Un article du Dossier
Nouvelle vague de complexes balnéaires
Certains des nouveaux complexes balnéaires en cours de construction sur la côte libanaise ont obtenu ou souhaitent obtenir des décrets du Conseil des ministres leur permettant d’exploiter le domaine public maritime afin d’agrandir leurs projets. Une exploitation fortement dénoncée par la société civile et par de nombreux acteurs, qui considèrent qu’elle contribue à privatiser encore un peu plus le littoral.
L’intention est claire. Une partie des nouveaux complexes balnéaires prévoient d’exploiter le domaine maritime public pour gagner en valeur ajoutée. Les promoteurs immobiliers souhaitent récupérer de l’espace sur la mer pour construire marinas, restaurants ou diverses structures légères, accentuant encore le grignotage de la côte libanaise par des projets privés. Un phénomène entamé depuis les années 1970, qui ne s’est jamais arrêté, même s’il a ralenti ces dernières années, l’activité immobilière s’étant détournée du littoral pendant un temps pour cibler les zones de villégiatures en montagne.
La problématique de l’exploitation illégale du domaine public maritime est l’un des dossiers “compliqués” auxquels aucun gouvernement ne s’est vraiment attaqué depuis la fin de la guerre en raison de l’importance des intérêts financiers en jeu, même si le sujet ne cesse de revenir sur la table.
Que dit exactement la législation à ce sujet ? Théoriquement, le domaine public maritime est une propriété publique : l’arrêté 144/S du 10 juin 1925 adopté sous le mandat français garantit à tous les citoyens le droit d’accéder aux espaces naturels. Le domaine public maritime correspond à tout l’espace bordant la mer, y compris la plage de sable et les galets, et ce jusqu’à la distance et la profondeur atteintes par la plus haute vague en hiver. Mais voilà : le décret 4810 voté le 24 juin 1966 sous le mandat de Charles Hélou a ouvert des brèches. Il rappelle que la jouissance du domaine maritime revient au public, mais qu’une exploitation privée d’une partie du littoral peut être permise dans des cas « exceptionnels ». Il stipule qu’il est possible d’exploiter le domaine maritime public à « des fins industrielles ou touristiques », à condition que le projet présente un « intérêt public » et que l’investissement réalisé n’entrave pas la continuité du littoral dans les cas où il prévoit des zones qui doivent rester accessibles au public. Les conditions pour investir le domaine maritime public sont précisées dans le décret (voir encadré). Toute personne souhaitant l’exploiter doit nécessairement posséder un terrain adjacent et la surface exploitable sur le domaine maritime public ne peut être deux fois supérieure à la propriété privée contiguë.
Exploiter le domaine public maritime : un prix dérisoire
Les règles édictées par le décret 4810 de 1966 semblent a priori strictement encadrer l’exploitation du domaine maritime public, mais en réalité, le texte laisse une marge de manœuvre importante aux promoteurs immobiliers. « Sous couvert de projets dits touristiques, il s’agit en fait de légitimer une utilisation privative et commerciale du domaine public. Le Liban est l’un des seuls pays au monde à entériner ce type de pratiques mafieuses », dénonce Mohammad Fawaz, ancien directeur de la Direction générale de l’urbanisme (DGU) entre 1974 et 1993. Les complexes balnéaires, classifiés comme “touristiques”, sont en réalité des “gated communities”, qui s’adressent en fait quasi exclusivement aux propriétaires privés des chalets balnéaires, et non pas au public. « L’intérêt public » reste un critère très subjectif, et celui de la « continuité » du littoral est flou et généralement peu appliqué. « On considère qu’il doit rester une bande de 10 mètres qui ne doit pas être fermée au public, et à laquelle tout le monde doit pouvoir accéder à la mer de l’extérieur, par la voie terrestre », explique Abdel Hafez Kaissi, directeur général du ministère des Travaux publics et des Transports. Sauf que dans la pratique, l’accès public à la plage est rendu très complexe, car il faut la contourner pour pouvoir y pénétrer, à moins de payer un droit d’entrée. De nombreux projets existants ont de facto totalement privatisé les plages publiques.
