Un article du Dossier
La création libanaise accède au podium mondial
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« Sortir des petites mentalités »
Avec autant de réussites érigées en modèle, les couturiers libanais ont fait naître des vocations. Pour Nadim Chammas, « Élie Saab a ouvert la voie avec sa notoriété acquise à l’étranger ». « Il y a eu une création de valeur à partir des années 2000 », relève l’intéressé. En dix-huit ans, pas moins de sept écoles ou formations dans les universités consacrées aux métiers de la mode ont vu le jour. Des établissements parrainés par les icônes du secteur comme Rabih Kayrouz avec l’Académie libanaise des beaux-arts (Alba). Cette tendance des couturiers confirmés à enfiler le costume de mentors se confirme dans l’étude d’Endeavor selon laquelle un tiers des jeunes créateurs consultés ont fait leurs premiers pas dans les maisons d’Élie Saab ou de Rabih Kayrouz. Ce dernier permet d’ailleurs depuis 2008 à des talents d’émerger via la fondation Starch créée avec Tala Hajjar. « En neuf ans, Starch a permis à une quinzaine de créateurs de mode de se lancer », se félicite-t-il. « L’écosystème est en formation, mais il est inabouti, il manque l’argent, le nerf de la guerre », estime Nadim Chammas. Les métiers de la création ne sont pas valorisés. » L’entrepreneur en veut pour preuve la circulaire 331 mise en place par la Banque du Liban pour accompagner l’économie de la connaissance qui aurait dû selon lui « s’appliquer aux industries créatives au sens large, car elles disposent d’un effet démultiplicateur incroyable ». « Les investisseurs perçoivent encore les couturiers comme des artistes et non comme des hommes d’affaires, créateurs de richesses », abonde Marie-Christine Tabet. Un cas particulièrement vrai pour les jeunes en quête de financements pour se lancer. « Beyrouth est le numéro deux de la couture dans le monde », estime Élie Saab. La clé pour grimper sur la première marche du podium ? « S’unir, faire un syndicat efficace et sortir des petites mentalités », confie-t-il. Car aujourd’hui, peu de projets semblent en mesure de fédérer le secteur à l’image de ce qui se fait dans les Fashion Week new-yorkaise, londonienne, milanaise ou parisienne. « Une semaine de la mode implique beaucoup de logistique, une coordination, l’intérêt des sponsors, des clients, de la presse internationale… or, nous avons déjà du mal à former un gouvernement… », soupire Georges Chakra. « Nous avons essayé à plusieurs reprises, mais cela a toujours échoué, regrette de son côté Élie Saab. Il nous faudrait des soutiens… Il ne s’agit pas ici de faire rentrer de l’argent, mais bien de créer une vitrine pour le pays. » Un rôle qu’a depuis endossé Dubaï, actif à travers tout un réseau d’événements et d’accompagnements pour les designers de la région. Dernier exemple en date : la quatrième édition de l’Arab Fashion Week qui se déroule dans l’émirat du 16 au 20 mai (2017) à l’initiative de l’Arab Fashion Council (AFC) sur le modèle de la “ready-couture” (des créations à mi-chemin entre la couture et le prêt-à-porter). La manifestation, financée intégralement par des sponsors, offrait une série d’avantages aux créateurs sélectionnés, dont la fourniture du nécessaire à la production d’un défilé : depuis le maquillage jusqu’aux mannequins. Et une exposition, dans la lignée des défilés des plus grandes capitales de la mode.
Le petit écran, tremplin de carrière
Quinze candidats, treize semaines de compétition, un jury présidé par Élie Saab, et à la clé un chèque de 50 000 dollars, un contrat d’un an avec l’espace créatif Dubai Design District (D3), une carte annuelle de membre au Dubai Fashion Council, et un article dans le magazine de mode Harper’s Bazaar Arabia. La première édition de l’émission “Project Runway Middle East”, diffusée sur MBC, a récompensé le Libanais Alaa Najd. « C’est la pierre angulaire pour tout entrepreneur qui vise le succès, estime le vainqueur qui en plus de bénéficier d’une forte exposition régionale a pu ouvrir sa propre maison de couture avec le montant récolté. Dubai One y était allée aussi de son programme l’an dernier avec la diffusion de “Fashion Star”, parrainé par la créatrice libanaise Reem Acra. Faut-il voir derrière ces émissions un aveu d’échec dans l’accompagnement des jeunes créateurs dans la région ? Alaa Najd y perçoit plutôt « un coup de pouce nécessaire pour exister par soi-même et devenir un designer à succès et réputé ». Et certainement pour les chaînes de télévision de très bons résultats d’audiences dans la lignée de ces émissions mettant en valeur des “talents” qui rassemblent chaque semaine des millions de téléspectateurs.