Un article du Dossier
La création libanaise accède au podium mondial
Le 22 janvier dernier, Rabih Kayrouz ouvrait les festivités du calendrier de la haute couture parisienne en présentant sa collection hiver 2017… de prêt-à-porter. Sur les podiums de la capitale française, le créateur présente des modèles hybrides, à mi-chemin entre l’exigence de la couture – « des vêtements très bien faits avec beaucoup d’attention et de beaux tissus », dit-il, – et le côté industriel du prêt-à-porter. Celui qui se définit comme un “créateur de mode” bénéficie régulièrement depuis 2009 du statut de “membre invité” de la Chambre syndicale de la haute couture parisienne lui permettant de présenter ses « figures libres » sur l’une des plus prestigieuses scènes de la mode mondiale. Dans la Maison Rabih Kayrouz, les deux segments sont pourtant bien scindés. En 2016, l’entreprise concentrait 80 % de son activité (soit l’équivalent de 6 000 pièces) au prêt-à-porter et 20 % (une trentaine de robes vendues à 40 000 dollars l’unité, très majoritairement à destination des Libanaises) à la couture. « En tant que créateur, je m’exprime plus librement avec le prêt-à-porter, c’est là que je mets mon énergie, explique Rabih Kayrouz. La partie couture est devenue plus intimiste, elle se destine à des clientes qui sont souvent mes amies. » C’est pourtant bien avec cette dernière activité que Rabih Kayrouz s’est fait un nom à partir de la fin des années 1990. Depuis tout jeune, le Libanais originaire de Ghazir aime le vêtement. Après cinq années à Paris (entre une école préparatoire, la Chambre syndicale de la couture parisienne et les Maisons Chanel et Dior –, Rabih Kayrouz rentre au Liban en 1997. « Il y avait une énergie particulière, c’était le début de la reconstruction, tout était possible, facile », se souvient-il. La vente de sa première robe de mariée combinée au soutien financier de ses parents lui permettent d’ouvrir son atelier rue du Liban. « La concurrence n’était pas trop forte, il y avait des couturiers, mais pas énormément de créateurs. Je me démarquais d’un Élie Saab avec une clientèle plus jeune, plus cool. » Chaque année, le Libanais prend encore un peu plus d’ampleur et se mue même à partir de 2008 en mentor en lançant avec son amie Tala Hajjar la Fondation Starch pour accompagner les jeunes créateurs. « J’avais envie d’être entouré de concurrents de qualité », s’amuse-t-il aujourd’hui satisfait d’avoir permis à des designers comme Krikor Jabotian, Nour Najam ou Bachar Assaf – pour ne citer qu’eux – de se faire un nom. Rabih Kayrouz n’en délaisse pas pour autant son activité. En 2009 le groupe ouvre un second siège à Paris et se réoriente vers le prêt-à-porter. « Ma couture me rapportait suffisamment d’argent, mais le prêt-à-porter propulse beaucoup plus loin. Je voulais écrire une nouvelle histoire », raconte-t-il. Ce revirement nécessite des investissements. Rabih Kayrouz se sépare de la moitié de son effectif au Liban, réduit à dix employés. Désormais, la partie de la production de la couture restera à Beyrouth. L’intégralité de celle du prêt-à-porter se fera en France. La marque s’impose sur le Vieux Continent et au-delà au point d’être vendue en 2016 dans une soixantaine de points de vente répartis dans vingt et un pays. Autant de relais essentiels pour promouvoir les quinze collections de prêt-à-porter réalisées ces dix dernières années. En cette année 2017, Rabih Kayrouz est à un nouveau virage. La maison a ouvert son capital au fonds d’investissement Azur Fund - le montant n’a pas été dévoilé - pour développer la vente en ligne de ses collections. Le créateur s’apprête également à lancer sa première collection d’accessoires. Ses bijoux doivent être mis en vente d’ici à la fin de l’année.