Tout laisse à penser que les nouveaux projets s’inscriront dans la même logique. Les promoteurs sont d’autant plus incités à réclamer une exploitation du domaine public maritime que cette dernière est peu coûteuse. C’est le décret 2522 de l’année 1992 qui fixe les taxes annuelles pour occuper le domaine public maritime. La méthode de calcul est simple : il faut multiplier la surface que l’on veut exploiter sur le domaine maritime public par un pourcentage variant de 0,1 % à 2 % selon le type d’exploitation du domaine maritime public et par le prix du mètre carré dans la zone du littoral concernée. Les prix au mètre carré ont été fixés par décret sur toute la côte libanaise, divisée en trente zones. Ils sont dérisoires, s’échelonnant entre 6 et 800 dollars le mètre carré ! Les pourcentages entrant dans le calcul de la redevance annuelle sont eux aussi minimes. « Pour les très gros projets, la taxe annuelle équivaut environ à 300 000 dollars, ce qui est faible, car l’objectif est d’encourager les projets touristiques », confirme Abdel Hafez Kaissi. « Un projet comme le Summerland paie une taxe annuelle de 225 000 dollars pour exploiter 42 810 m² du domaine maritime public, soit 5 dollars par mètre carré. C’est une somme ridicule pour une telle surface ! » s’insurge Ali Darwish, responsable de l’ONG Green Line.
« Si les taxes sont minimes, c’est surtout parce que les complexes balnéaires sont détenus, directement ou indirectement, par des hommes politiques influents. Le pourcentage pour calculer la taxe d’exploitation du domaine maritime public devrait au minimum atteindre 6 % », soutient l’avocat Élie Khattar, auteur d’une thèse de doctorat sur les occupations illégales du domaine maritime public. Certains responsables politiques, comme Nagib Mikati, ont même proposé il y a quelques années de réduire des taxes, afin d’encourager les projets touristiques. Cette question n’est même pas abordée dans l’actuel projet de loi qui prévoit de régulariser les empiètements et les occupations illégales du domaine maritime public, et qui est en attente au Parlement. Pour les promoteurs, les profits engrangés par certaines structures installées sur le domaine maritime public – comme les marinas – sont de loin supérieurs aux taxes annuelles. Car ce type d’infrastructures est très demandé et les emplacements chèrement loués. « Il existe peu d’emplacements pour les bateaux de plaisance sur la côte libanaise. Les Libanais sont obligés de trouver des marinas en Turquie ou à Chypre à cause du manque de place au Liban », note ainsi Sélim Haddad, PDG de la société Rise Properties, copropriétaire du Kye Resort à Tabarja. « Les infrastructures sur le domaine maritime public ne sont pas rentables en soi, en raison de leur coût élevé de construction, mais elles apportent un vrai cachet et une identité au projet, qui facilitent beaucoup la vente des unités », explique cependant le promoteur.
Le décret, baguette magique des promoteurs
Si l’exploitation du domaine public maritime s’est généralisée et ne constitue plus une « exception » comme cela était stipulé dans le décret de 1966, la procédure pour l’obtenir peut être longue. Les promoteurs doivent d’abord passer par le ministère des Transports qui évalue la conformité du projet au décret 4810 de 1966. Le projet est aussi envoyé au Conseil supérieur de l’urbanisme (CSU), qui l’examine et doit donner son aval. Mais son avis n’est que consultatif, si l’on s’en tient à la loi d’urbanisme. Ensuite, la demande est transférée au Conseil des ministres qui publie un contrat d’occupation des propriétés maritimes d’une durée d’un an renouvelable. Le décret autorisant l’exploitation du domaine public maritime est signé par le ministère des Transports, le ministère des Finances, le Premier ministre et le président de la République, selon Abdel Hafez Kaissi. « Pour obtenir ce type de décrets, il faut avoir le soutien de plusieurs courants politiques, souvent opposés sur le plan interne, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Certains promoteurs bien pistonnés n’ont pas réussi à l’obtenir », explique un promoteur immobilier. Grâce à un autre texte, le décret n° 7464, il est même possible via un décret pris en Conseil des ministres d’augmenter la surface exploitée prévue par le décret de 1966, à condition que la superficie de la propriété privée adjacente au domaine maritime public dépasse 20 000 m² et que le projet concerné soit un « projet touristique de première classe ». Ce texte a été adopté en 1995, à un moment où le projet Mövenpick souhaitait occuper davantage de domaine maritime public que le lui permettait le décret de 1966. Aucune limite n’est plus ainsi fixée à la surface pouvant être exploitée. Ces dix dernières années, selon le ministère des Transports, une demi-douzaine de projets balnéaires ont obtenu la signature d’un décret leur permettant d’exploiter le domaine maritime public, principalement sur la partie sud du littoral (notamment le Summerland ou le Jiyeh Marina & Resort). Un nombre équivalent de projets espère désormais obtenir le précieux sésame, parmi eux, Kye Resort à Tabarja ou Galatéia, qui pourrait être lancé à Zouk Mosbeh dans le courant de l’année 2016. Au total, 73 décrets ont été signés depuis l’existence du décret de 1966. Une vingtaine de ces projets ont par la suite dépassé la surface qui avait été autorisée. Depuis deux ans, aucun décret n’a été signé, en raison de la vacance présidentielle, mais l’élection d’un président de la République pourrait relancer la course aux violations “légales” du domaine maritime public.
