Beyrouth, juin 2014, Presella entre dans la brève histoire de la “Lebanon Valley” en devenant le premier bénéficiaire de la circulaire 331 de la Banque du Liban, la banque al-Mawarid lui apportant 200 000 dollars contre 20 % de son capital. Une étape décisive dans l’ascension fulgurante de cette plate-forme de billetterie en ligne créée 18 mois plus tôt par ses quatre fondateurs sans un sou d’apport personnel.
Une ascension qui débute en 2012 lorsque Louay Kadri, Walid Singer, Ali Kobeissi et Karim Muhtar, quatre jeunes Libanais venus d’horizons divers pour se lancer dans l’entrepreneuriat technologique, se rencontrent lors de réunions préparatoires au programme d’accélération de Seeqnce et décident d’y postuler autour d’une idée simple : permettre aux organisateurs d’événements de faire financer directement leurs projets par les utilisateurs et de ne les confirmer qu’une fois atteint un seuil minimal de commandes. « Les pertes financières liées à des ventes insuffisantes sont un casse-tête pour les professionnels : en appliquant les principes du “crowdfunding” à la vente de tickets, nous leur permettons de minimiser leurs risques », explique Louay Kadri. La sélection du projet leur permet de réaliser une première levée de fonds en cédant environ un tiers du capital au programme Seeqnce contre 76 000 dollars. « Nous avions six mois pour prouver que nous pouvions générer beaucoup d’argent à partir de cette somme », raconte Walid Singer. À la fin du programme, le groupe revoit progressivement sa copie pour y adjoindre la possibilité de faire de la billetterie en ligne classique (sans le volet “crowdfunding”), et embaucher ses premiers salariés pour faire face aux départs successifs de Ali Kobeissi et de Karim Muhtar. Entre-temps, il a bâti son succès sur un modèle économique simple et juteux : en sus d’une somme forfaitaire de 0,99 cent, Presella prélève entre 2,5 % (pour la billetterie classique) et 4,5 % (pour le “crowdfunding”) du prix de chaque vente de billet.
La vente de plus d’un demi-million de tickets depuis les débuts de la plate-forme leur permet de se constituer le pactole nécessaire pour financer leurs rapides projets d’expansion tous azimuts et convaincre d’autres investisseurs de se joindre à eux. Ils procédent donc à un deuxième tour de table basé sur une évaluation à un million de dollars en réussissant d’abord à lever, fin 2013, 100 000 dollars auprès d’investisseurs individuels tels que Hala Fadel (présidente du chapitre panarabe du MIT Enterprise Forum), quatre investisseurs anonymes réunis par le réseau Beirut Angels de l’ancien ministre Nicolas Sehnaoui, ainsi qu’un apport personnel de Louay Kadri. Ces liquidités sont désormais complétées par l’investissement de la banque al-Mawarid. Le duo les consacre au développement de la plate-forme au Liban avec la sortie d’une application mobile et le lancement cet été de la version définitive et multilingue (l’arabe et le français s’ajoutant à l’anglais) du site. Au-delà, Presella vise surtout à étendre son activité à l’ensemble du secteur de la billetterie et sur de nouveaux territoires. Un partenariat a été noué avec Malik’s Bookshop pour la distribution “physique” des tickets et Presella assure la gestion des réservations de l’établissement de nuit The Garden. Par ailleurs, « nous allons ouvrir un bureau régional à Dubaï, un autre en France et sommes en train de tester secrètement un troisième gros marché continental », s’enthousiasme Walid Singer. Des perspectives qui leur permettent de miser sur une troisième levée de fonds, décuplant leur évaluation actuelle, dans l’année à venir.