu d’apprendre la programmation informatique. C’était comme si j’apprenais un nouveau langage, comme si j’étais capable de communiquer avec la technologie. » Il n’a plus jamais arrêté. À 14 ans, il monte, avec un ami, Planet Ultra, un réseau social parisien sur lequel sont partagées des photos de soirée. À 21 ans, doté d’une licence en informatique, il attaque un doctorat en bio-informatique à Londres avant d’investir, deux ans plus tard, les 5 000 dollars d’économies qu’il a réunis avec deux acolytes (Alexandre Vallette et Maël Primet) dans leur start-up, :Snips.
Spécialisée dans le Big Data, :Snips propose des solutions analysant les comportements citadins à partir d’algorithmes croisant et interprétant les données fournies par leurs clients mais également celles en libre accès (“open data”) et celles émises en temps réel par les appareils connectés des consommateurs finaux. Le but ? Comprendre comment les individus et les villes interagissent, pour produire des solutions innovantes aux défis urbains. Exemple : Tranquilien, une application créée par :Snips pour la SNCF, permettant de prévoir l’affluence dans les trains et d’adapter son planning en conséquence. Une autre prévoit les risques d’accident en fonction de l’endroit où se trouve un conducteur et du moment de la journée. « L’idée est, à terme, d’intégrer ces données dans des voitures connectées pour que le véhicule détecte automatiquement qu’il entre dans une zone dangereuse, avertisse le conducteur, voire ralentisse lui-même », explique Rand Hindi.
Aujourd’hui, son grand objectif est de rendre les villes intelligentes grâce au recueil de données, l’analyse et la prédiction, via ses fameux algorithmes. « Nos villes sont très rigides et il y existe peu de possibilités d’individualisation. On pourrait imaginer des infrastructures capables de capter, de comprendre ce que les individus veulent et de s’y adapter. » Une approche qui pose toutefois la question de la protection des données privées dans un monde ultraconnecté. « Nous n’utilisons ces données qu’en interne, pour améliorer les modèles, et voulons faire en sorte que l’individu récupère, in fine, le contrôle de ses données », se défend-il. Le prix de la revue du MIT l’aidera assurément à réaliser ses projets d’expansion. « Bénéficiaire dès ses débuts », sa société devrait réaliser sa première levée de fonds d’ici à la fin de l’année pour renforcer son équipe de dix salariés et ouvrir un bureau aux États-Unis. Quid du Liban ? « Une grande partie de ma famille y réside et j’y viens en vacances. Mais côté travail, il faut d’abord se lancer là où les conditions sont réunies pour réussir à court terme. »