La problématique de l’exploitation illégale du domaine public maritime est l’un des dossiers “compliqués” auxquels aucun gouvernement ne s’est vraiment attaqué depuis la fin de la guerre en raison de l’importance des intérêts financiers en jeu, même si le sujet ne cesse de revenir sur la table.
Que dit exactement la législation à ce sujet ? Théoriquement, le domaine public maritime est une propriété publique : l’arrêté 144/S du 10 juin 1925 adopté sous le mandat français garantit à tous les citoyens le droit d’accéder aux espaces naturels. Le domaine public maritime correspond à tout l’espace bordant la mer, y compris la plage de sable et les galets, et ce jusqu’à la distance et la profondeur atteintes par la plus haute vague en hiver. Mais voilà : le décret 4810 voté le 24 juin 1966 sous le mandat de Charles Hélou a ouvert des brèches. Il rappelle que la jouissance du domaine maritime revient au public, mais qu’une exploitation privée d’une partie du littoral peut être permise dans des cas « exceptionnels ». Il stipule qu’il est possible d’exploiter le domaine maritime public à « des fins industrielles ou touristiques », à condition que le projet présente un « intérêt public » et que l’investissement réalisé n’entrave pas la continuité du littoral dans les cas où il prévoit des zones qui doivent rester accessibles au public. Les conditions pour investir le domaine maritime public sont précisées dans le décret (voir encadré). Toute personne souhaitant l’exploiter doit nécessairement posséder un terrain adjacent et la surface exploitable sur le domaine maritime public ne peut être deux fois supérieure à la propriété privée contiguë.
Exploiter le domaine public maritime : un prix dérisoire
Les règles édictées par le décret 4810 de 1966 semblent a priori strictement encadrer l’exploitation du domaine maritime public, mais en réalité, le texte laisse une marge de manœuvre importante aux promoteurs immobiliers. « Sous couvert de projets dits touristiques, il s’agit en fait de légitimer une utilisation privative et commerciale du domaine public. Le Liban est l’un des seuls pays au monde à entériner ce type de pratiques mafieuses », dénonce Mohammad Fawaz, ancien directeur de la Direction générale de l’urbanisme (DGU) entre 1974 et 1993. Les complexes balnéaires, classifiés comme “touristiques”, sont en réalité des “gated communities”, qui s’adressent en fait quasi exclusivement aux propriétaires privés des chalets balnéaires, et non pas au public. « L’intérêt public » reste un critère très subjectif, et celui de la « continuité » du littoral est flou et généralement peu appliqué. « On considère qu’il doit rester une bande de 10 mètres qui ne doit pas être fermée au public, et à laquelle tout le monde doit pouvoir accéder à la mer de l’extérieur, par la voie terrestre », explique Abdel Hafez Kaissi, directeur général du ministère des Travaux publics et des Transports. Sauf que dans la pratique, l’accès public à la plage est rendu très complexe, car il faut la contourner pour pouvoir y pénétrer, à moins de payer un droit d’entrée. De nombreux projets existants ont de facto totalement privatisé les plages publiques.
Tout laisse à penser que les nouveaux projets s’inscriront dans la même logique. Les promoteurs sont d’autant plus incités à réclamer une exploitation du domaine public maritime que cette dernière est peu coûteuse. C’est le décret 2522 de l’année 1992 qui fixe les taxes annuelles pour occuper le domaine public maritime. La méthode de calcul est simple : il faut multiplier la surface que l’on veut exploiter sur le domaine maritime public par un pourcentage variant de 0,1 % à 2 % selon le type d’exploitation du domaine maritime public et par le prix du mètre carré dans la zone du littoral concernée. Les prix au mètre carré ont été fixés par décret sur toute la côte libanaise, divisée en trente zones. Ils sont dérisoires, s’échelonnant entre 6 et 800 dollars le mètre carré ! Les pourcentages entrant dans le calcul de la redevance annuelle sont eux aussi minimes. « Pour les très gros projets, la taxe annuelle équivaut environ à 300 000 dollars, ce qui est faible, car l’objectif est d’encourager les projets touristiques », confirme Abdel Hafez Kaissi. « Un projet comme le Summerland paie une taxe annuelle de 225 000 dollars pour exploiter 42 810 m² du domaine maritime public, soit 5 dollars par mètre carré. C’est une somme ridicule pour une telle surface ! » s’insurge Ali Darwish, responsable de l’ONG Green Line.
« Si les taxes sont minimes, c’est surtout parce que les complexes balnéaires sont détenus, directement ou indirectement, par des hommes politiques influents. Le pourcentage pour calculer la taxe d’exploitation du domaine maritime public devrait au minimum atteindre 6 % », soutient l’avocat Élie Khattar, auteur d’une thèse de doctorat sur les occupations illégales du domaine maritime public. Certains responsables politiques, comme Nagib Mikati, ont même proposé il y a quelques années de réduire des taxes, afin d’encourager les projets touristiques. Cette question n’est même pas abordée dans l’actuel projet de loi qui prévoit de régulariser les empiètements et les occupations illégales du domaine maritime public, et qui est en attente au Parlement. Pour les promoteurs, les profits engrangés par certaines structures installées sur le domaine maritime public – comme les marinas – sont de loin supérieurs aux taxes annuelles. Car ce type d’infrastructures est très demandé et les emplacements chèrement loués. « Il existe peu d’emplacements pour les bateaux de plaisance sur la côte libanaise. Les Libanais sont obligés de trouver des marinas en Turquie ou à Chypre à cause du manque de place au Liban », note ainsi Sélim Haddad, PDG de la société Rise Properties, copropriétaire du Kye Resort à Tabarja. « Les infrastructures sur le domaine maritime public ne sont pas rentables en soi, en raison de leur coût élevé de construction, mais elles apportent un vrai cachet et une identité au projet, qui facilitent beaucoup la vente des unités », explique cependant le promoteur.
Le décret, baguette magique des promoteurs
Si l’exploitation du domaine public maritime s’est généralisée et ne constitue plus une « exception » comme cela était stipulé dans le décret de 1966, la procédure pour l’obtenir peut être longue. Les promoteurs doivent d’abord passer par le ministère des Transports qui évalue la conformité du projet au décret 4810 de 1966. Le projet est aussi envoyé au Conseil supérieur de l’urbanisme (CSU), qui l’examine et doit donner son aval. Mais son avis n’est que consultatif, si l’on s’en tient à la loi d’urbanisme. Ensuite, la demande est transférée au Conseil des ministres qui publie un contrat d’occupation des propriétés maritimes d’une durée d’un an renouvelable. Le décret autorisant l’exploitation du domaine public maritime est signé par le ministère des Transports, le ministère des Finances, le Premier ministre et le président de la République, selon Abdel Hafez Kaissi. « Pour obtenir ce type de décrets, il faut avoir le soutien de plusieurs courants politiques, souvent opposés sur le plan interne, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Certains promoteurs bien pistonnés n’ont pas réussi à l’obtenir », explique un promoteur immobilier. Grâce à un autre texte, le décret n° 7464, il est même possible via un décret pris en Conseil des ministres d’augmenter la surface exploitée prévue par le décret de 1966, à condition que la superficie de la propriété privée adjacente au domaine maritime public dépasse 20 000 m² et que le projet concerné soit un « projet touristique de première classe ». Ce texte a été adopté en 1995, à un moment où le projet Mövenpick souhaitait occuper davantage de domaine maritime public que le lui permettait le décret de 1966. Aucune limite n’est plus ainsi fixée à la surface pouvant être exploitée. Ces dix dernières années, selon le ministère des Transports, une demi-douzaine de projets balnéaires ont obtenu la signature d’un décret leur permettant d’exploiter le domaine maritime public, principalement sur la partie sud du littoral (notamment le Summerland ou le Jiyeh Marina & Resort). Un nombre équivalent de projets espère désormais obtenir le précieux sésame, parmi eux, Kye Resort à Tabarja ou Galatéia, qui pourrait être lancé à Zouk Mosbeh dans le courant de l’année 2016. Au total, 73 décrets ont été signés depuis l’existence du décret de 1966. Une vingtaine de ces projets ont par la suite dépassé la surface qui avait été autorisée. Depuis deux ans, aucun décret n’a été signé, en raison de la vacance présidentielle, mais l’élection d’un président de la République pourrait relancer la course aux violations “légales” du domaine maritime public.
Les règles d’urbanisme pour exploiter le domaine maritime public Pour demander à exploiter le domaine maritime public, il faut posséder une parcelle adjacente. Si l’on veut construire un “projet touristique” sans possibilité d’hébergement, cette parcelle doit au moins faire 7 500 m², avec au moins 100 mètres de façade sur mer, et 60 mètres de profondeur. Si le projet prévoit des espaces d’hébergement (comme des hôtels), la parcelle doit faire au moins 10 000 m². Le décret de 1966 prévoit que la surface exploitable sur le domaine maritime public ne peut être deux fois supérieure à la propriété privée adjacente. Par ailleurs, il n’est pas permis d’ériger des installations permanentes sur le domaine maritime public, à l’exception de celles relevant des équipements sportifs et organisationnels, ainsi que des équipements auxiliaires associés qui doivent se trouver près de la plage, à condition que le coefficient d’exploitation au sol de ces équipements ne dépasse pas 5 %, que la hauteur des bâtiments ne dépasse pas 6 mètres et que le coefficient d’exploitation total ne dépasse pas un maximum de 0,075 %. Enfin, le projet doit être situé sur des zones classées touristiques, hôtelières ou industrielles, une classification dans laquelle entre la plupart des terrains sur le littoral libanais. Le ministère des Transports a recensé 20 projets balnéaires, qui ont obtenu une autorisation d’exploitation du domaine public sur la base du décret 4810 de 1966 et qui ont ensuite construit plus que ce qui leur était permis. |
Les occupations illégales, un dossier en suspens Les projets “légalisés” en Conseil des ministres ne constituent que la face émergée de l’iceberg. Ils ne représentent en fait qu’une petite minorité des constructions sur le littoral libanais, qui pour la plupart ont occupé le domaine public maritime sans permis pendant la guerre civile, puis au début des années 1990. Le ministère des Travaux publics et des Transports a répertorié 1 068 constructions illégales entre 1975 et 1994, et 107 depuis 1994, dont certaines encore très récemment, en 2011 et 2012. Selon le magazine The Monthly, publié par l’organisme Information International – et qui se base sur les données fournies par le ministère des Transports –, sur les 4,9 millions de mètres carrés exploités sur le domaine maritime public au Liban, 2,365 millions de mètres carrés sont occupés légalement, tandis que 52 % des occupations du domaine maritime public sont illégales. Ces projets illégaux devraient payer de fortes amendes, mais les pouvoirs publics ne les ont jamais réclamées. Selon le ministère des Transports, l’amende pour un projet illégal se calcule en multipliant par cinq la surface exploitée sur le domaine maritime public et le coût du mètre carré sur le littoral. Soit 5 000 dollars pour chaque mètre carré occupé illégalement sur le domaine maritime public, si le coût du terrain sur le littoral s’élève à 1 000 dollars par mètre carré. « Environ 2 à 3 % des projets illégaux paient des amendes. L’État perd chaque année 50 millions de dollars, car aucune décision politique n’est prise pour mettre fin à cet état d’impunité », estime Abdel Hafez Kaissi, le directeur général du ministère des Travaux publics et des Transports. Les empiètements illégaux doivent normalement être démolis. « Nous avons envoyé de nombreuses requêtes aux Forces de sécurité intérieure pour détruire les projets illégaux, mais elles sont restées sans réponse », ajoute Abdel Hafez Kaissi. Un projet de loi réglementant le statut des occupations illégales est en outre en attente depuis plus de 25 ans et le débat est sans cesse repoussé aux calendes grecques. |